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Qu’elle soit personnelle ou politique, d’ordre privé ou public (public qualifie « ordre »), source de plaisir et parfois de peine, l’amitié est un enjeu féministe indubitable. En effet, sans de puissants liens choisis d’affection et de sollicitude, le féminisme serait impensable, les mouvements des femmes impossibles, la vie quotidienne se déroulerait dans

des environnements inhospitaliers et dans l’isolement173.

Amies ? Sœurs ? — La femme comme alliée

Le « Test de Bechdel », contenu dans la bande dessinée Lesbiennes à suivre (1985) d’Alison Bechdel, repose sur trois questions. Il permet de déterminer si un film réussit à s’extraire d’une réalité exclusivement masculine (un exploit qu’accomplissent jusqu’à maintenant très peu de titres174) :

1. L’œuvre comporte-t-elle au moins deux femmes identifiables (c’est-à-dire qu’elles ont été prénommées) ?

2. Parlent-elles ensemble ?

3. Parlent-elles d’autre chose que d’un personnage masculin ?

Une fois transposé à notre corpus, ce test, quoique non scientifique, est vérifié par les romans de Germain (les personnages parlent beaucoup d’amour, mais pas nécessairement d’un homme en particulier), ce qui s’avère en soit réjouissant. Ce résultat, non étranger au fait que les ami·e·s occupent une place prépondérante dans la

chick lit, suggère que les textes à l’étude fournissent une matière suffisante à

l’exploration des relations d’amitié entre femmes.

À ce propos, Sasha Roseneil, sociologue, propose que l’amitié « sans ignorer les structures de l’oppression de genre ni les lieux institutionnels où se reproduisent domination et subordination [offre] sur le plan théorique une vision du monde différente,

173 Sasha Roseneil, « Mettre l’amitié au premier plan : passés et futurs féministes » dans Nouvelles Questions Féministes, vol. XXX,

n° 2 (2011), p. 56.

174 Le site Web Bechdel Test Movie List s’applique à les recenser. ([en ligne]. http://bechdeltest.com/statistics/ [Consulté le 2 mai

un horizon où le changement est possible175 ». Ainsi, comprise par Roseneil, l’amitié se

déploie avec (ou malgré !) les structures en place, pour créer des lieux de possibles. Cette vision correspond relativement bien aux réalités de la chick lit, où conservatisme et progressisme se côtoient parfois dans une même page176. Conséquemment, elle nous

accompagnera dans l’analyse de la série de Germain.

Chez l’autrice, les amies existent ensemble et partagent un lien de confiance solide. La série les montre souvent en train de discuter, de rire, ou de s’entraider, ce qui laisse supposer que leur autrice participe de la stratégie qu’intègre plus largement le genre, soit que : « […] contemporary literature and films deemphasize a central romance and highlight the female protagonist’s nonromantic relationship with her close community of mostly female friends, thus suggesting that contemporary women can express their desires outside the frame of patriarchally defined heterosexual monogamy177. » Les

échanges demeurent certes centrés sur l’amour, mais les héroïnes en profitent pour remettre en question ses constructions, ou du moins s’autorisent un certain recul. Elles explorent, par la même occasion, « d’importantes questions féministes : la présente rivalité entre femmes, la solidarité et la sororité possibles, les alliances de plaisir ou de résistance178. »

Avant d’établir des parallèles entre ces thèmes et les occurrences d’ironie, mentionnons que nous observons d’emblée une forme de continuité avec les romans étudiés par Joubert. La chercheure remarque que l’ironie s’immisce à l’époque (1960-1980) peu entre les femmes, et que, manifestement, les « importantes questions féministes » tout juste citées restent lettre morte : « Cette réticence révèle-t-elle une volonté de ne pas nuire à la nouvelle “image” de la femme ? Traditionnellement, en effet, la société se plaisait à présenter les femmes comme d’éternelles rivales incapables de solidarité ; peut-être les auteures répugnent-elles à reproduire ces stéréotypes179 ? » C’est que,

justement, Chloé et sa meilleure amie Juliette (SRVN) engagent cette prudence ironique, c’est-à-dire une forme de retenue vis-à-vis l’ironie pratiquée entre copines, se répercute dans les romans suivants. Pour remédier à ce silence, nous avons focalisé, pour ce premier cas, sur la relation que la protagoniste entretient avec sa sœur Daphné. Il nous

175 Sasha Roseneil, art. cit., p. 56.

176 Margaret R. Rowntree, « Feminine Sexualities in the Chick Genre », dans Feminist Media Studies, vol. XV, n° 3, (2014), p. 509. 177 Suzanne Ferriss et Mallory Young, op. cit., p.10.

178 Lori Saint–Martin, « L’amitié c’est mieux que la famille » dans Nouvelles Questions Féministes, Vol. XXX, n° 2, (2011), p. 77. 179 Lucie Joubert, op. cit., p. 56.

a été possible, puisqu’elles discutent toutes les deux de sujets non exclusifs à leur lien filial, de l’envisager en tant qu’amie de Chloé180. Entre elles, il sera principalement

question de l’horizon d’attentes invraisemblable associé au couple hétérosexuel. À sa suite, Gin tonic et concombre crée un espace imaginé et propice à la solidarité entre femmes, tandis que Volte-face et malaises consolide les liens amicaux avec ce que Jankélévitch nomme « l’ironie humoresque181 », une forme plus indulgente qui vise

tantôt à dédramatiser une situation, tantôt à se moquer gentiment de l’autre. Un type d’ironie qui reflète « à la fois le désir de faire passer un message et la volonté de ne pas détruire l’autre182 ». Une forme hybride, située entre ironie et humour, qui consiste donc

en une rhétorique idéale en amitié, car elle se refuse à la complaisance.

Avec Germain, les personnages féminins se taquinent plus qu’ils ne s’attaquent, préférant faire front commun. L’ironie que les amies engagent assure dans ce cas la création de foyers de résistance alimentés par ce (ou ceux !) qui les contraint. Sur ce point, nous verrons également que Volte-face et malaises offre à Geneviève et Catherine, sa meilleure amie, l’occasion de s’approprier le registre vulgaire et que cela exemplifie d’une manière différente la capacité des femmes à revendiquer leur place. Néanmoins, encore faut-il que les protagonistes identifient les pièges qui les guettent…

Avant de débuter et par souci d’honnêteté intellectuelle, précisons que les trois héroïnes ne traitent pas systématiquement avec bienveillance l’ensemble des femmes qui croisent leur route et qu’il naît parfois en leur for intérieur un sentiment de jalousie (voire de compétition) à l’égard de certaines d’entre elles. En rafale, mentionnons la « crisse de hispter à marde183 » envers qui Geneviève (VFM) nourrit une haine assumée, cette

dernière étant la nouvelle copine de son ex-copain Florian et Ève–Marie la collègue rose bonbon tournée en dérision par Chloé (dont nous reparlerons un peu plus loin). Seulement, une fois leur antipathie exprimée, les héroïnes la désamorcent la plupart du temps par l’auto-ironie, et s’en prennent finalement à elles-mêmes, identifiant leurs propres faiblesses projetées chez leurs homologues.

180 Notons au passage que « L’amitié peut surgir aussi bien dans les familles que sur les lieux de travail. » (Sasha Roseneil, art.

cit., p. 57.)

181 Vladimir Jankélévitch, L’ironie, Paris, Flammarion, 1964, p. 185. 182 ibid., p. 34.

La sœur : il était une fois… la réalité

Dès les premiers chapitres de Soutien-gorge rose et veston noir, l’autrice oppose Chloé et Daphné selon une logique binaire : Chloé habite en ville, Daphné en banlieue ; l’une apprécie le célibat tandis que l’autre élève deux enfants avec son mari ; la première raffole des soirées festives pendant que la seconde se plaît dans sa vie rangée ; Chloé se teint en blonde et Daphné préfère sa couleur naturelle (SRVN : 47-54), etc. Cette dynamique contrastée, style souris des villes, souris des champs, se répercute dans leurs conversations où une distance presque polie les sépare :

Je [Chloé] me suis assise sur son lit. « Ah, je sais… c’est rien, en fait, j’ai juste eu une date ce midi, et ça a pas vraiment marché.

— Puis ? Me semble que c’est pas comme si tu voulais un chum, non ? » Il y avait dans sa voix une note de reproche. Daphné désapprouvait mon style de vie, mes choix. Daphné désapprouvait beaucoup de choses (SRVN : 51). Les épreuves qu’elles traverseront ensemble au fil du roman, notamment la fausse- couche de Daphné (SRVN : 284), auront l’avantage de favoriser les discussions sincères, plutôt que les lutineries, et de sceller leur complicité.

Le premier véritable rapprochement s’opère le jour où Chloé, qui se fait jusque-là un devoir de rester célibataire, révèle à sa sœur qu’elle souhaite maintenant trouver l’amour (nous avons fait allusion à ce moment au chapitre 1, alors que nous discutions le rapport à la mère). Les lecteur·rice·s pourraient alors présumer que Daphné, compte tenu de son mode de vie, l’encouragera dans cette voie. Or, cette dernière invite sa sœur à la prudence :

[« ]C’est juste que… je veux pas avoir l’air de te faire la morale, mais l’amour, c’est pas souvent des feux d’artifice et des marches sur la plage. Ça dure pas longtemps.

— Mais je sais ça ! Je suis pas conne, quand même.

— Non. Non, je pense pas que tu le sais. Je suis mariée depuis cinq ans. T’as jamais été plus de trois mois avec un gars.

— Oui, mais…

— … non pas “oui mais”. […] Excuse-moi. Je m’exprime mal. Je veux juste te dire de pas partir à la recherche d’un amour incroyable et renversant. Ça

existe peut-être, mais la plupart du temps, l’amour est fait des petites affaires pas vraiment glamour. C’est correct comme ça aussi, mais il faut que tu sois prête à l’accepter. […] Je sais, je sais. Je parle avec ma tête, pas avec mon cœur, gna gna gna… C’est facile à dire, Chloé. T’as pas d’enfants, t’as pas une maison à payer, un couple à maintenir, une famille à nourrir. Penses–y deux secondes : penses–tu vraiment que c’est possible de poursuivre le festival de la passion quand il faut rappeler à son chum de pas oublier d’acheter du Downy senteur fraîcheur d’avril (SRVN : 52) ? [ »]

Par sa longue tirade, Daphné déconstruit l’image idéalisée du couple hétérosexuel et rappelle ironiquement à Chloé que l’amour et l’engagement ne peuvent échapper à la routine (illustré par le décalage créé entre le « festival de la passion » et le « Downy senteur fraîcheur d’avril). L’adverbe « vraiment » et le point d’interrogation, typique de l’ironie marquée, achèvent de démythifier la « passion amoureuse » et accentue la naïveté qu’elle soupçonne, à raison, Chloé de cultiver : « J’allais lui [Daphné] répondre que je n’étais pas si naïve (ce qui était complètement faux, d’ailleurs – je ne rêvais que de feux d’artifice et de passion)(SRVN : 54) ». Sans regretter son choix de se dédier à ses deux filles d’âge préscolaire (SRVN : 42), Daphné conserve sa lucidité et ne perpétue ni l’image d’une femme pleinement épanouie parce que mère, ni celle d’une femme complètement blasée parce qu’investie dans un couple où lui incomberait l’entière responsabilité de son ménage. Downy en main, elle malmène le stéréotype de l’amour passionnel et transcendant qui transfigure les relations de couple par la création d’un horizon d’attentes utopique et participe à leur dissolution en dressant un portrait juste de son quotidien : « Évidemment, il y a encore des moments où on se dit qu’on s’aime comme des fous, mais, honnêtement, ils sont plutôt rares. Et c’est bien comme ça. On les apprécie quand ils passent. Puis, honnêtement, j’aurais ni le temps ni l’énergie de me prendre pour Scarlett O’Hara à longueur de journée (SRVN : 53). » Son ironie lui permet au détour de démonter l’archétype de la parfaite femme au foyer amoureuse et épanouie.

Daphné, en expliquant à sa sœur qu’une relation stable avec un homme ne rencontrera peut-être pas ses attentes, s’inscrit en faux avec ce que Suzanna Danuta-Walters nomme le « recent backlash » (en écho au « backlash » théorisé par Betty Friedan184 en

1963) qu’elle relève dans la production de masse des années soixante-dix et quatre- vingt : « […] this backlash is more clearly antifeminist : it responds directly to the women’s movement and often pits one woman against another […]. This backlash is

different because it has to push motherhood ; it must sell motherhood and domesticity after those ideologies have already been so soundly critique by feminists (unlike in the late 1940s)185. » Ce « recent backlash » n’est pas reconduit dans les œuvres de chick lit

étudiées puisque Daphné, entre autres, n’encourage pas d’office sa sœur à perpétuer ce mode de vie. « The “good woman” » ne consiste plus nécessairement en la figure de la « stay–at–home mother186 », ce que le traitement du personnage de Monique dans

Gin tonic et concombre laissait entendre. D’autant plus que l’importance accordée à

l’amitié contrecarre l’éclosion d’une quelconque forme de compétition entre les personnages féminins.

Cependant, même si les membres de l’entourage de Chloé ne promeuvent pas la conjugalité à tout prix, et que derrière leurs paroles persiste, sous le couvert de l’ironie, la notion de choix, Soutien-gorge rose et veston noir ne parvient pas à s’extraire de « l’emprise » du couple hétérosexuel. Cet état de fait amène Renaud-Venne à la conclusion suivante : « Bien que les œuvres de Rafaële Germain témoignent d’un renouvellement de la carrière féminine, d’une distance par rapport à la figure de la femme liée économiquement et sexuellement, nous verrons que l’état de la femme libre coexiste tout de même avec les représentations féminines traditionnelles187 ». Nous en

arrivons également à cette conclusion qui rend palpable le tiraillement entre l’aspect moderne et conventionnel des romans.

L’amie comme lobbyiste de GirlLand

Marine, la protagoniste de Gin tonic et concombre, évolue entourée d’hommes ; elle partage son quotidien avec Julien, Jeff et Laurent. Les personnages féminins, hormis sa copine Flavie, sont tous issus de sa famille. Ses sœurs, Élodie et Ariane, occupent un rôle relativement mineur dans le roman, a contrario de son frère Fred avec qui elle échange de nombreux courriels : chaque chapitre commence par un extrait de leur communication épistolaire, dont nous avons cité un passage au chapitre 1188. En guise

de justification, Marine explique se sentir plus à l’aise avec le sexe opposé. Elle relate que, enfant, elle délaissait les autres filles de sa classe à défaut de partager leurs

185 Suzanna Danuta Walters, Material girls: making sense of feminist cultural theory, Berkeley, University of California Press, 1995,

p. 139.

186 ibid., p. 123.

187 Kim Renaud-Venne, mémoire cité, f. 25. 188 Voir la page 36 du présent mémoire.

intérêts : « Je voulais parler de Quasimodo ou d’Excalibur, de chevaliers et de cette poésie que je découvrais peu à peu, mais les filles de mon âge ne parlaient que d’amour et de garçons […] (GTC : 363). » Cette dernière phrase comporte plusieurs niveaux d’interprétation. D’abord, elle peut être lue comme une critique : les jeunes filles accordent une trop grande importance à l’amour, dès le plus jeune âge. Ensuite, le caractère ironique de l’énoncé paraît plutôt évident : Marine, depuis le début du roman, ne parle elle aussi que d’amour. Finalement, elle fournit une preuve de la désolidarisation de Marine envers les « filles de son âge ». Dénoncée par Roxane Gay189, cette dernière

attitude qu’adopte Marine bouleverse l’hypothèse qui sous-tend notre mémoire : comment, en effet, défendre le métaféminisme des romans de Germain si l’héroïne de l’un d’eux résiste aux amitiés féminines, pierre d’assise des mouvements féministes190 ?

Dans ce cas précis, Flavie, seule femme intimement proche de Marine, apparaît comme une réponse à la surenchère de personnages masculins. Elle vient en même temps remettre en perspective les préjugés que la protagoniste entretient vis-à-vis de l’amitié au féminin191. Elle entre véritablement en scène au moment où Marine l’appelle à la

rescousse. L’héroïne a l’impression de perdre le contrôle sur sa relation avec Gabriel, son prétendant. À dire vrai, leur rencontre échouerait probablement à une ou deux reprises le test de Bechdel, et le contexte dans lequel Marine demande l’assistance de son amie reproduit l’idée selon laquelle les femmes ne parlent que d’amour (ce que Marine dénonce elle-même, nous l’avons vu). Toutefois, relevons que, dans les romans de Germain, le sujet ne se réserve pas exclusivement à la gent féminine : lorsque Laurent n’en est pas à ruminer les revers qu’accuse son couple, c’est au tour de Jeff d’entretenir ses ami·e·s à propos de ses conquêtes, ou encore à Julien de deviser sur les aléas de sa relation avec son conjoint, idem pour Antoine (SRVN) dont le célibat volontaire n’est qu’un prétexte pour disserter sur le sujet. Il aurait peut-être été souhaitable de renouveler un peu le paradigme, mais à tout le moins, il n’y a pas de déséquilibre flagrant entre les personnages (les hommes ne discutent pas politique pendant que les femmes papotent au salon).

189 Roxane Gay, « How to Be Friends with Another Woman », dans Bad feminist, New Work, Harper, 2014, p. 48. 190 Sasha Roseneil, art. cit., p. 57.

191 Préjugés que Roxane Gay résume irrévérencieusement de la sorte dans « How to Be Friends with Another Woman » (id.):

« Abandon the cultural myth that all female friendships must be bitchy, toxic, or competitive. This myth is like heels and purses– pretty but designed to SLOW women down. »

Cela étant dit, la figure de Flavie est intéressante en ce qu’elle incarne la force de caractère :

Demander si c’était mon amie Flavie, à propos de Flavie, était à peu près l’équivalent de demander, devant la tour Eiffel, s’il s’agissait bien de la tour Eiffel. On pouvait n’avoir qu’entraperçu Flavie une fois dans sa vie, on s’en souvenait. C’était une Française de six pieds, extrêmement loud, avec une crinière rousse qui lui descendait jusqu’aux reins, un port de reine à la limite de l’excessif (elle entrait partout la tête tellement haute et le pas tellement leste que je craignais souvent qu’elle trébuche sur une personne plus petite qu’elle n’aurait tout simplement pas vue depuis ses hauteurs) et un style reconnaissable entre tous (GTC : 23).

Se refusant aux mièvreries, elle n’hésite pas à s’imposer. Flavie revêt une forme de fierté et d’indépendance qui apporte de la crédibilité à son discours. Notons que l’absence de modèles féminins dans le roman a peut-être suscité chez l’autrice le besoin de créer ce personnage un peu plus grand que nature. Fervente défenderesse de l’amitié au féminin, elle en promeut la spécificité et la nécessité :

[« ] Marine. Je te connais assez bien. Et je sais que tu as toujours tout trouvé auprès de tes amis et de ton frère et je sais aussi que tu dois être beaucoup trop fière pour admettre que, parfois, des copines peuvent t’apporter quelque chose que même le meilleur des amis masculins peut pas. […] Et je sais que quand une fille a le plus besoin de ses copines, c’est quand elle est amoureuse. » Elle a semblé réfléchir. « Ou quand vient le temps de donner une opinion honnête sur un nouveau soutif. Alors. C’est quoi ? Tu te souviens plus si tu portes du B ou du C, ou tu es amoureuse de Gabriel (GTC : 439) ? »

Teinté d’ironie, le sous-entendu derrière cet extrait se déploie en deux niveaux de sens. Flavie se moque en premier lieu de Marine : elle se doute bien que son amie ne l’a pas contactée pour une simple histoire de soutien-gorge. Surtout, en second lieu, elle se joue du fait que les discussions entre femmes se résument, dans l’imaginaire populaire, aux vêtements et à l’amour192. Par cette stratégie, elle désamorce la critique et endosse

le contenu de leurs échanges à venir, suggérant que leur prévisibilité n’en diminue pas moins la valeur. La notion de « bavardage », soit « une énonciation sans énoncé193 »,

tel que le définit Suzanne Lamy en 1979, éclaire sans conteste cette dernière interprétation. Par-là, Lamy pose que « le sens des mots est secondaire par rapport à

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