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Les relations symétriques

4.0. Introduction

Dans le cadre de ce mémoire, notre étude des relations complémentaires nous aura permis de constater l'incommunicabilité intergénérationnelle et la quête existentielle qu'elle engendre pour les jeunes protagonistes, plus particulièrement pour Wilfrid, dont les tentatives d'entrer en relation avec les gens de la génération qui l'a précédé, dans son propre pays comme à l'étranger, se sont révélées infructueuses. Il se voit ainsi contraint de porter la dépouille de son père d'un continent à l'autre, puis d'un village à l'autre. « Là-bas », comme nous le savons, il fait la connaissance de Simone, qui devient aussitôt déterminante dans cette quête de l'altérité : elle ne demande qu'à « sortir [d'elle-même] », persuadée que « [t]oute l'intrigue de la vie prend naissance dans notre histoire avec l'autre » (L : 72). Ainsi, elle accepte volontiers d'aider Wilfrid dans sa recherche d'un lieu de sépulture convenable pour son père. L'engagement est mutuel puisqu'à son tour, il se prête au jeu de Simone et hurle avec elle, à la tombée de la nuit, dans l'espoir d'obtenir une réponse favorable, laquelle se manifeste par le scintillement, nuit après nuit, d'une petite lumière. Devant l'absence d'un endroit où enterrer le cadavre, ils décident de quitter le village et de suivre le signal lumineux, ignorant qu'« à la croisée des chemins » se trouve véritablement le « visage d'un autre », et qu'à travers lui, ils parviendront à la connaissance d'eux-mêmes (L : 72). Nous consacrerons notre dernier chapitre à l'établissement et au maintien des interactions symétriques entre Wilfrid, Simone et les autres orphelins qui développeront des liens d'amitié à partir du troisième acte de Littoral. Nous voulons ainsi mettre en lumière les règles qui émergent progressivement des

échanges et qui contribuent à l'édification d'un système de communication capable de redonner à chacun des personnages son identité.

4.1. Etablir la communication

Bien avant que Wilfrid n'ait rejoint la terre d'origine de ses défunts parents, voire avant qu'il n'ait entamé le récit des événements entourant le décès inattendu de son père, il se dégage de son discours ce besoin imminent et incontournable d'entrer et d'être en relation pour attester de son individualité. La pièce débute par une courte mise en situation dans laquelle le protagoniste établit un véritable échange entre ses propos, qui rendent compte de ses agissements actuels, et le discours de certaines gens, qui lui auraient dicté le comportement à adopter :

WILFRID. C'est en désespoir de cause, monsieur, que j'ai couru jusqu'ici pour venir vous voir. On m'a dit que vous étiez la bonne personne pour ce genre de choses, alors je n'ai pas hésité, et je suis venu, même si on me disait que vous étiez très occupé et que vous ne receviez les gens qu'avec des rendez-vous, mais les gens racontent n'importe quoi. La preuve. Je suis là, devant vous. C'est un fait, j'ai dû me battre un peu avec la femme à barbe qui vous sert de secrétaire, mais ce n'est pas grave. Je suis devant vous. On m'a dit aussi que tout ce que j'aurais à faire, ce serait de vous raconter mon histoire. Vous dire un peu qui je suis. Alors je suis venu le plus vite que j'ai pu pour vous dire qui je suis, mais ça va être un peu difficile, parce que je suis jeune et qu'à mon âge, des choses pareilles ne se disent pas. (L : 13)

Au cours de la séquence, Wilfrid alterne entre deux modalités narratives distinctes, soit les discours immédiat et rapporté. Ce changement dans la focalisation permet au personnage de se positionner par rapport à autrui, à qui il ne donne ni entièrement raison ni tout à fait tort. En effet, quelques personnes semblent avoir influencé sa décision de se rendre au tribunal. Pourtant, il considère que ces « gens racontent n'importe quoi » puisqu'il obtient sans tarder un rendez-vous malgré l'horaire prétendument chargé du magistrat. Toutefois, Wilfrid leur reconnaît encore une part de vérité en avouant n'avoir convaincu la secrétaire que

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difficilement. Puis, il racontera son histoire parce que les autres le lui ont recommandé, tel qu'il le mentionne dans l'extrait. Le juge, selon ses dires, lui aurait également « demandé de tout [lui] raconter » (L : 17). Au cours de cette même scène, Wilfrid justifie son empressement en rapportant les propos du médecin, celui-ci l'ayant supposément avisé de la décomposition imminente du cadavre (L: 17-18).

En confrontant sa parole à celle de la collectivité, le personnage principal démontre à quel point « la conscience que nous avons de nous-mêmes dépend de la communication1 » puisque c'est dans l'interaction qu'il peut affirmer sa spécificité.

Le rapport à l'Autre devient, pour ainsi dire, légitimation de soi dans Littoral. Dans cette perspective, l'arrivée de Wilfrid au pays de ses ancêtres représente un miracle pour Simone, dont la quête de l'altérité se manifeste par l'envoi incessant de signaux auxquels personne n'a encore répondu au commencement de ce troisième acte. D'emblée, elle remarque leur jeune âge à tous les deux, et cette ressemblance sert de point de départ à leur union et à la mise en place d'un modèle d'interactions fondé sur la symétrie.

4.1.1. L'Autre : un guide dans la noirceur

Wilfrid trouve en Simone l'entraide et l'écoute qu'il n'avait pu obtenir de sa famille maternelle à la mort de son père. Ne parvenant toutefois pas à convaincre les siens de la nécessité d'offrir l'hospitalité aux morts, quels qu'ils soient, elle décide de s'aventurer hors de son village pour chercher une sépulture au défunt, de même que pour sortir de sa solitude. À la fin du troisième acte, encouragée par Wilfrid, elle choisit de se diriger vers le village voisin où elle perçoit, depuis quelque temps, un signal lumineux. Le titre du quatrième acte, « L'Autre », annonce les

1 Paul Watzlawick, Janet Helmick Beavin et Don D. Jackson, Une logique de la communication, Paris, Seuil (Coll. Points essais), 1972, p. 31.

rencontres successives d'Ame, de Sabbé et de Massi. La disposition géographique des personnages, retirés dans leur village respectif, rend bien compte de leur isolement et le voyage qu'ils s'apprêtent à entreprendre, de leur désir d'en sortir. Ainsi privés du rapport à l'Autre, ils se serviront du langage analogique pour établir un premier contact. En réponse aux messages lancés dans la mer par Simone, Amé, comme nous le savons, utilisera la lumière. Puis, au violon de cette même Simone se joindra le tambour de Sabbé. Enfin, le rire de ce dernier trouvera écho dans celui de Massi, permettant ainsi à la rencontre de se produire. Bien que le décodage d'un message transmis par le langage analogique puisse laisser l'interlocuteur dans l'ambiguïté, les personnages reçoivent sans équivoque les différents signaux comme une invitation à aller à la rencontre de l'Autre.

De manière plus implicite, la rencontre avec Joséphine passe également par la transmission de signaux. Elle rejoint les orphelins parce que, de village en village, elle a entendu parler de leur passage, et s'est mise à les suivre. Elle annonce sa venue en récitant des noms, tirant de leur sommeil les voyageurs. Cette dernière rencontre s'apparente à la première. Wilfrid se laisse mener par le violon de Simone, mais elle s'interrompt. Alors confus, il trébuche sur Ulrich, qui se charge de les présenter l'un à l'autre, car si la musique devient imperceptible pour Wilfrid, Simone ne voit ni n'entend le signal de cet étranger qui « arrive du côté où [elle] l'attendai[t] le moins » (L : 73).

L'établissement de la communication implique la transmission plus ou moins consciente d'un signal auditif, à l'exception de celui d'Ame qui sollicite la vue. La narration subséquente de son histoire ouvre la voie à une interprétation de la singularité du moyen utilisé par le protagoniste pour véhiculer son message. Il raconte qu'au combat, il n'a pas su reconnaître le visage de son père, obnubilé par une trop grande colère, et l'a assassiné. Plus que quiconque, il semble qu'il ait

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besoin de la présence de l'Autre pour sortir de cet aveuglement. Néanmoins, nous sommes portés à croire que les autres personnages ne sont pas davantage dans la clairvoyance. En effet, tous les signaux, qu'ils soient lumineux ou sonores, envoyés volontairement ou non, se font dans la noirceur, véritable symbole de leur égarement. Wilfrid constate à son arrivée au pays de son père qu'« [i]l fait noir comme dans le cul d'un ours » et que, sans la musique de Simone, il est totalement perdu (L : 65). Amé allume sa lumière à la tombée de la nuit (L : 74). Sabbé et Massi rigolent ensemble toutes les nuits (L : 92). Joséphine rattrape le groupe pendant une « [n]uit noire» (L : 103). Enfin, pour Simone, «le grand calme de la nuit » (L : 88) est un moment propice pour jouer de son instrument et inviter l'Autre à la retrouver à la croisée des chemins. Dans l'obscurité, elle unit son violon au tambour de Sabbé, confiante qu'avec « leurs musiques comme repères, [ils se] retrouveron]t] » (L : 89).

Le sentiment d'errance n'est pas exclusif au personnage d'Ame, mais partagé par l'ensemble des protagonistes, pour qui les différents signaux deviennent des moyens afin de s'orienter. À travers ses manifestations nocturnes, l'Autre se présente comme un guide dans cette noirceur, si bien qu'à son appel, les protagonistes y associent une source lumineuse. Par exemple, à l'arrivée de Wilfrid, Ulrich ressent qu' « une étoile lointaine [...] s'est rapprochée [des siens] de quelques centimètres pour [leur] faire comprendre que [leur] vie va changer » (L : 68). Pour sa part, Amé, autrefois « aveuglé par sa folie, pourra « retoumfer] vers la lumière » « [a]vec ses amis » (L : 96). Enfin, le rire de Sabbé détient le pouvoir de rendre «les étoiles [...] plus visibles, plus lisibles» (L : 98) pour Massi. Il semble bien que dans l'interaction avec son semblable réside l'espoir d'une rédemption, Joséphine se définissant elle-même comme « la lumière » pour Wilfrid à la scène 46. Ainsi, « [l]'intention de communiquer », qui se traduit par le recours au langage analogique dans Littoral, « se manifeste à travers une décision de

résoudre un problème posé par une situation sociale de communication2 », en

l'occurrence cette crise existentielle engendrée par la solitude.

4.2. Maintenir la communication : spécifier la relation

Les échanges de signaux mènent successivement aux rencontres entre les différents personnages qui délaisseront alors le langage analogique au profit d'interactions verbales. L'on remarque que le contenu et la forme des premiers échanges entre les membres du groupe déjà existant et le nouveau venu, qu'il s'agisse d'Ame, de Sabbé ou de Massi, se ressemblent tout particulièrement. Pour les voyageurs, comme nous le verrons, la rencontre signifie d'abord la reconnaissance de l'Autre, c'est-à-dire une juste association entre l'émetteur et le signal perçu par le groupe. Il leur importe ensuite de se reconnaître en l'Autre puisque l'établissement de relations symétriques repose, notamment, sur la minimisation des différences entre les interactants. Nous nous intéresserons également aux scènes entre les rencontres, car bien que les premiers échanges verbaux révèlent suffisamment de ressemblances pour ériger minimalement un système de communication, il n'en demeure pas moins que le périple dans lequel s'engagent tour à tour les personnages de Littoral est ponctuellement interrompu par le désaccord, ce qui les incite à spécifier fréquemment les assises d'une relation encore incertaine.

4.2.1. La reconnaissance

Des premières conversations entre les protagonistes ressort une façon toute particulière de faire connaissance. En effet, ils ne parlent d'eux-mêmes que

Alex Mucchielli, Les situations de communication : approche formelle, Paris, Eyrolles, 1991, p. 23.

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sommairement, et bien souvent, la parole d'autrui supplée aux présentations d'usage :

AMÉ. C'est toi la musicienne de la nuit, celle qui habite le village du haut? SIMONE. C'est moi. C'est toi qui allumais la lumière?

AMÉ. C'est moi.

SIMONE. Comment tu t'appelles?

AMÉ. Amé. Toutes les nuits j'entendais tes appels. Parfois, aussi, je retrouvais des bouteilles dans lesquelles il y avait des papiers. Des messages. Et tout ça parlait de la croisée des chemins. Qu'à la croisée des chemins, il pouvait y avoir l'autre. Alors depuis des jours, je viens ici, à la croisée des chemins. Je voulais savoir.

SIMONE. Je m'appelle Simone. Voici Wilfrid. Il transporte le cadavre de son père. (L:83)

Amé instaure le dialogue avec Simone par la forme interrogative afin de savoir s'il s'adresse bien à « la musicienne de la nuit », telle qu'il la décrit. Brièvement, elle affirme avoir elle-même envoyé ce message, puis reprend la formulation d'Ame pour le questionner sur le signal lumineux dont elle le soupçonne d'être à l'origine. Il lui répond par l'affirmative, et ce, exactement comme elle l'avait fait. Les rencontres suivantes se déroulent sensiblement de la même manière. À la scène 31, Sabbé s'enquiert de l'identité de la musicienne avec laquelle il croit avoir joué au cours de la nuit. Il formule également sa question en commençant par « c'est toi », et il obtient pour réponse un bref « oui » de la part de son interlocutrice. Toutefois, Amé, agacé par le rire incessant de Sabbé, interrompt abruptement l'échange. Simone reprend la discussion peu après. Par l'interrogation indirecte, elle s'assure que Sabbé est celui qui a répondu à ses appels. Il atteste en lui disant : « J'ai répondu, oui. » (L : 90) Enfin, Massi fait connaissance avec Sabbé à la scène 35. À nouveau, Mouawad se sert du parallélisme pour illustrer la reconnaissance entre les personnages :

MASSI. C'est toi?

Bref, la dynamique interactionnelle qui s'installe au commencement des échanges varie peu. L'on remarque que l'un des personnages détient une information sur son interlocuteur qui demande à être confirmée par ce dernier dont la réponse, toujours affirmative, se juxtapose syntaxiquement à l'interrogation.

Les scènes de rencontres se poursuivent de façon à ce que les présentations se fassent toujours par l'entremise du discours d'un autre. L'arrivée d'un éventuel compagnon de voyage devient une occasion pour l'un des interactants d'initier les présentations et de proposer une définition toute personnelle de l'un ou de plusieurs de ses compagnons de route, et de le caractériser par le fait même. La scène 35, qui marque la venue de Massi, s'avère particulièrement éloquente à cet égard puisque la connaissance des uns passe, dans tous les cas, par l'entremise des autres. Au contact du groupe, Massi se lie d'amitié avec Sabbé après que Simone lui ait présenté celui « avec qui [il] rigolai[t] toutes les nuits » (L : 98). À son tour, Sabbé s'occupe de lui faire connaître Simone, « la fille au violon », puis Amé, qu'il considère être un « grand poète » (L : 98). Il introduit enfin Wilfrid sous le même angle que l'avait fait Simone lors des rencontres précédentes : il demeure celui qui « transporte le cadavre de son père à la recherche d'un lieu de paix pour l'enterrer » (L : 98).

Par la communication, tout « locuteur joue [nécessairement] avec l'identité de son interlocuteur3 », ce que Simone et Sabbé s'emploient à faire au moment des

rencontres. En effet, en participant à l'émergence d'un système de communication, qui s'exprime dans leur initiative à faire les présentations, ils assignent une identité à chacun des membres du groupe, identité que semblent accepter ces derniers étant donné qu'ils ne contestent jamais le point de vue des leurs à ce propos.

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Il en est autrement lorsque le point de vue provient d'un individu extérieur au groupe de voyageurs. Tous les jeunes personnages ont entendu parier de Simone bien avant de faire sa connaissance, mais ils n'entendent pas lui assigner cette identité de « pute » (L : 90), de « sorcière » (L : 97) ou de « légende » (L : 98) que les habitants de leur pays lui ont donnée. Pour les siens, elle reste la « musicienne » décrite par Ulrich. Cette discordance en ce qui a trait à la manière d'entrevoir Simone rend compte avec davantage d'évidence du problème commun et partagé par l'ensemble des jeunes voyageurs qu'est cette incommunicabilité entre les générations.

La reconstruction de l'identité de Wilfrid et de ses compagnons passe donc par la parole de l'Autre qui s'emploie à les décrire et à les nommer, et à leur renvoyer, par la même occasion, une image d'eux-mêmes, image qui semble leur convenir. D'emblée, le parallélisme que reprend successivement et systématiquement Mouawad lors des rencontres avec Amé, Sabbé et Massi crée cette impression d'effet miroir produit par la communication. En fait, les personnages ne parlent jamais vraiment d'eux-mêmes et bien qu'entre les rencontres, ils racontent leur propre histoire, leur identité réside encore dans la parole des autres, soit celle d'auteurs de la littérature. Par exemple, les récits d'Ame, de Sabbé et de Massi évoquent respectivement l'Œdipe de Sophocle, l'Hamlet de Shakespeare et le Mychkine de Dostoïevski dans leur rapport au père. Nous apprenons que « [l]'un a tué le sien, [que] l'autre doit venger le sien et [que] le troisième n'a jamais connu le sien4 ». Il en va de même pour Wilfrid qui, au cinquième acte, revient sur les

circonstances entourant la mort de son père. Le discours du personnage renvoie alors aux deux premiers actes de Littoral, et l'autoréférentialité, nous l'avons mentionné auparavant dans notre deuxième chapitre, « est un cas d'intertextualité rapportée au texte lui-même5 ». L'identité apparaît alors fragile, incertaine, pour

4 Wajdi Mouawad, Préface à Littoral, Montréal, Leméac (Coll. Actes sud - Papiers), 1999.

5 Patrice Pavis, Dictionnaire du théâtre, édition revue et corrigée, Paris, Armand Collin, 2006, p. 209.

ces personnages qui n'ont d'existence que dans la parole de l'Autre au commencement de ce voyage.

4.2.2. Les escalades symétriques

Comme le conçoit Mucchielli, communiquer exige l'établissement d'une relation avec son semblable, ce que Wilfrid et ses pairs ont été en mesure d'accomplir par le biais d'une interaction analogique. Cela suppose aussi le maintien de cette relation6, qui réside notamment dans une vision commune de la réalité. Comme

nous venons de le voir, les jeunes personnages semblent s'entendre sur la nécessité de renouer avec l'Autre. Puis, les présentations d'usage terminées, Simone tente d'agrandir le groupe en demandant à Amé, à Sabbé et à Massi de faire partie du voyage. Cette invitation engendre un questionnement de part et d'autre, et contribue d'autant plus au façonnement d'une relation caractérisée par la symétrie. Ainsi, un premier personnage reçoit une invitation, mais n'accepte pas d'emblée et cherche plutôt à connaître la finalité du voyage. Il obtient une réponse évasive à sa question : tous veulent aider Wilfrid à enterrer son père, mais l'endroit leur est encore inconnu; tous souhaitent poursuivre la route pour aller raconter des histoires dont aucun, à ce stade-ci de leur aventure, n'en connaît le fil conducteur. Le nouvel arrivant accepte tout de même de les suivre. Le groupe hésite à son tour et retarde le moment de leur union en le questionnant de manière à s'assurer que son engagement soit entier malgré qu'il repose sur une quête au demeurant imprécise. La scène 35, « Massi », l'illustre clairement :

SIMONE. Alors, Massi, veux-tu venir avec nous? MASSI. Où partez-vous?

SIMONE. Nous voulons d'abord trouver un lieu pour enterrer le père, pour que Wilfrid puisse retourner chez lui, puis nous poursuivrons vers la mer, pour aller de ville en ville raconter chacun notre histoire.

MASSI. J'aime bien les histoires. Je vous suivrais bien.

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SIMONE. Es-tu prêt à tout laisser tomber pour nous suivre? MASSI. Je n'ai pas grand-chose.

SIMONE. Tes parents, tes amis?

MASSI. Mes amis eux sont partis. Ils ont disparu. WILFRID. Et tes parents?

MASSI. Ma mère est partie il y a longtemps. Mon père, je ne l'ai jamais connu.

AMÉ. Es-tu prêt à raconter ton histoire de ville en ville? MASSI. Oui. (L:99)

Massi se satisfait de la réponse de Simone, mais il ne peut la suivre qu'à la

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