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Ses relations avec le héros

PARTIE II ETUDE COMPARATIVE DES PERSONNAGES DE

B. Le personnage de Dumbledore dans les romans Harry Potter

3. Ses relations avec le héros

Selon Umberto Eco1, le personnage se construit notamment à partir des relations qu'il noue avec les autres personnages. Nous nous intéresserons ici tout particulièrement à ses relations avec le héros éponyme du cycle au travers de deux fonctions principales : celle de guide initiatique et de figure paternelle qui constituent deux pendants de la fonction de mentor.

L'initiation d'Harry, comme celle de tout héros implique une série de rites initiatiques, l'accès à un niveau supérieur de connaissances, passant par la maîtrise de pouvoirs, de compétences et de savoirs et la mort initiatique du novice pour accéder à la maturité. Comme dans tout roman d'initiation, le héros est vecteur de la transformation et de la construction intérieure du lecteur. On peut donc dire que Dumbledore fait aussi office de mentor pour le lecteur.

L'un des thèmes centraux abordés dans le cycle Harry Potter est la difficulté de grandir. La difficulté est double pour Harry qui doit grandir sans ses parents et, en plus, accomplir son destin extraordinaire et vaincre Voldemort. Pour cela, il devra passer par plusieurs étapes, de plus en plus difficiles, guidé principalement par Dumbledore.

L'un des premiers enseignements délivrés à Harry par son mentor est le « Connais-toi toi-même » de l’oracle de Delphes. Il est d'abord primordial pour lui d'accéder à ses origines : qui étaient ses parents ? Pourquoi et comment les a-t-on tués ? Qui est leur meurtrier ? sont autant de questions auxquelles Dumbledore se donnera pour mission de répondre. Ce-dernier sera également celui qui lui donnera accès à une partie de son héritage, en lui donnant la cape d'invisibilité de son père, insistant sur sa ressemblance avec ses parents et lui expliquant qu'il

détient une protection inégalable due au sacrifice de sa mère. Comme l'explique Eric Auriacombe1, « Dumbledore ouvre un espace pour un travail de mémoire et de réappropriation de son passé, proche de la psychanalyse ». Mais se connaître ne se limite pas à retracer son histoire, Dumbledore fait prendre conscience à son protégé de ses forces, mais aussi de ses limites, l’aide à réfléchir sur lui-même et à prendre confiance en lui. En l'épaulant dans sa quête existentielle, il offre, enfin, à Harry la possibilité de se connaître et donc de devenir l'homme qu'il doit devenir. Il lui apprend qu'il doit se construire en s'opposant au mal, non par vengeance mais par vertu. La question de l'identité d'Harry constituera un des fils rouges de l'heptalogie.

L'initiation passe ensuite par l'acceptation de la réalité. En effet, après qu'Harry ait eu à faire face à une épreuve traumatisante, la mort de Cedric Diggory et le retour de Voldemort, Dumbledore insiste pour qu'il comprenne ce qu'il a vécu et l'accepte :

« Il est nécessaire de comprendre la réalité avant de pouvoir l’accepter et seule l’acceptation de la réalité peut permettre la guérison (…) Endormir la douleur pendant quelques temps ne la rendra que plus intense lorsque tu la sentiras à nouveau2. ».

En grandissant, Harry devra accepter un monde qui n'est pas manichéen. L'acceptation des peurs prend aussi une place importante face au spectre du mal qu'est Voldemort. Ainsi, Dumbledore se veut rassurant : « C'est l'inconnu qui nous fait peur quand nous contemplons la mort ou l'obscurité, rien d'autre3. »

En même temps que l'acceptation et la quête des origines, Harry doit faire face à des épreuves, une ou plusieurs par tome, au terme desquelles il est systématiquement reçu dans le bureau de Dumbledore qui, après avoir répondu à ses questions, lui explique en détail ce qui vient de lui arriver. Le mentor prend alors un rôle thérapeutique qui passe par la mise en récit et, souvent, par le rire. Chaque faux pas devient alors une leçon qui pourra être évitée en grandissant, puisqu'à la suite de ces étapes, il saura reconnaître les signes du danger et les mécanismes de défense à mobiliser. Au cours de ces différentes épreuves et malgré son

1 AURIACOMBE, Eric. Harry Potter, l'enfant héros – Essai sur la psychopathologie de Harry Potter. Presses Universitaires de France, 2005

2 ROWLING, Joanne K. Harry Potter et la coupe de feu (tome IV), p. 740.

3 ROWLING, Joanne K. Harry Potter et le Prince de sang-mêlé (tome VI), trad. Jean-François Ménard, Gallimard Jeunesse, Paris, 2004, p. 622.

apparente omniscience, Dumbledore n'intervient jamais : il laisse Harry faire les expériences nécessaires à sa maturation, en compagnie de ses amis, afin qu'il n'oublie pas qu'ils sont une aide précieuse. Harry le remarque d'ailleurs au tome I :

« C'est un drôle de personnage, ce Dumbledore. Je crois qu'il a voulu me donner une chance. Il doit savoir à peu près tout ce qui se passe à l'école, mais au lieu d'essayer de nous arrêter, il a cherché à nous aider. (…) C'est un peu comme s'il me reconnaissait le droit d'affronter Voldemort face à face si je le pouvais1».

Cependant, le mentor distillera des indices et donnera les clés aux trois élèves pour qu'ils ne se trouvent pas démunis le moment venu.

Après la mort de Sirius, le parrain d’Harry, Dumbledore décide de lui révéler un certain nombre de choses afin que sa haine et ce qu'elle peut engendrer ne l'empêchent pas de continuer le chemin initiatique auquel il est destiné. Il l'emmène dans son bureau et lui révèle, par l'intermédiaire de la Pensine2, le secret de son destin révélé par la prophétie. La vérité, nous l'avons vu, a une grande valeur dans le parcours initiatique mais ceux qui en sont les dépositaires la gardent en sûreté tant que les paliers ne sont pas franchis : « Je ne peux pas te répondre, pas aujourd'hui en tout cas… (…) quand tu seras prêt, tu comprendras3... ».

Dans le sixième tome, Dumbledore donne à Harry des leçons particulières, dans son bureau, afin qu'il en apprenne plus sur le passé de Voldemort et sur la future tâche qu'il devra accomplir pour le vaincre. On découvre alors, avec Harry, les origines du mal : l'enfance de Voldemort, ce qui aura pour but de faire comprendre au jeune héros comment réfléchit le sorcier, de pouvoir prévoir ses réactions et donc, d’être capable de le vaincre en utilisant la logique et la réflexion. De plus, en découvrant que l'enfance de Tom Jedusor (le vrai nom de Voldemort) et la sienne sont semblables, Harry sera conforté dans l'idée, maintes fois énoncée par Dumbledore, que ce sont les choix qui déterminent la valeur d'un individu, et qu'il n'existe pas de déterminisme social, psychologique ou génétique. En parallèle, Dumbledore et lui mènent une enquête sur Voldemort qui leur apprendra que ce dernier a scindé son âme en sept morceaux, les « Horcruxes », qu’Harry devra détruire pour triompher.

1 ROWLING, Joanne K. Harry Potter à l'école des sorciers (tome I), p. 295. 2 Une bassine contenant des fragments de mémoire.

C'est à la fin de ce tome et au terme d'un an de ces leçons particulières que Dumbledore meurt, laissant désormais Harry seul dans sa quête des Horcruxes. La mort du mentor constitue un passage obligé pour l'autonomie du héros ; Dumbledore passe le flambeau à son élève et s'ouvre alors une étape nouvelle pour Harry.

Le tome VII est donc celui de la sortie de l'enfance puisqu'il se déroule hors de Poudlard et sans la présence de Dumbledore. C'est dans ce livre qu'Harry devra accomplir son destin et affronter la mort. La mort symbolique étant le rite suprême de toute initiation, il n'est pas étonnant que Dumbledore, malgré son absence soit celui qui guide encore une fois Harry dans cette étape. En effet, on comprend dans ce dernier tome que Dumbledore avait tout planifié, du début à la fin, pour permettre à Harry de comprendre, le jour de l'affrontement, qu'il doit accepter la mort. C'est la compréhension profonde de ses enseignements qui permettent à Harry de triompher.

Au terme des romans, Dumbledore sera, bien sûr, celui qui révèlera l'ultime secret du parcours initiatique d'Harry : « Tu étais le septième Horcruxe1» ; le fait de l'avoir su avant aurait modifié son comportement et risqué d'entraver ou d'influencer ses choix ; sachant que seuls les actes comptent dans le parcours initiatique, Dumbledore ne lui donne la clé finale qu'à la fin, à l'heure de vérité afin qu'il soit en mesure de faire l'ultime choix de son parcours : « Maintenant Harry tu as le choix entre laisser venir la mort ou continuer de vivre et d'arrêter Voldemort2 ». Dumbledore va accompagner Harry jusqu'au bout, sans l'influencer, afin qu'il accomplisse pleinement son destin.

Alors que la figure maternelle d'Harry semble ne souffrir d'aucune compétition, on remarque que les substituts paternels sont nombreux pour lui : Hagrid, Sirius, Lupin et Dumbledore. En effet, ce dernier, a pris toutes les décisions importantes de la vie d'Harry et a veillé sur lui toutes ces années et, contre toute attente s'est pris d'affection pour le jeune homme.

Selon Isabelle Smadja, Dumbledore conjugue un certain nombre de qualités que tout garçon rêve de connaître chez son père :

« A la fois complice, ami, confident et protecteur, c'est aussi un homme strict et intelligent, modèle de rigueur et de moralité (…) Dumbledore incarne le pouvoir sans les méfaits du pouvoir (…) ni l'orgueil, ni l'ambition, ni le refus de

1 ROWLING, Joanne K. Harry Potter et les reliques de la mort (tome VII), p. 757. 2 Ibid, p. 771.

partager ; (…) le savoir sans les défauts du savoir : en dépit de ses connaissances hors pairs, parfois considérées comme de l'omniscience, on ne voit en lui ni mépris ni lassitude mais, au contraire une sorte de gaîté espiègle et d'indulgence ; (…) Enfin,(…) Dumbledore incarne la paternité sans les défauts de la paternité : tout en aimant Harry comme un père, on ne sent pas en lui la résistance d'un père lorsqu'il s'agit de laisser l'enfant devenir grand et acquérir son autonomie. Il n'y a, entre lui et Harry, aucune femme qui pourrait introduire conflit ou rivalité1. ».

Dumbledore est celui qui a pris toutes les décisions importantes de la vie d'Harry et a veillé sur lui toutes ces années. Harry rendra hommage à son mentor et protecteur en donnant son prénom à son second fils qu'il nomme Albus Severus.

De par ses qualités d'homme sage, intelligent, aux immenses pouvoirs, porteur de nombreuses valeurs, Dumbledore est en adéquation avec les qualités que l'on attend d'un mentor. Les relations qu'il entretient avec le héros et le fait qu'il soit celui par qui toute l'histoire arrive en fait une figure assez proche de Merlin, entre la figure médiévale de l’enchanteur et celles qui en découleront a posteriori.

Nous nous efforcerons, dans la partie suivante, de développer les liens entre ces deux personnages.