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La relation entre savoirs théoriques / savoirs pratiques dans la

2. CADRE ET PERSPECTIVES THÉORIQUES

2.2. P ARTICULARITÉS DE LA RELATION THÉORIE PRATIQUE DANS LA

2.2.1. La relation entre savoirs théoriques / savoirs pratiques dans la

ou la confusion entre un « objet » et un « sujet » en STAPS

L'un des enjeux de la formation dans les APSA (ou formation professionnelle) est de concevoir différemment les rapports théorie-pratique et de permettre aux enseignants de comprendre le fondement des savoirs transmis par l'élucidation des cadres théoriques utilisés par les formateurs, ou de développer des théories partageant avec l'EPS un même objet. During (1989) indique que l’approche scientifique des activités physiques relève d’un encyclopédisme insurmontable. « Au foisonnement des savoirs s’ajoute celui des modèles qui les organisent : chaque science construit l’activité motrice selon les exigences du point de vue qui la caractérise, et de la logique qui la détermine. En conséquence, les cursus de formation, à l’image des colloques pluridisciplinaires, juxtaposent des éléments de plus en plus nombreux et qui ne semblent ni liés entre eux, ni relatifs à l’exercice du métier auquel pourtant leur acquisition prétend préparer ». La discipline scolaire qu’est l’EPS, malgré ses progrès, manque d’une définition claire, aussi bien au plan universitaire que comme pratique professionnelle. L’Éducation physique reste en quête de son identité pratique, et cherche, après avoir défini ses finalités en termes de développement, à organiser clairement ses contenus, à dégager sa didactique propre. C'est pourquoi, il est nécessaire de s’interroger sur les difficultés des relations entre les savoirs de la recherche en sciences de l’éducation, sociologie, psychologie, physiologie, (savoirs théoriques), et les savoirs professionnels des enseignants et des formateurs (savoirs pratiques).

Rappelons-nous que l'EPS est une discipline scolaire, une pratique d'enseignement qui « n’a de spécificité que dans, par et pour l’École » (Arnaud, 1989). La formation en EPS n'a donc pas toujours été universitaire : elle a d'abord été professionnelle, s'appuyant sur des connaissances scientifiques issues de différents champs, souvent juxtaposées à des théories d'action professionnelles et beaucoup d'empirisme. L'un des enjeux de la formation universitaire est de mieux articuler connaissances scientifiques (relevant des différents champs : sociologie, histoire, psychologie, biomécanique) et connaissances technologiques des APSA dans un travail transdisciplinaire, à travers un objet d’étude commun. Ceci permettrait de développer un objet d'étude à part entière et propre à l'EPS, que sont les conduites motrices.

Le problème en STAPS est que les théories scientifiques n'ont pas le même objet que la pratique de l'EPS. Théorie et pratique de l’EPS peuvent avoir le même « sujet » : le sport par exemple. Mais elles n'ont pas le même objet. L'objet est ce qui est spécifique à une discipline (pratique ou théorique). Celui de l’EPS est représenté par les conduites motrices. Pour Parlebas (1981), l'EPS est « une discipline d'intervention exerçant une influence sur les conduites motrices des élèves en fonction de normes éducatives implicites ou explicites ». L'objet est donc ce qui fait la spécificité de l’EPS, à savoir le développement des conduites motrices à travers des supports moteurs, et ce, dans le cadre scolaire. En psychologie du sport, l'objet est la motivation ; en sociologie, les représentations ; en biomécanique, le mouvement. Le problème réside en la confusion « objet » / « sujet », qui fait des travaux en STAPS, des productions « hors-jeu » de l'EPS. De fait, nous assistons davantage à une juxtaposition de savoirs scientifiques (même si des efforts sont entrepris pour développer des recherches sur des thématiques communes éclairées par différents faisceaux afin d'en appréhender la complexité) sans lien direct avec l'enseignement de l'EPS et le développement des conduites motrices.

En outre, les connaissances intégrées devraient permettre aux enseignants d'apporter des réponses à leurs problèmes professionnels. Or, c'est encore souvent l'inverse qui est proposé : les sciences dites « d'appui » sont considérées comme premières et transmises indépendamment des problèmes qu'elles sont censées aider à résoudre. Elles rendent parfois ces enseignements inefficaces et perdent du sens aux yeux des étudiants. Les théories scientifiques perdent ainsi leurs connexions avec les préoccupations de terrain. Les formateurs d’enseignants ont le devoir de veiller à ce

que les théories qu’ils présentent à leurs étudiants soient le plus en conformité vis-à- vis des actions qu’ils devront réaliser dans l’exercice de leur profession. Or, si certains éléments des théories produites par les disciplines contributives peuvent les aider à analyser et à réfléchir sur les problèmes généraux de l’éducation et de certaines pratiques, ces théories ne peuvent ni fonder, ni instrumenter les pratiques.

Dès lors, nous sommes en mesure de nous questionner : quels types de rapports, quelles formes et quelles modalités de relations pouvons-nous concevoir entre ces différents savoirs (savoirs théoriques et savoirs pratiques) ?

Praticiens et chercheurs ne sont pas impliqués de la même manière dans le rapport à la réalité éducative et à l’action du terrain. Les missions du premier et les contraintes évolutives qui caractérisent son champ d’action le placent dans une situation complexe où il lui faut agir rapidement, parfois avec une forte incertitude quant aux conséquences de ce qui est mis en œuvre (Perrenoud, 1993). Il ne lui est souvent pas possible de mesurer les avantages et les inconvénients des différentes alternatives pour choisir de façon raisonnée celle qui pourrait être la mieux adaptée (mode de raisonnement heuristique plutôt qu’algorithmique). Pour autant, l’action du praticien n’est pas forcément erratique même si elle est parfois tâtonnante. Elle s’organise autour d’un savoir propre au praticien (notamment des savoirs théoriques) qui possède des schémas interprétatifs, des attentes, un niveau d’exigence, une capacité à faire face aux difficultés et à assumer une charge de travail donnée, des routines.

Pour appuyer cela, nous pouvons dire, à la suite de Vanhulst (1994, 1993), que la recherche et l’enseignement relèvent de paradigmes différents, produisent ou sollicitent des savoirs spécifiques, des savoirs épistémologiques dans un cas, des savoirs d’actions dans l'autre. Les sciences et les pratiques et théories des APSA s’articulent souvent difficilement. L’histoire en porte témoignage. La construction du savoir fait appel à des modes d’approche du réel différents et deux discours apparaissent fréquemment sur les rapports des sciences aux pratiques. Un premier tente de rejeter les sciences en arguant le fait qu'elles n’aident pas la pratique à progresser. Un second tente de démontrer que la rationalité de la science peut répondre à toutes les questions posées avec un raisonnement rigoureux alors que la pratique apparaît comme multiple, complexe et peu rationalisée.

Nous pensons que ces deux domaines ne sont pas condamnés à l’exclusion mutuelle et leur articulation est un enjeu pour transformer les formations.

Ces oppositions classiques masquent pourtant une réelle difficulté : la mise en relation ne se construit pas aisément et il faut surmonter les obstacles notamment liés aux relations de pouvoirs qui peuvent s’instaurer entre les deux domaines et qui opposent aussi les agents. Le plus souvent, cette circulation n’est conçue que dans un sens : de la science vers la pratique. Dans l’autre sens, on a tendance à ne voir que le risque d’instrumentation de la science pour justifier une solution concrète, ou, dans le meilleur des cas, l’établissement d’une liste de thèmes susceptibles d’intéresser les praticiens. Mais notre histoire professionnelle montre que la pratique est aussi génératrice de savoirs qui peuvent être théorisés. La théorisation de la pratique est coûteuse en temps, en énergie et en savoirs, mais elle permet la mise en problème des questions de la pratique.

Altet (1994) propose d'envisager différemment la relation théorie-pratique, en montrant que ces deux entités, qui dépendent a priori de deux univers difficilement compatibles (en dehors de la science appliquée), peuvent être envisagées de manière systémique. Cette systématique amende et nourrit ces deux entités de façon mutuelle. Pour elle, la relation théorie-pratique est une relation qui va de la pratique à la pratique (en passant par une analyse théorique, explicative et réorganisatrice des schémas d'action) et de la théorie à la théorie (en passant par une activité pratique de mise à l'épreuve des concepts préalables). Dès lors, la science peut intervenir à deux moments dans le processus d’élaboration d’une pratique. Elle est soit prescriptive (elle intervient alors avant et sert de point d’appui), soit justificatrice (elle vient ici corroborer le savoir pratique). On parle alors soit de théorisation de la pratique, c'est- à-dire mettre de l’ordre au sein des phénomènes que l’on a comme objet de recherche dans le but de produire une théorie (c’est par exemple le cas de Le Boulch ou de Parlebas), soit de rationalisation de la pratique lorsque l’on va chercher à mettre de l’ordre dans la pratique afin de la rendre plus efficace. La science entretient donc cette double relation avec l’EPS entre rationalisation et théorisation des pratiques

Les formateurs d’enseignants tentent de répondre à des questions, des problématiques nouvelles, alors que les enseignants ont pour tâche de faire apprendre, en éclairant leurs pratiques par les réponses des scientifiques. Selon ce point de vue, les enseignants auraient à faire, dans leur contexte et en fonction des contraintes de l’enseignement, le meilleur usage des méthodes scientifiques et de leurs produits (notamment les savoirs théoriques). Ce sont les positions de Van der Maren (1993) ou de Perrenoud (1999), selon lesquelles la pratique enseignante n’est

et ne sera jamais une pratique de recherche parce qu’elle s’exerce dans des conditions où la décision à prendre est urgente, et où la valeur du savoir se mesure à son efficacité pragmatique plutôt qu’à sa cohérence théorique. À ce propos, Dugal et Léziart (2004) montrent que « les logiques de mobilisation des professionnels sont essentiellement « pragmatiques », ce qui suppose de s’intéresser aux développements de l’action et aux conditions concrètes de circulation des savoirs entre les sphères de la recherche, de la formation et de l’action ». De plus, malgré l'existence de grilles d'observation détaillées et théorisées pour évaluer le comportement des élèves en hand-ball ou dans les sports collectifs en général, l'enseignant ne peut « découper » l'activité de l'élève face à la complexité, la totalité de l'activité. En effet, l'enjeu n'est plus de découper l'individu en secteur pour comprendre comment il fonctionne. La notion de totalité ne résiste pas à la rigueur scientifique d'expériences contrôlées de laboratoire comme le montre d'ailleurs Ulmann (1982) mais oblige à observer des conduites dans des situations concrètes pour tirer de cette observation des conséquences pédagogiques. Il est nécessaire de doter les nouveaux enseignants d'outils leur permettant d'observer les comportements des élèves en action pour envisager des transformations.

Dès lors, nous pouvons remarquer qu’une des difficultés concernant les positionnements du chercheur, de l’enseignant-formateur et des étudiants en formation initiale (master CAPEPS), se trouve dans la poursuite d’objectifs différents entre ces trois pôles de la noosphère scolaire :

– Le chercheur, en situation de produire des données théoriques, parfois décontextualisées ;

– L’enseignant voulant faire apprendre les élèves, de manière pragmatique, quitte à justifier a posteriori ses décisions en situation d’enseignement ;

– L’étudiant, qui espère trouver des éléments de réflexion ou des éléments

argumentatifs pouvant être transposés tels quels dans une dissertation de type CAPEPS, sans les replacer de manière réfléchie dans celle-ci.

2.2.2. La relation savoirs de la recherche (théorie) / savoirs