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Durant le dépouillement de nos différents corpus vidéo, nous avons été confronté à plusieurs situations problématiques. Nous avons alors dû opérer un certain nombre de choix qui influenceraient par la suite les résultats obtenus et les analyses que nous pour-rions en tirer. Il nous a donc semblé judicieux de présenter en amont les positions que nous avons adoptées pour le traitement de nos données.

Tout d’abord, pour établir le nombre d’occurrences des termes en français, nous avons compté le nombre de fois où chaque terme était concrètement et « virtuellement » prononcé par le professeur. Rappelons que nous sommes face à un discours oral et que les règles d’énonciation sont en partie différentes de celles valables pour le discours écrit.

Ainsi, nous avons compté chaque occurrence de terme, peu importe si celui-ci apparais-sait sous une forme tronquée (par ex. « événements certains, impossibles, simples, com-posés » représente en réalité quatre termes) ou éclatée (par ex. « la monnaie dite offi-cielle » pour « la monnaie offioffi-cielle »)20. Précisons que lorsqu’un pronom était utilisé pour remplacer un terme, nous n’avons pas comptabilisé cela comme une occurrence du terme. En ce qui concerne les occurrences des équivalences signées pour les termes, lors-que le terme a été rendu d’une manière ou d’une autre par l’interprète, une occurrence du terme en LSF a été enregistrée. Lorsqu’un terme en français n’est prononcé qu’une fois, mais que l’interprète le rend sous plusieurs formes (l’interprète se reprend, se complète ou se corrige), une seule occurrence du terme en LSF a été comptabilisée, bien que les différentes tactiques mises en œuvre aient toutes été relevées. Cette pratique se fonde sur l’idée que ce travail consiste à observer comment les interprètes rendent les termes pro-noncés en langue des signes et non pas à étudier les choix discursifs de l’interprète ou à juger de la qualité de l’interprétation.

Ensuite, lorsque l’interprète a réutilisé une équivalence terminologique signée sans que le terme français équivalent apparaisse, l’occurrence signée n’a pas été retenue dans le décompte.

De plus, les noms propres et les noms de marque, bien que devant être rendus en LS au moyen d’une des tactiques présentées plus haut, n’ont pas été retenus comme termes et n’ont par conséquent pas été analysés.

Enfin, notre plus gros problème a été de décider comment traiter les termes simples ou complexes lorsque ceux-ci présentaient des signes attestés qui pouvaient être considérés comme des équivalents. Étant donné que la LSF-CH manque de ressources présentant une structure lexicographique monolingue normalisée permettant d’attester des sens des éléments lexicaux, il nous est difficile d’établir clairement si par exemple le signe [PROBABLE] (corpus 1) comprend ou non le sens spécialisé du terme « probabi-lité ». Le signe [PROBABLE] doit-il donc être considéré comme un équivalent attesté, auquel cas il n’entrerait pas dans notre analyse, ou comme une équivalence sémantique proposée par l’interprète durant sa traduction ? Nous avons décidé, faute de pouvoir nous

20 Dans le premier exemple, quatre termes ont donc été repérés (événement certain, événement impossible, événement simple et événement composé) et une occurrence de chaque a été comptabilisée.

assurer de l’étendue des acceptions d’un signe en LSF-CH, de retenir ces cas comme s’il ne s’agissait pas d’une équivalence attestée, mais plutôt d’une sorte d’extension de sens.

Ainsi, lorsque de tels cas se sont présentés, nous avons posé que l’interprète avait effectué un emprunt à la LSF. Ce faisant, nous considérons, sans doute de manière extrême, que la langue des signes suisse romande ne connaît pas déjà ces acceptions. Cela reste toute-fois plausible étant donné le nombre restreint de Sourds en Suisse romande qui peuvent accéder à des études de niveau tertiaire grâce à des interprètes. Nous pouvons ici arguer que le sens spécialisé de certaines unités est fortement similaire, pour ne pas dire iden-tique, à celui de langue générale, par exemple « euro » (corpus 2) ou « franc suisse » (corpus 2). Toutefois, par souci de cohérence, nous n’avons pas tenu compte de ces sub-tilités. De plus, il n’est pas question dans ce travail d’analyser en détail le sémantisme de signes, mais plutôt d’étudier les procédés mis en œuvre par l’interprète pour restituer des termes. La question s’est également posée pour des termes complexes à l’instar de

« Banque Nationale » (corpus 2), « monnaie officielle » (corpus 2) ou encore « marché financier » (corpus 2) traduits respectivement par [BANQUE + NATIONAL], [MON-NAIE + OFFICIEL] et [COMMERCE, MARCHE + FINANCE]. Faut-il considérer ces unités comme des traductions littérales du français ou comme de nouvelles créations is-sues de la combinaison inédite de signes conventionnels ? Au vu de la difficulté, voire de l’impossibilité, que représenterait le fait d’opérer une distinction pratique entre la traduc-tion littérale (français signé) et la créatraduc-tion d’une nouvelle dénominatraduc-tion à partir de signes standard, nous avons décidé de considérer ces cas uniquement comme des équivalences formelles, sans préciser de quelle nature précisément. Nous ne remettons pas ici en cause la distinction entre équivalence formelle basée sur la langue source ou sur la langue cible établie plus haut, toutefois, nous ne sommes pas en mesure en l’état actuel de nos con-naissances et des ressources disponibles de nous prononcer là-dessous. C’est donc une simplification tout à fait pragmatique que nous proposons ici. De plus, nous estimons qu’une telle catégorisation plus générale permet tout de même d’observer si l’interprète privilégie une équivalence plutôt formelle ou plutôt sémantique, ce qui est dans tous les cas notre objectif premier.