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CHAPITRE 2 – MATERIELS ET METHODES

I.5 Les Bretons insulaires face aux Saxons

Figure 4. La Grande-Bretagne au VIe siècle.

Les territoires bretons figurent en vert, les territoires gaéliques en jaune et pictes en marron. En rouge sont indiquées les premières zones d’implantations anglo-saxonnes entre le milieu du Ve et le début du VIe siècle, d’après la présence de cimetières anglo-saxons. On notera les enclaves bretonnes dans le sud et l’est de l’île. Les noms de royaumes ou de peuples sont indiqués en gras et

majuscules, les civitates britto-romaines entre parenthèses, et plusieurs localités mentionnées dans le texte en mininuscule (en gras pour les noms anciens, en italique pour les noms actuels). Carte B. Franckaert, d’après Dark (6).

La conquête anglo-saxonne de la Grande-Bretagne, ou du moins de la partie qui allait devenir l’Angleterre, fut un processus long et très progressif. D’après Dark des enclaves bretonnes persistèrent dans l’est de l’île au VIe siècle (6) (voir figure 3). Les royaumes anglo-saxons n’émergèrent vraiment qu’à la fin de ce même siècle et au VIIe siècle. Les Bretons du sud et de l’est de l’île ont été peu à peu conquis et assimilés par ces royaumes. Le VIIe siècle était mieux connu grâce aux écrits de Bède le Vénérable (62), un moine du monastère de Jarrow en Northumbrie. Bède renseignait entre autres sur les relations entre les Bretons et les Saxons. Au VIIe siècle les territoires aux mains des Bretons devinrent considérablement réduits. Dans le nord de l’île (sud de l’Ecosse actuelle) les Bretons durent faire face à l’expansion du royaume de Northumbrie, né de la fusion des royaumes de Bernicie et de Deira. Les royaumes bretons du Rheged (Dumfries et Galloway) et du

Gododdin (Lothian) tombèrent tour à tour, seul les Bretons d’Alt Clut (région de Dumbarton et de Glasgow) ont résisté à son avancée (voir figure 5). Leur royaume a persisté jusqu’au XIe siècle sous le nom de Strathclyde. Il fut finalement absorbé par le royaume gaélique d’Alba – l’Ecosse. Clarkson a étudié les destins de ces

différents royaumes bretons du nord (63).

L’un des plus puissants chefs bretons du VIIe siècle fut Cadwallon, roi du Gwynedd (nord du Pays de Galles). Cadwallon, allié au roi angle Penda de Mercie, vaincu plusieurs rois de Northumbrie et ravagea ce royaume, avant d’être lui-même vaincu et tué à la bataille de Heavenfield en 633 après JC. Au centre de l’actuel Pays de Galles, le royaume de Powys vit sa moitié orientale annexée par les Angles de Mercie. Le roi Offa de Mercie fit construire un talus défensif, le fameux Offa’s Dyke, pour marquer la frontière avec les Bretons. Au IXe siècle Rhodri Mawr, roi du Gwynedd s’empara peu à peu des autres royaumes gallois : Powys, Ceredigion, Seissillwg. Son petit fils Hywell Dda, roi de Deheubarth (anciennement le Dyfed), réunit tous les royaumes gallois, à l’exception du Gwent et du Glamorgan, (régions de Caerwent et Cardiff). Ces derniers ont conservé leur indépendance mais seront aussi les premiers annexés par les Normands dans les années 1080 après JC. A partir du IXe siècle les souverains gallois tendirent à reconnaître la primauté des rois anglo-saxons du Wessex, notamment Alfred et Aethelstan. Au IXe siècle, les Vikings entrèrent sur la scène politique. Leur impact ne fut pas aussi durable qu’en

Angleterre, en Ecosse ou en Irlande. Redknap a écrit un ouvrage (64) qui résume l’héritage des Vikings au Pays de Galles. Après la conquête de l’Angleterre par Guillaume de Normandie, les Gallois durent faire face aux Normands. Le sud-est du Pays de Galles fut conquis dans les années 1080. Le Gwynedd parvint à résister à la conquête anglo-normande jusqu’à la fin du XIIIe siècle. L’histoire du « Pays de

Galles » au Haut Moyen Age a fait l’objet de l’ouvrage de Davies (8) et de celui, récent, de Charles-Edwards (9).

Le sud-ouest de la Grande-Bretagne fut progressivement conquis par le royaume du Wessex. La Chronique Anglo-saxonne (65), compilée au IXe siècle à la cour d’Alfred le Grand, nous renseigne sur les jalons de cette conquête. La zone correspondant aux actuels comtés du Dorset et du Somerset fut annexée au cours du VIIe siècle. Les Bretons de Dumnonia (royaume regroupant les comtés actuels du Cornwall et du Devon) s’opposèrent longtemps aux Saxons, l’équivalent du Devon tombant aux mains de ces derniers vers la fin du VIIIe siècle. Ne resta plus alors aux mains des Bretons que l’extrémité ouest de la péninsule, nommée Cornubia ou Cerniu, l’actuel Cornwall, sa frontière étant définitivement fixée sur la rivière Tamar par Aethelstan

en 936 après JC. Des derniers rois du Cornwall, on ne connaît que des traditions très tardives. Le Cornwall, bien qu’intégré à l’Angleterre au XIe siècle, conserva une identité culturelle propre et une grande proximité avec la Bretagne continentale, maintenant l’usage d’une langue brittonique – le cornique - jusqu’au XIXe siècle.

Figure 5. La Grande-Bretagne au IXe siècle.

Les principaux territoires bretons sont indiqués en vert clair, les royaumes anglo-saxons dans différentes couleurs. Les frontières sont approximatives. Carte B. Franckaert.

I.6 La Bretagne carolingienne

Grâce à certains textes comme les Dix Livres d’Histoire de Grégoire de Tours (54) ou la Chronique du pseudo-Frédégaire (66) sont connus les noms et faits des chefs bretons continentaux des VI-VIIe siècles tels que Budic, Waroch et Judicaël. Les auteurs anciens étaient par contre quasiment muets sur le VIIIe siècle en Bretagne. Après l’avènement de la dynastie carolingienne, le IXe siècle breton est beaucoup mieux renseigné grâce aux annales franques. Les principaux événements de cette période sont bien connus (voir notamment les travaux de Cassard (3), Chédeville et Guillotel (2), Giot, Guigon et Merdrignac (4)). Charlemagne et son fils Louis le Pieux lancèrent plusieurs campagnes contre les Bretons, constituant une marche de Bretagne avec les comtés de Rennes, Nantes et Vannes. Les Francs parvinrent finalement à soumettre les Bretons. Pour les pacifier Louis nommera comme missus Nominoë, un noble breton. A la mort de Louis le Pieux son fils Charles le Chauve hérita du tiers occidental de l’empire. En 844 après JC, Nominoë se révolta contre Charles, s’empara des comtés de Rennes et de Nantes, qui resteront attachés à la Bretagne et ravagea l’ouest de la Gaule. Il périt en 851 et son fils Erispoë lui

succéda, remportant la même année la victoire de Jengland contre les Francs de Charles. Le souverain franc fut contraint de traiter avec le chef breton, et, cas unique en Europe, lui aurait reconnu le titre de roi vassal (3). Erispoë fut assassiné par son cousin Salomon. C’est sous le règne de ce dernier que le royaume de Bretagne connu son extension géographique maximale (voir figure 6). Charles lui concéda le territoire entre Sarthe et Mayenne en 863 (traité d’Entrammes) puis l’Avranchin et le Cotentin (traité de Compiègne) en 867. La politique de Salomon s’inscrivit dans l’orbite carolingienne et son pouvoir fit des mécontents. Il fut lui-même assassiné en 874, ses meurtriers, Pascweten et Gurwant se disputant le pouvoir.

Figure 6. La Bretagne à l'époque carolingienne. Carte wikimedia.commons.

La fin du IXe siècle et la première moitié du Xe siècle furent marquées par les ravages des Vikings. La situation politique fut transitoirement rétablie sous le règne d’Alain le Grand. Après sa mort en 907 une nouvelle vague de raids et l’implantation de plusieurs colonies scandinaves conduisirent les élites politiques et religieuses à l’exil en Grande-Bretagne et en Gaule. Le petit-fils d’Alain le Grand, Alain Barbetorte, réfugié à la cour du roi Aethelstan de Wessex, revint en 936 et parvint a à chasser les Vikings avec l’aide du comte Bérenger de Rennes et de ses voisins francs. Alain devint le premier duc de Bretagne, mais les territoires acquis par Salomon furent définitivement perdus. Alain meurt en 952 et après une période de confrontation c’est la maison des comtes de Rennes qui prit le pouvoir. A la fin du Xe siècle, la Bretagne entra dans l’ère féodale, les ducs ne gouvernant de manière effective que les comtés de Rennes et de Vannes. Leur autorité ne fut pas reconnue par tous avant le courant du XIIe siècle suite à l’intervention d’Henri II Plantagênet et de ses fils dans les affaires bretonnes.

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