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Repenser le père — et la mère — à la fois comme corps et comme esprits permettrait ainsi d’échapper aux affrontements stériles et de faire advenir une véritable mixité, qui ne serait non pas une indifférenciation des rôles, mais bien une façon de refondre la vie commune en permettant aux êtres de s’accomplir selon leur désir plutôt qu’en fonction d’un programme social réputé approprié pour leur sexe95.

Les relations mères-filles : entre mère féministe et mère

patriarcale

Amorcer notre travail par l’analyse du personnage de la mère équivaut à reconnaître la place qu’occupe cette figure dans le spectre des études féministes96 : « Nonetheless, the

relationship between mothers and daughters is one of the most basic to feminism, mainly because in dealing with our own mothers, many of us could be confronting our own misogyny – our dislike for the way women’s power is forced to play out in a sexist society97. » Difficile aussi d’écarter l’idée de transmission qu’elle sous-tend. En ce qui

nous concerne, il s’agit d’un couteau à double tranchant : soit la mère communique un ensemble de valeurs progressistes à sa fille (liberté sexuelle, libre arbitre, autonomie, etc.), soit elle reproduit le modèle patriarcal préalablement intégré et défend les impératifs de la maternité (un homme, des enfants !). Pour effectuer cette démonstration, nous nous appuierons principalement sur l’ouvrage de Lori Saint-Martin Le Nom de la mère. Mères,

filles et écriture dans la littérature québécoise au féminin98 dans lequel la chercheure

95 Lori Saint-Martin, Au-delà du nom. La question du père dans la littérature québécoise actuelle, Montréal, Presses de l’Université de

Montréal, 2010, p. 15.

96 De nombreux ouvrages à propos du féminisme et de la maternité sont parus au cours des dernières années. Pensons notamment

à L’envers du landau (Lucie Joubert, Triptyque, 2010), Les tranchées : Maternité, ambigüité et féminisme, en fragments (Fanny Britt, Kindle Edition, 2013), Maternité : la face cachée du sexisme (Marilyse Hamelin, Lemeac, 2017).

97 Jennifer Baumgardner et Amy Richards, Manifesta: young women, feminism, and the future, New York, Farrar, Straus and Giroux,

2000, p. 211.

98 Lori Saint-Martin, Le Nom de la mère. Mères, filles et écriture dans la littérature québécoise au féminin, Québec, Éditions Nota

combine maternité et création en s’attardant à Gabrielle Roy, Anne Hébert, Pol Pelletier, Louise Laprade ou encore Nicole Houde. Réitérant le caractère central de la relation mère-fille pour la recherche féministe, elle écrit :

Ainsi, le rapport mère-fille doit s’envisager non comme un simple thème littéraire, mais comme une dynamique complexe qui se trouve à la source même de l’écriture au féminin et qui surdétermine les structures narratives et même, dans une certaine mesure, le langage (tournure syntaxique, figures, etc.). Ainsi, dans l’écriture au féminin, le rapport à la représentation est étroitement lié à la mère99.

Au fait du lien presque intrinsèque reliant l’étude des relations mère-fille et les théories psychanalytiques, nous mettons en garde nos lecteur·rice·s puisque nous n’engagerons pas, à proprement parler, cet éventail théorique. Cependant, étant donné que Saint-Martin en a pour sa part tenu compte — le titre de sa monographie consistant en une référence aux concepts de Lacan —, notre discours s’en retrouvera évidemment teinté.

Du reste, le couple mère-fille, dans les romans de Germain, génère des échanges tantôt vifs, tantôt aimants, qui laissent percer la distance autant générationnelle, qu’idéologique, qui les sépare. Lorsque l’ironie s’invite, c’est généralement à la faveur de celle qui adopte une ligne progressiste. Avant de nous attarder plus longuement sur ce point, nous nous pencherons d’abord sur les descriptions que Chloé et Marine, personnages principaux de

Soutien-gorge rose et veston noir et de Gin tonic et concombre, dressent de leur mère,

en ce que le fossé les séparant annonce un usage dissemblable de l’ironie.

La mère : entre tradition et modernité

Chloé dépeint sa mère avec beaucoup d’amour : elle apprécie ses qualités et excuse ses travers expéditivement. Ni conservatrice, ni dépassée100, la mère de Chloé obtient, dès

les premières pages du roman, une légitimité certaine :

99 ibid., p. 17.

J’ai poussé un long soupir exaspéré, sans toutefois pouvoir m’empêcher de sourire. […] Ça m’embêtait de l’admettre, mais elle [la mère de Chloé] avait raison. Nous nous trouvions tellement modernes, tellement wild… Je nous ai soudainement vus tels que nous étions — jeunes, naïfs et sans aucun recul par rapport à nous-mêmes. En fait, nous ne voyions pas vraiment plus loin que le bout de notre nez, satisfaits simplement de nous croire différents des autres.

J’ai regardé ma mère un moment. Elle attendait toujours mes protestations, et l’idée m’est venue qu’elle était peut-être, après tout, beaucoup plus moderne que moi (SRVN : 46)101.

Moderne, aussi, au point de vue de ce qu’elle incarne. La mère, dans Soutien-gorge rose

et veston noir, s’affirme et assume son caractère excentrique (SRVN : 301), en phase

avec sa posture de femme désirante102, c’est-à-dire qu’elle exprime son désir103 plutôt que

de l’incarner pour autrui :

[« ] Dans les années 60, quand j’ai commencé comme actrice, personne n’était casé. On voltigeait. On avait la cuisse très légère (SRVN : 46)104. »

« C’est tellement merveilleux de se sentir femme. Moi, deux jours après avoir accouché de vous, j’avais retrouvé mes dentelles et mes déshabillés. Ça rendait ton père fou. On pouvait pas faire l’amour, tu comprends, je venais d’accoucher, mais on trouvait quand même le moyen de se faire plaisir (SRVN : 55). »

Signe d’une réappropriation du corps féminin — elle ne perd pas sa faculté de désirer parce que devenue mère —, ce dernier commentaire écarte la mère de Chloé de l’archétype de la femme nourricière qui se définit uniquement par ses fonctions maternelles105, ou de celui de la femme aliénée, soudée à sa cuisine. Tout le contraire de

la mère de Marine qui apparaîtra ponctuellement « mitaine de poêle au poing (GTC : 472) ». Amatrice de bonne chère, elle déguste tantôt un martini pendant un barbecue

101 Désormais, les références aux romans de Germain seront faites à même le texte. « SRVN » sera employé à titre d’abréviation

pour Soutien-gorge rose et veston noir, « GTC » pour Gin tonic et concombre, et « VFM » pour Volte-face et malaises. Les références aux autres types d’ouvrages continueront d’être faites par l’intermédiaire des notes de bas de page.

102 Isabelle Boisclair et Catherine Dussault [dir.], Femmes désirantes : arts, littératures, représentations, Montréal, Remue-Ménage,

2013, 326 p.

103 Le deuxième extrait sous-entend d’ailleurs que cette sexualité peut s’explorer de différentes manières.

104 Les guillemets des textes originaux servant à délimiter les dialogues entre les personnages ont été conservés dans notre mémoire

par souci de clarté.

(SRVN : 45), tantôt un festin préparé pour sa fête (SRVN : 314), sans jamais se retrouver aux chaudrons. Par sa désinvolture, elle échappe au modèle de la superwoman106

combattant sur tous les fronts (famille, travail, accomplissement personnel, etc.). En lieu et place, la mère de Chloé « tir[e] une étrange fierté (SRVN : 45) » du fait d’arriver en retard, baisse les bras lorsque ses petites-filles persistent à se chamailler, initie un adultère (SRVN : 318) et s’illustre avec sa répartie :

Ma mère, dans une longue tunique bleue et noire, venait d’entrer dans la cuisine, un martini à la main.

« Tu bois des martinis dans des fêtes d’enfants, toi ?

— Je peux le mettre dans un biberon, si tu préfères. » Je lui ai souri et j’ai tendu la main pour en prendre une gorgée (SRVN : 395).

Le roman déjoue à plusieurs reprises l’image de la mère parfaite107 d’autant que ses failles

n’en font pas moins une « bonne mère » apte à témoigner de l’affection et de la bienveillance à sa fille, ou à ses petites-filles lorsque la situation le requiert (SRVN : 609). Surtout, par son attitude ouverte et vive, elle confronte, par l’ironie, Chloé à ses propres préjugés, selon la géométrie dépeinte par les autrices de Manifesta108. Ses répliques

atteindront sa fille plus d’une fois, alors qu’elle-même ne s’exposera qu’à un faible nombre d’attaques.

La personnalité de la mère de Marine se structure quant à elle de manière bien différente, et outre l’amour que cette dernière voue à sa fille, tout la distingue de la mère de Chloé. Au demeurant, Monique endosse la figure de la femme nourricière et la promeut auprès de sa fille, cela contribue à accentuer le stéréotype de la femme au foyer aliénée qui se collera peu à peu à elle. D’autant que cette dernière adopte une posture d’affligée. Pour l’illustrer, Marine dira de sa mère qu’elle se « vautr[e] voluptueusement dans le malheur (GTC : 305)». Sachant que l’adverbe « voluptueusement », compte tenu de sa fonction,

106 Auréline Cardoso, « La superwoman est-elle antiféministe ? Analyse des discours de la presse féminine sur l’articulation entre vie

professionnelle et vie familiale », dans Recherches féministes, vol. XXVII, n° 1 (2014), p. 219-236.

107 id.

108 Pour mémoire: « […] in dealing with our own mothers, many of us could be confronting our own misogyny–our dislike for the way

s’adjoint au verbe « se vautrer109 » pour en préciser le sens, il faut soupçonner une

intention ironique sous-jacente à cette surenchère110. En effet, « voluptueusement111 »

accentue à l’excès le plaisir (la volupté) pris par la mère. Or, cette hyperbole s’avère inusitée pour qualifier la façon dont une personne accueille les situations plus difficiles ; qui prendrait véritablement plaisir au malheur ? Cela suggère que la mère de Marine se plaît à jouer aux malheureuses.

Monique affiche d’autres caractéristiques propres à l’archétype qu’elle endosse en ce qu’elle commère, et semble à peu de chose près dépourvue de sens critique. En effet, alors que la première va au restaurant et au musée, la mère de Marine se confine à sa cuisine : « […] ma mère est arrivée, mitaine de poêle dans une main, spatule dans l’autre, disant au moins vingt-quatre choses en même temps (GTC : 81) ». Sa curiosité ne s’aventure pas au-delà de son écran de télévision : « J’écoutais Jeff passer des commentaires […] sur la cuisine de Ricardo qui “est pas si bonne que ça, madame Vandale. Arrêtez donc de croire que tout ce que vous voyez à la télé est bon” (Bonne chance, ai-je pensé. Ma mère vivait depuis quarante ans dans une cuisine avec une télévision constamment allumée. Autant demander à une carmélite de remettre en question l’existence de Dieu) (GTC : 48). » Ces deux extraits témoignent eux-aussi de l’ironie dont fait preuve Marine au moment de dépeindre sa mère. Dans le deuxième cas, elle la compare à une carmélite — un ordre religieux dont les religieuses pratiquent la contemplation — pour illustrer son impossible recul par rapport aux « connaissances » qu’elle acquiert par l’intermédiaire de son poste de télévision. Cette comparaison traduit le manque de jugement critique que Marine reproche à sa mère. À cela s’ajoute que, sans doute à cause de la propension de Monique à ressasser sans cesse les mêmes histoires, Marine ne ressent pas l’envie de prêter l’oreille à ses conseils qui, plutôt que de susciter son attention, l’exaspèrent : « Les conversations téléphoniques avec ma mère me faisaient souvent l’effet d’un labyrinthe particulièrement pervers et je me sentais, en lui parlant au téléphone, comme Astérix et Obélix dans Les Douze Travaux d’Astérix quand ils sont coincés dans une maison de fous et que toutes les indications qu’on leur donne

109 Vautrer : Se coucher, s'étendre en se roulant, et PAR EXT. en prenant une position abandonnée, dans Le Petit Robert de la langue

française, [en ligne]. www.lerobert.com [Consulté le 4 décembre 2018].

110 « La surenchère peut en effet être une arme efficace pour se moquer d’autrui. » (Lucie Joubert, op. cit., p. 39.)

111 Voluptueusement : « Avec volupté [Vif plaisir des sens, jouissance pleinement goûtée], en prenant du plaisir », dans Le Petit

les ramènent au même point (GTC : 50). » Peu de traces, donc, du respect qu’éprouve Chloé envers sa mère. A contrario, Marine cherche à s’en distancier. La femme aliénée qu’incarne Monique — et dont Marine trace ironiquement les contours — nuit à l’atteinte de l’idéal mère-fille définit par Saint-Martin, c’est-à-dire qu’« à partir du couple mère-fille, [peut] s’élève[r] un modèle de solidarité entre femmes qui est source de puissance et de combativité112 ». Une avenue qui paraît plus envisageable dans Soutien-gorge rose et

veston noir.

Entre compréhension et ostracisme

Le contraste entre les deux mères se poursuit dans les discussions qu’elles engagent avec leurs filles et s’accentue lorsqu’elles les conseillent (que ces dernières l’aient demandé ou non). En somme, l’ironie dissimulée dans leurs échanges achève de les polariser. En effet, la mère de Chloé n’hésite pas à ironiser pour déjouer les apriorismes de sa fille, pendant que Monique, elle, continuer d’encaisser les coups. Pour expliquer cette dissemblance, il est utile d’introduire la figure de la « mère patriarcale113 ». Cette

mère, qui inculque à sa fille les valeurs sous-tendues par le patriarcat (« la “féminité” traditionnelle qui [lui] permettra de s’intégrer à la société114 »), promeut en quelque sorte

l’archétype de la femme nourricière discutée plus tôt. Elle n’éveille dès lors ni l’attention ni l’admiration de sa fille. Ce faisant, elle court le risque d’endosser le rôle de « paria féminin115 », soit celui d’une femme prise pour cible par une « ironie d’exclusion » qui « [l’]

isole […] de façon à rallier le lecteur contre ce paria116 » à cause de ce qu’il symbolise.

Si de nombreux éléments divisent les mères des deux premiers romans de Germain, Marine et Chloé partagent néanmoins des points communs lorsqu’elles interagissent avec ces dernières. Toutes deux s’échinent par exemple à leur cacher leurs histoires de cœur,

112 Lori Saint-Martin, Le Nom de la mère : mères, filles et écriture dans la littérature québécoise au féminin, op. cit., p. 250. 113 Lori Saint-Martin, « De la mère patriarcale à la mère légendaire : Tryptique lesbien de Jovette Marchessault », dans Voix et Images,

vol. XVI, n° 47 (hiver 1991), p. 246.

114 id.

115 Lucie Joubert, op. cit., p. 51. 116 id.

encore que leurs motifs varient. Chloé évite ces questions principalement par jeu et ironise (« Pas déjà ! ») pour renforcer l’esprit de connivence qu’elle partage avec elle :

Elle est partie vers la cuisine, mais elle s’est arrêtée à mi-chemin et est revenue vers moi. « Qu’est-ce que t’as, toi ? » Pas déjà ! ai-je pensé, avant de répondre : « Rien, pourquoi ? » Elle a plissé les yeux et m’a levé le menton avec deux doigts. « Hmm… je te connais, Chloé Cinq-Mars. C’est moi qui t’ai tricotée, tu sauras. Et tu me caches quelque chose… Tu perds rien pour attendre, ma fille. Tu partiras pas d’ici avant d’avoir dit à ta vieille mère qu’est- ce que t’as. » Je sais, me suis-je dit. Je le sais bien que trop (SRVN : 50).

Quant à elle, Marine tâche de se soustraire aux confidences afin de s’épargner l’attitude insistante de Monique. En d’autres termes, si Chloé redoute que sa mère découvre ce qui la tracasse en raison d’une forme de conditionnement propre à l’adolescence, Marine craint véritablement les représailles de la sienne :

Elle m’appelait chaque semaine pour me demander quand je lui « amènerais » Christophe, ce que je repoussais […]. Or, si ma mère s’apercevait que j’avais un chum mais que je n’étais pas folle de lui et prête à porter sa descendance, non seulement j’allais en entendre parler jusqu’à la fin des temps, mais j’allais être obligée de regarder en face certaines choses que j’aimais mieux contempler de biais, ou à la dérobée, ou même ne pas voir du tout (GTC : 27).

Les tentatives d’évitement de Chloé et de Marine se soldent la plupart du temps par un échec et elles révèlent généralement leur secret à leur mère. Celles-ci s’efforcent alors de les aiguiller au meilleur de leurs connaissances. Or, si elles agissent souvent en qualité d’éveilleuses de conscience, la nature des conseils tranche franchement.

Dans une scène burlesque de barbecue estival en banlieue de Laval, Chloé annonce à sa mère qu’elle part à la recherche du grand amour — cela sans réelle surprise narrative, car cette quête correspond aux codes de la chick lit. Il en résulte tout de même un certain étonnement parce que Chloé défendait jusque-là les bienfaits du célibat et menait une vie conséquente (SRVN : 17). Elle rencontre Simon à la suite de cette annonce, et en tombe amoureuse. Elle apprend la nouvelle à sa mère quelques semaines plus tard :

[« ] — Non, non plus. Maman, le chum, c’est tout nouveau. C’est pour ça que je t’en avais pas parlé. C’est pour ça aussi que je vous ai un peu négligés. — Mais oui, mais oui. Je sais, ma fille. » J’ai tout de suite été rassurée par son ton. Elle savait, effectivement. Ça ne voulait pas dire qu’elle n’allait pas m’embêter avec cette histoire pendant des semaines, mais, au moins, elle savait. « Moi, a-t-elle poursuivi, quand j’ai rencontré ton père, au début, on ne sortait pas, on faisait l’amour huit heures par jour.

— Ouache ! Maman !

— Mais quoi ? Ton père est un amant extraordinaire ! — Maman ! Mille fois ouache ! Arrête !

— Ah, franchement. Tu peux être puritaine des fois, ma fille ! » Elle riait — elle adorait me taquiner avec ce genre de commentaires, auxquels je ne m’habituais jamais, pour des raisons qui me semblaient fort valables (SRVN : 166).

Après lui avoir assuré qu’elle comprenait sa situation, la mère de Chloé en profite pour s’amuser aux dépens de sa fille, et la confronter à ses contradictions : Chloé se targue de sa modernité, mais éprouve un profond malaise dès que sa mère aborde la sexualité. Au- delà du rire qu’elle suscite, la scène n’a rien d’anodin, et cela se ressent par l’emploi du mot « puritaine » sur lequel repose la charge ironique. D’abord, sans avancer qu’il s’agit d’une évidente tentative de récrimination du pouvoir un jour exercé par l’Église sur les femmes, il demeure que l’Église ne se trouve jamais bien loin dans l’imaginaire collectif117

lorsque se combinent femme et sexualité. Ensuite, même en écartant cette lecture, le mot conserve sa fonction : l’appel à la sexualité dérange la fille et non la mère qui, indifférente aux « Ouache ! » et autres « Arrête ! », n’hésite pas à en remettre. Ses boutades visent juste, car elles renversent les conventions118, et la placent en contrôle dans sa posture de

femme désirante. Un peu comme si elle avait entendu sa fille affirmer plus tôt : « Ma mère ? Moderne ? Un tenace réflexe d’adolescente me disait qu’une mère, par définition, ne pouvait qu’être rétrograde (SRVN : 47). »

Or, tel que nous l’avancions, l’ironie change de cible selon le profil de la mère, et un retournement de la parole ironique s’opère dans Gin tonic et concombre. Ne servant plus

117 À ce sujet, lire le chapitre IV, « L’Église », dans Lucie Joubert (op. cit.). 118 Lucie Joubert, op. cit., p. 34.

un propos subversif, elle permet maintenant à Marine de se défendre face à Monique, ou même de l’attaquer. Lors d’un souper de famille, la mère de Marine découvre que sa fille ne partage plus sa vie avec Christophe, son copain. Pour elle, il paraît inconcevable de la voir à nouveau célibataire.

Au lendemain de cette réunion familiale, Marine détaille à rebours la réaction de sa mère à son ami Julien. Elle précise au passage avoir sombré dans l’ivresse — fidèle au penchant de la chick lit pour l’alcool — dans le but avoué de diluer l’impact de ses commentaires :

J’ai essayé de remettre mes souvenirs en ordre. C’était plutôt confus, il faut dire, avec tout l’alcool que j’avais consommé chez mes parents pour ne plus

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