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5. Méthodologie

5.1. Constitution d’un corpus d’analyse

À la base de toute réflexion sur la langue, il y a des corpus de textes écrits ou oraux, soit pour reprendre la définition de J. Sinclair (McHardy Sinclair, 1996) « […] a collection of pieces of language that are selected and ordered according to explicit lin-guistic criteria in order to be used as a sample of the language »19. De cette définition, nous pouvons ressortir trois caractéristiques fondamentales qui définissent la notion de corpus. Premièrement, il s’agit d’un ensemble de textes. Un unique texte ne saurait cons-tituer un corpus à lui tout seul. Deuxièmement, les échantillons de la langue sont authen-tiques, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas été synthétisés artificiellement par le chercheur, mais qu’ils sont issus d’une situation de communication réelle. Finalement, ces textes sont sé-lectionnés, ce qui implique la nécessité de définir en amont des critères clairs qui déter-minent la conservation ou l’exclusion d’un texte. Il existe une multitude de formes de corpus en fonction du but que celui-ci permet de remplir. Pour notre travail, nous avons constitué un corpus dit « spécialisé ». Ce type de corpus sert à l’étude de phénomènes spécifiques et est restreint par différents critères.

Différents paramètres ont compliqué l’élaboration de notre corpus. Premièrement, et c’est là une contrainte inhérente à la notion de corpus, celui-ci doit se composer de données réelles provenant de situations observées concrètement. Cela restreint d’une cer-taine façon le nombre d’échantillons disponibles, car il faut, pour être retenu, qu’un cas respecte tous les critères théoriques définis en amont par le chercheur. Dans notre cas, ces critères étaient que l’interprétation devait s’effectuer du français vers la langue des signes

suisse romande, qu’il fallait pouvoir enregistrer à la fois le discours oral de l’orateur et la version signée de l’interprète pour constituer un corpus bilingue, que l’interprétation de-vait relever du milieu scolaire et qu’elle dede-vait porter sur un texte spécialisé. Deuxième-ment, notre contexte de travail, le milieu scolaire, est tout de même délicat. Il est difficile d’obtenir un large éventail d’institutions qui acceptent de prendre part à des projets de recherche tels que le nôtre, ce qui limite une fois de plus le nombre de données potentielles.

Il nous a également fallu trouver des interprètes qui acceptent d’être filmés. Troisième-ment, nous avons dû nous limiter à un nombre restreint de cours, car contrairement à ce qui est le cas pour des textes écrits, le traitement de données audio et vidéo (inhérentes à l’observation de la langue des signes) requiert nettement plus de temps que le traitement de données écrites et notamment un temps de retranscription des données.

Un établissement scolaire du niveau tertiaire accueillant un étudiant sourd qui re-court à des interprètes en langue des signes pour l’ensemble de ses cours a accepté de nous accueillir. Après avoir obtenu l’accord du recteur, nous avons contacté les profes-seurs et les interprètes qui assurent l’enseignement et l’interprétation pour cet étudiant.

L’ensemble des professeurs contactés, soit 9, ont tous accepté d’être enregistrés. Les cours enregistrés ont ainsi porté sur des domaines variés comme les mathématiques, la comptabilité ou encore l’informatique, tous ayant néanmoins comme dénominateur com-mun l’économie. Les cours dispensés s’appuyaient pour la plupart sur une présentation PowerPoint plus ou moins détaillée et étaient dispensés ex cathedra. Les cours de mathé-matiques, d’économie (2 cours), d’informatique et de comptabilité comportaient égale-ment une partie de correction d’exercices. Le cours de manageégale-ment était majoritaireégale-ment composé d’exposés d’étudiants qui n’ont pas été enregistrés. En ce qui concerne les in-terprètes, sur les 8 sollicités, 6 ont accepté d’être filmés, dont un pour un cours unique-ment (au lieu de deux). L’interprétation en langue des signes a été filmée au moyen d’une caméra, le discours des professeurs grâce à un dictaphone et au micro de la caméra. La bande-son de la caméra nous a en effet servi d’enregistrement de secours au cas où le dictaphone serait défectueux. Cette sécurité s’est d’ailleurs révélée salvatrice pour un cours. Le temps total de cours enregistrés s’élève avant traitement à plus de 490 minutes (8 h 12 min 29 sec) (vidéo). Les enregistrements se sont déroulés sur trois semaines entre les mois de mai et juin 2018 à raison d’un cours la première semaine, six cours la deu-xième semaine et deux cours la troisième semaine. Le tableau ci-dessous résume les don-nées brutes que nous avons récoltées. Les différences entre la durée de la piste audio et

vidéo s’expliquent par le fait que nous ne pouvions arrêter le dictaphone durant le cours alors que nous pouvions interrompre le tournage au gré des interventions.

Cours Interprète(s) Domaine

d’ex-ploitation du marché 79'13''/57'50'' -

6 B + D Stock

Pour des questions de temps et d’efficacité, ainsi que pour éviter une certaine re-dondance, nous avons sélectionné 4 cours pour notre étude. Les trois premiers cours choi-sis sont les cours de mathématiques, de macroéconomie et d’économie. Ce choix se fonde sur le fait que c’est le même interprète qui a assuré l’interprétation de ces trois cours.

Ainsi, il est intéressant d’étudier si face à des discours de formes différentes, un même interprète adopte les mêmes tactiques face au vide terminologique ou, au contraire, si celles-ci varient selon la structure du discours. Le quatrième cours est le cours de droit.

Celui-ci a été interprété par un binôme d’interprètes. Nous souhaitions ici analyser si un interprète travaillant en binôme utilise les mêmes tactiques que son collège. Concluons en précisant que des séquences d’environ 15 minutes par cours (ou par interprète, pour le cours à deux interprètes) ont été étudiées pour restreindre le nombre de termes à analyser, ce qui donne un total d’environ 83 minutes de cours analysées.