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Rapprochement général entre l'heptalogie Harry Potter et le cycle des

PARTIE II ETUDE COMPARATIVE DES PERSONNAGES DE

A. Rapprochement général entre l'heptalogie Harry Potter et le cycle des

Les romans de la série Harry Potter et ceux de la matière de Bretagne1 se rapprochent d'abord par les genres qu'ils mêlent, à savoir le merveilleux et l'aventure ainsi que par leurs thèmes principaux : la chevalerie (au sens large des valeurs telles que la fraternité, la bravoure, l'honneur et l'humilité), l'amour, la justice ou encore le destin.

J.K. Rowling reprend de nombreux éléments de l’imagerie médiévale : des créatures magiques telles que les dragons, ou encore des topoï comme ceux de la forêt ou du château. Au niveau géographique, on a à la fois des lieux réels et une topographie fantaisiste (l’île d’Avalon, Poudlard), ce qui mêle réel et imaginaire et les fait s’imbriquer. Notons d’ailleurs, que ces œuvres situent leur narration dans une Angleterre (ou royaume de Bretagne) en guerre, que ce soit contre l’invasion saxonne ou contre la montée du mal avec Voldemort, le Seigneur des Ténèbres. Entre ces espaces, il en existe un autre, plus singulier, qui est l’eau. On a l'idée d'un autre monde séparé de la réalité par l'eau : la « rivière infranchissable » dans Le Conte du Graal de Chrétien de Troyes et la rivière par laquelle les premières années arrivent à Poudlard dans

Harry Potter constituent des passages entre deux mondes. Cette eau, à valeur baptismale

symbolise aussi le processus d'initiation, la reconnaissance de l'élu et sa montée en puissance. La forêt, lieu étrange où vivent toutes sortes de créatures mystérieuses et fantastiques est un espace sauvage dans lequel le chevalier ou le sorcier trouvera des réponses, des aides pour sa quête ou vivra des épreuves formatives.

Dans la symbolique, on retrouve également la prédominance des blasons, utilisés pour révéler l'identité et la personnalité d'un individu. Les couleurs des blasons médiévaux ont des significations propres, et on remarque que l'auteure d'Harry Potter a repris ces symboliques pour les armoiries des maisons de l'école Poudlard : le rouge des Gryffondor pour la force et le courage, le bleu des Serdaigle pour la sagesse, etc.. La symbolique est également significative

pour ce qui est des figures héraldiques, telles que le griffon, l'aigle ou le serpent, qui sont, elles aussi porteuses de sens.

La dimension merveilleuse se trouve, entre autres, dans la présence d'objets magiques qui servent d'auxiliaires aux héros et qu'il acquiert au fur et à mesure de son apprentissage. Si l'on se penche sur ces objets, on retrouve encore des similitudes : la cape d’invisibilité du jeune sorcier pourrait s’apparenter à une armure ; son balai, par lequel il prend conscience de ses capacités en tant que sorcier fait office de destrier et le fait qu’il s’avère très doué pour le « conduire » peut être vu comme une légitimation du jeune homme à devenir un sorcier avec des aptitudes magiques, tel que le destrier, selon Etienne Souriau1 symbolise l’initiation chevaleresque. En poursuivant sur cette idée, on peut alors voir un lien entre les tournois médiévaux, qui opposaient plusieurs chevaliers représentant chacun un seigneur et les tournois de Quidditch qui confrontent les équipes des quatre maisons de Poudlard, ou encore le tournoi des trois sorciers, une compétition inter-écoles où chaque champion représente une institution. Ces tournois, dans les deux cas, se font pour l’honneur de la victoire mais aussi dans un but de divertissement du public.

La présence d'épées magiques est notable dans ces œuvres : l'épée de Gryffondor qui prouve à Harry sa légitimité à faire partie des sorciers de bien répond à Excalibur, épée donnée à Arthur par la dame du lac et à l'épée dans la pierre qui légitime, elle, la royauté d'Arthur auprès des barons. Ces épées ont la particularité de donner des pouvoirs immenses à ceux qui les possèdent et de choisir elles-mêmes le chevalier qui pourra les utiliser, c'est également le cas des baguettes magiques dans l’œuvre de J.K. Rowling, qui décident de leur propriétaire. Lorsque Arthur retire l’épée de la pierre, cela revient à ce que Dieu donne cette épée à son élu qui devient alors garant de la justice divine dans le monde, de même que le legs à Harry de l’épée de Gryffondor dans le tome II, puis le VII en fait celui qui devra vaincre le mal et donc, faire justice lui-même. Enfin, la coupe de feu que Harry cherche à gagner dans le tome IV, ainsi que la coupe d'Helga Poufsouffle (un des Horcruxes à trouver pour vaincre le mal) font écho au saint Graal que recherchent les chevaliers de la table ronde. De plus, même si le Graal est souvent décrit comme un objet brillant et précieux, il est en fait la coupe d’un pauvre charpentier, donc sans doute en

1 SOURIAU, Etienne. Vocabulaire d’esthétique, vol. 300 de Quadrige, Presses Universitaires de France, Aix-en-Provence, 1999

bois, comme la coupe de feu1. Ces coupes font l’objet d’une quête qui, à terme, doit mener à la paix du royaume breton ou du monde des sorciers.

D’autres éléments se font écho entre les œuvres. Par exemple, on peut considérer le trio de héros constitué par Harry, Hermione et Ron comme un détournement du trio courtois mettant en scène Arthur, Guenièvre et Lancelot2. En effet, pour le dernier trio cité, on a le cas d’une relation secrète et adultère qui entraîne colère et jalousie de la part d’Arthur et culpabilité de Lancelot envers son roi et ses valeurs. Le trio de sorciers, quant à lui, est d’abord amical, sans ambiguïté aucune tant que les personnages restent des enfants. Avec l’arrivée de l’adolescence, les sentiments naissants de Ron pour Hermione donnent lieu, dans le dernier tome, à une rivalité teintée de jalousie entre les deux amis. Hermione, elle, restera neutre mais déchirée par cette situation, à l’image de Guenièvre.

Quelques clins d’œil de la part de J.K. Rowling constituent également des rapprochements amusants entre les œuvres, et notamment au niveau des personnages. On retrouve l’écho de Perceval en la personne de Percy Weasley. En effet, le chevalier dans les continuations de Malory fait mourir sa mère de chagrin en quittant la maison familiale, comme c’est le cas de Percy lorsqu’il se range du côté du Ministère. Autre exemple : le fait qu’un personnage nommé Lucius, dans les romans de Malory, tente de voler de l’argent et des terres au roi Arthur, se retrouve dans l’affrontement entre Lucius Malfoy et Arthur Weasley, dans le tome II des aventures d’Harry Potter.

Tous ces symboles que l’on retrouve à a fois dans la littérature arthurienne et chez J.K. Rowling participent à créer un univers constitué de signes. Dans le Merlin de Robert de Boron, l’accent est beaucoup mis sur la lecture de ces signes. Ce qui est d’abord caché se révèle peu à peu puisque les interprétations en sont données au niveau intra-diégétique par Merlin. Les personnages mais aussi le lecteur sont alors informés de la présence de signes à interpréter. Dans Harry Potter, on a à peu près le même rapport puisque des indices sont constamment disséminés dans les tomes, mettant la puce à l’oreille du lecteur et l’aiguillant sur la résolution de l’histoire. Il peut être intéressant de noter que les garants de la bonne lecture des signes sont Merlin et Dumbledore, nous reviendrons sur ce point dans la partie consacrée à Merlin.

1 COLBERT, David. Les mondes magiques de Harry Potter, Le Pré aux Clercs, Paris, 2012. 2 Initialement, dans le Lancelot de Chrétien de Troyes

On trouve également la dimension d'apprentissage et d'initiation en ce qui concerne Arthur, Lancelot et Harry, les héros de ces œuvres. En effet, elles mettent en exergue l'histoire de jeunes hommes formés à leurs nouvelles conditions à travers des rencontres, des épreuves et des combats. Ces jeunes héros sont des personnages néophytes ayant grandi loin de leurs parents biologiques qui découvrent un monde nouveau (respectivement, la royauté, la chevalerie et le monde des sorciers), des élus qui présentent des qualités morales et physiques chevaleresques. Ils vont devoir acquérir des codes pour pouvoir évoluer, grandir et faire face à leur destin. En effet, ces jeunes hommes sont dotés d'une mission, celle de devenir eux-mêmes, c'est à dire, roi de Bretagne pour Arthur, celui qui trouvera le Graal pour Lancelot et celui qui vaincra Voldemort pour Harry. Dans les trois cas, cette mission a pour but la victoire du bien contre le mal ou la volonté de rendre le monde meilleur. Pour mener à bien leurs missions respectives, Arthur et Harry vont s'entourer de personnages aux qualités chevaleresques : les chevaliers de la table ronde et l’Ordre du Phénix1, ainsi que l'Armée de Dumbledore2, où chacun a la même importance et où les valeurs morales chevaleresques prévalent. Séparés dès la naissance de leurs parents biologiques par Merlin et Dumbledore, ces deux héros accomplissent de grandes choses en étant très jeunes : Harry trouve la pierre philosophale et combat Voldemort à 11 ans ; Arthur devient roi avant sa majorité, alors qu’il n’est qu’un écuyer. Ces deux personnages sont des élus destinés à sauver le monde, ce qui en fait des figures messianiques. Ce à quoi on assiste dans ces œuvres est la genèse d'un héros qui apprend à grandir sous nos yeux. Cet apprentissage se fait à travers des figures tutélaires initiatrices qui incarnent l'autorité morale et intellectuelle, l'aident et le sanctionnent, notamment Merlin et Dumbledore.

Nous étudierons ici les correspondances entre ces deux personnages, à travers, d'abord, le Merlin de Robert de Boron, puis en nous penchant sur une œuvre destinée à la jeunesse :

L’Épée dans la pierre de T.H. White et sa reprise par les studios Disney.

1 Une organisation de sorciers fondée par Dumbledore et destinée à vaincre le mage noir Dumbledore.

2 Une assemblée d’élèves qui, sous le tutorat d’Harry, apprend à se défendre contre les forces du mal alors que le professeur censé leur enseigner fait défaut.