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CHAPITRE 2 – MATERIELS ET METHODES

I.8 La religion

Au cours du Ve siècle le Christianisme s’imposa comme la religion dominante des Bretons. Les chercheurs sont restés cependant partagés quand à la rapidité de sa diffusion. Rahtz a mis en avant la proximité de plusieurs nécropoles du Somerset avec des temples païens romano-celtiques (comme à Henley Wood (75)) ou de

structures associées à des dépôts votifs comme sur le hillfort de Cadbury-

Congresbury (76) comme autant de preuves de la persistance d’un paganisme fort aux alentours de l’an 500. Dark a rejeté ces interprétations, argumentant que les temples romano-celtiques ne montraient plus de signe d’utilisation au Ve siècle et signalant l’existence d’une église bretonne déjà bien organisée au siècle suivant (6). Gildas dans son De Excidio Britanniae (47) critiquait les prêtres et les évêques des Bretons, mais ne reprochait pas à ses compatriotes d’être païens, au contraire des voisins saxons. L’hérésie pélagienne connut une vogue importante en Bretagne. Saint Germain d’Auxerre fut envoyé par le pape pour lutter contre les Pélagiens vers le milieu du Ve siècle (77). Un certain nombre de croyances et de pratiques

païennes restèrent très longtemps en usage, le folklore breton d’aujourd’hui en faisant toujours parfois écho.

On a longtemps mis en avant l’existence d’un « christianisme celtique ». En réalité il n’y eu jamais de véritable schisme entre Rome et l’église insulaire, malgré plusieurs points de dissension sur le dogme. Les Bretons conservèrent de nombreux

archaïsmes issus du christianisme pratiqué au IVe siècle et furent influencés par les pères du désert d’Egypte. Les pratiques du clergé breton restèrent longtemps proches de celles du clergé irlandais : on calculait différemment la date de Pâques, les moines portaient une tonsure particulière (voir figure 8). Au début du VIe siècle plusieurs évêques gallo-romains dont Melaine de Rennes s’indignèrent contre les pratiques des prêtres (aux noms brittoniques) Lovocat et Catihern (78,79), à savoir l’utilisation d’autels portatifs et la présence de conhospitae, des diaconesses, pour servir la messe.

Figure 8. Reconstitution d’un moine breton arborant la tonsure insulaire, association Letavia. Photo J. Maréchal (pixures.be).

Le mouvement monastique connut chez les Bretons un essor important à partir de l’an 500. Plusieurs grands centres existaient dans le sud de l’actuel Pays de Galles, le plus important étant Llanilltud Fawr. D’après leurs vitae écrites pour la plupart entre le VIIIe et le XIIe siècle c’est là que de nombreux saints bretons auraient étudié auprès de saint Illtud, avant d’aller fonder leurs propres monastères que ce soit en Grande-Bretagne (comme David à Ménévie) ou en Gaule (comme Samson à Dol et Pentale). Ces récits hagiographiques ne sont pas des sources historiques fiables concernant la carrière des nombreux saints bretons des VI-VIIe siècles, mais plusieurs de ces personnages jouèrent un rôle important à leur époque.

L’archéologie a pu permettre de dater la fondation de certains des monastères bretons. Par exemple les premières tombes du cimetière de l’abbaye de

Landévennec, fondée par saint Gwénolé, ont été datées de la fin du Ve siècle ou du début du VIe siècle (80).

Ces établissements gagnèrent progressivement en pouvoir et en prestige. La règle scotique en vigueur était souvent sévère avec une tendance à l’ascétisme. Certains hommes de Dieu se retiraient de la société pour vivre en ermites. Les fondations monastiques furent nombreuses en Bretagne armoricaine comme en témoigne l’abondance des toponymes en lan-.

L’organisation diocésaine de l’église bretonne était particulière. Ailleurs les diocèses reprenaient souvent les limites des anciennes civitates romaines. Ce fut peut être le cas dans une partie des territoires bretons. Le plus souvent un siège épiscopal était attaché à un monastère puissant. Saint David fut ainsi abbé et évêque de Ménévie (Saint-David dans le Prembrokeshire), saint Samson fut lui sur le continent abbé de Pentale, de Dol et évêque de Dol.

Les VIIe et VIIIe siècle virent une véritable lutte d’influence en Grande-Bretagne entre d’un côté les églises bretonne et irlandaise et de l’autre l’église romaine. L’activité missionnaire des religieux bretons et irlandais était alors très importante dans les îles britanniques comme sur le continent, et les Irlandais prêchèrent beaucoup aux Anglo-Saxons. Les royaumes anglo-saxons finirent cependant tous par adopter l’usage chrétien romain, véhiculé par les clercs venus du continent, et notamment par Augustin de Canterbury à partir de 516. Les deux camps

s’affrontèrent au synode de Whitby en 664, où le roi de Northumbrie Oswiu décida d’adopter l’usage romain. Les Pictes, les Scots du Dal Riata et les Irlandais

abandonnèrent peu à peu leurs particularités insulaires. Les Bretons furent les derniers à céder, au VIIIe siècle. Sur le continent l’église bretonne s’ouvrit à l’influence franque et le puissant monastère de Landévennec adopta la règle bénédictine en 818. Les religieux bretons furent dès lors davantage tournés vers le continent, ce qui se traduisit notamment dans les productions littéraires des

monastères ou les styles architecturaux de leurs constructions, comme l’a démontré Guigon (81). Les diocèses bretons continentaux, qui apparurent très

progressivement au long du Haut Moyen Age, étaient en théorie soumis à l’autorité du métropolitain de Tours. Au IXe siècle, Nominoë et ses successeurs parvinrent à imposer un temps leurs propres évêques.

Les églises bretonnes, irlandaises et anglo-saxonnes contribuèrent à sauvegarder une bonne partie du savoir hérité de l’empire romain. Des monastères comme Landévennec étaient très puissants. Il s’agissait de véritables centres du savoir. La période carolingienne en Bretagne continentale vit la rédaction de nombreuses vitae des saints fondateurs des V-VIIe siècles, mais aussi de traités de médecine ou d’astrologie. Malgré le caractère apologétique des vitae, elles apportent des informations non négligeables sur la société bretonne du IXe siècle, et sur les relations entre les monastères bretons et les abbayes franques ou les

établissements insulaires. La richesse de ces monastères attira la convoitise des Vikings, et nombre d’entre eux furent abandonnés provisoirement (comme

Les pratiques funéraires évoluèrent au cours du Haut Moyen Age. Les défunts étaient généralement enterrés en décubitus dorsal suivant une orientation est-ouest, la tête à l’ouest, en pleine terre, ou dans des cercueils de bois ou de pierre, ou avec des coffrages de pierre (tombes à ciste). L’inhumation accompagnée (pratiquée par les Germains) était minoritaire, et on n’a retrouvé que très peu d’objets dans les tombes. Ces pratiques trouvaient leurs origines à l’âge du fer et à la période romaine et en soit ne témoignaient pas nécessairement d’un rite funéraire païen ou chrétien. Aux V-VIIe siècles les tombes des personnages importants pouvaient être signalées par une pierre inscrite de leur nom (voir figure 9), placées près d’une route ou à la frontière d’un territoire défini. Au début de la période, les nécropoles avaient un caractère familial et parfois une enceinte (on parle de undevelopped cemeteries). A partir du VIIIe siècle, sous le poids de l’influence de l’église, les rites évoluèrent et ces cimetières furent abandonnés ou reçurent un oratoire ; des cimetières

paroissiaux émergeant ailleurs, à proximité d’un lieu saint.

Figure 9. Pierre inscrite de classe 1 exposée au musée de Truro, Cornwall. Photo B. Franckaert.

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