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Relations entre les communautés chrétiennes

4. Relations entre les communautés religieuses

4.1. Relations entre les communautés chrétiennes

Pendant des décennies, dans certaines régions du canton, catholiques et protestants ont en partie vécu dans des sociétés parallèles. Dès les années 1960, cependant, à Fribourg, un intérêt pour l’œcuménisme s’est affirmé: l’on a même pu parler d’une certaine euphorie dans les cercles favorables au développement de relations entre les différentes confessions chrétiennes. En Singine, avec ses divisions confessionnelles très marquées, les relations ont commencé à se transformer dès le milieu

des années 1970, et le processus s’est poursuivi durant les années 1980.

Aujourd’hui, la situation a bien changé, même si est «Je crois que la sécularisation va

apparue parfois, au détour de conversations, la persistance encore davantage avancer et que les

d’un complexe de minorité chez quelques réformés – et croyants bibliques seront appelés

une sensibilité particulière. Il reste une vague crainte, chez à toujours mieux se respecter,

certains, d’être «mangés» par les catholiques, remarque s’apprécier, s’aimer. […] Les vieux

un pasteur. Mais s’il demeure beaucoup d’ignorance clichés et les vieilles barrières vont

sur le protestantisme, estime un de ses collègues, c’est davantage s’abaisser.»

aujourd’hui une ignorance «bienveillante».

Un pasteur évangélique

Depuis 1980 existe une Commission cantonale de dialogue entre l’Église catholique romaine et l’Église évangélique réformée. Contrairement à la Commission œcuménique de

Fribourg et environs que nous avons déjà mentionnée, elle n’a plus vraiment d’activité.

Un simple coup d’œil aux horaires des cultes publiés en fin de semaine dans La Liberté et les Freiburger

Nachrichten met en évidence l’organisation régulière de célébrations œcuméniques dans plusieurs parties du

canton. Certaines paroisses accueillent des offices dans l’esprit de Taizé. Plusieurs interlocuteurs évoquent un «gommage des identités confessionnelles». Notamment du côté protestant, cela fait rêver à des collaborations plus étroites.

Sur le plan pratique, la coopération fonctionne bien. «Les catholiques nous font bon accueil», déclare un pasteur réformé. «Pour les enterrements, les catholiques mettent volontiers leurs infrastructures à disposition»

61 Cela est d’autant plus curieux que de telles structures existent dans d’autres cantons: pour citer un voisin, par exemple le Conseil des Églises chrétiennes dans le canton de Vaud (CECCV).

là où il n’y a pas de temple protestant. Les orthodoxes saluent de même l’accueil positif réservé par les paroisses catholiques à de telles demandes.

De façon générale, dans les services d’aumônerie (hôpitaux, etc.), les échos entendus font état d’excellentes coopérations et soutien mutuel entre aumôniers catholiques et protestants.

Un pasteur réformé en dehors de l’agglomération de Fribourg estime que la création des unités pastorales a contribué à l’œcuménisme, en lui donnant mieux l’occasion de connaître tous les prêtres de la région. Un interlocuteur protestant apporte des nuances: tout en reconnaissant une coexistence, voire une

cohabitation, il dit ne pas toujours trouver un vrai dialogue entre les institutions. Celui-ci a lieu dans d’autres cadres: l’Université62 ou les pratiques œcuméniques paroissiales. En revanche, à l’échelle du canton, estime

notre interlocuteur, c’est plutôt à l’initiative de l’État que les deux Églises se réunissent. Il admet que ce n’est vraisemblablement pas le résultat de choix délibérés, mais plutôt d’une surcharge des responsables. Nous avons recueilli quelques autres commentaires plus réservés. Un pasteur d’une communauté chrétienne explique: «J’ai senti qu’à Fribourg, l’Église catholique avait des réticences envers d’autres communautés religieuses. […] Psychologiquement, c’est compréhensible. L’Église catholique est l’Église majoritaire, elle ne s’intéresse pas aux autres communautés et […] le manque de connaissance de l’autre implique des préjugés.» À ce propos, un membre de l’Église réformée émet une observation intéressante: selon lui, il y a de grandes différences entre les prêtres catholiques ayant eu l’expérience d’un environnement mixte ou de tradition protestante, d’une part, et ceux qui ont toujours œuvré en terrain majoritairement catholique; la collaboration serait aisée avec les premiers, parfois plus difficile avec les seconds. Un seul pasteur nous a signalé avoir rencontré des cas (isolés) d’une pratique pour le moins inattendue: des initiatives de prêtres catholiques rebaptisant des enfants ayant déjà reçu le baptême au sein de l’Église réformée selon les formes requises. Ces situations semblent cependant très rares: aucun des autres pasteurs réformés que nous avons interrogés à ce sujet n’a eu connaissance de cas semblables; ceux qui nous ont été signalés s’étaient tous produits dans un seul district. Au premier plan, la croix surmontant le centre

réformé de Châtel-Saint-Denis;

au second plan, le clocher de l’église catholique (© 2011 Nicolas Brodard – www.nicolasbrodard.com).

Nous avons aussi noté d’indéniables améliorations dans les relations entre catholiques romains et

communautés évangéliques. Un pasteur évangélique reconnaît que l’on voyait les choses trop en noir et blanc autrefois, mais que cela a changé: «L’Esprit de Dieu agit, pas pour mélanger, mais pour nous respecter, nous aimer». Au lieu d’insister sur les différences, la tendance est maintenant, de plusieurs côtés, à voir ce qu’il y a en commun. Le fait que les églises sont moins remplies change sans doute aussi les perceptions et les rapports entre chrétiens. À Saint-Martin, au mois de janvier 2011, les fidèles de l’Église La Perrausa, en voie d’installation dans le village, ont ainsi participé à un culte œcuménique accueilli par la paroisse catholique. D’autres évangéliques expliquent qu’ils ne pourraient envisager pour leur part un culte commun avec des catholiques, mais ne voir aucun inconvénient à collaborer avec eux sur des questions de société.

62 Il faut en effet relever le rayonnement de l’Institut d’études œcuméniques de l’Université de Fribourg (www.unifr.ch/iso), avec un enseignement sur l’œcuménisme assuré dans le cadre de la Faculté de théologie.

Les cours Alphalive, qui proposent une démarche sur les bases de la foi, sont un cadre dans lequel se retrouvent des évangéliques, des réformés et des catholiques. Ce sont souvent des évangéliques qui ont lancé ces cours, mais aujourd’hui ils sont organisés fréquemment par des paroisses catholiques.Certains prêtres catholiques ne cachent pas leur estime pour les évangéliques, en raison de leur foi et de leur disponibilité pour témoigner de celle-ci. Du côté de pasteurs évangéliques, on parle de coexistence pacifique avec l’Église catholique et on ne signale pas de friction ou problème récent; mieux, des pasteurs évoquent une ouverture et une fraternité de la part des catholiques. Cela varie, à vrai dire, d’une communauté à l’autre. Certains groupes, comme Alliance Pierres Vivantes, n’ont aucun contact avec l’Église catholique – mais déclarent ne plus avoir eu de relations conflictuelles ces dernières années, après les controverses des années 1990.

Référence commune pour tous les chrétiens: la Bible (© 2011 Nicolas Brodard – www.nicolasbrodard.com).

Notons aussi le développement de relations entre réformés et évangéliques dans plusieurs endroits. «Je trouve que les protestants doivent se rassembler», déclare un pasteur qui souhaite développer des relations avec les communautés évangéliques et considère qu’un tel rapprochement est particulièrement important sur une terre catholique. Certains pasteurs évangéliques parlent, pour leur part, d’un clair réchauffement des relations – tandis que d’autres ne voient pas de grand changement. Tout cela semble dépendre des lieux et des pasteurs63.

Dans certaines localités, les rapports sont qualifiés de «fraternels». À Estavayer-le-Lac, il y a plusieurs fois par an des moments de louange communs entre membres des communautés réformée et évangélique le dimanche soir.

Lors du centenaire de la Freie Evangelische Gemeinde de Guin-Fribourg, en septembre 2011, non seulement les autorités civiles étaient présentes pour présenter leurs vœux lors du culte festif, mais aussi la pasteure réformée de Guin et l’assistant pastoral de la paroisse catholique. Cela résume de façon éloquente l’évolution des relations.

Une initiative unanimement saluée a été FestiBible-BibelFest (www.festibible.ch), en septembre 2010 à Fribourg, qui visait à «remettre la Bible au cœur de la cité». Cela a été perçu comme un exemple du besoin de se rapprocher d’un patrimoine religieux, mais aussi comme un modèle de collaboration entre des communautés reconnaissant dans la Bible leur héritage commun. Plusieurs groupes minoritaires ont

63 Ainsi, une communauté évangélique avait invité les pasteurs réformés de sa région à l’occasion d’une réunion d’évangélisation, mais sans recevoir de réponse.

mentionné leur participation à FestiBible comme une expérience positive. La participation de différentes communautés a été ressentie comme un signe d’unité chrétienne. «Ce FestiBible nous a enthousiasmés», réagit un pasteur évangélique de Fribourg sur un site évangélique. Pas seulement à cause de l’occasion de témoignage chrétien, mais aussi parce que, «sur le terrain de la Bible, nous avons expérimenté que l’Église réformée et l’Église catholique ne boudaient nullement les évangéliques!»64

À entendre les témoignages (nombreux) que nous avons entendus, l’Église réformée peut conclure à raison: «L’œcuménisme est sorti grandi de cette expérience, que beaucoup souhaitent voir se renouveler.»65