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« Je dirais qu'un enfant soldat et sa victime sont tous les deux des victimes, car ils sont

TITRE 1 LA REIFICATION MARTIALE DU MINEUR EN DROIT INTERNATIONAL PENAL

e droit international pénal, par le biais du jugement de la Cour pénale internationale à l’encontre de Thomas Dyilo Lubanga, a mis en exergue l’utilisation martiale du mineur. En effet, l’ouverture du procès à l’encontre de Thomas Lubanga Dyilo, le 26 janvier 2009, a mis sur le devant de la scène la question de l’utilisation du mineur au sein d’un conflit armé international, ou de manière plus large, en droit international pénal. Si ce procès s’est terminé définitivement le 1er décembre 201447, la question des réparations demeure encore aujourd’hui en suspens48.

Ce procès historique (puisqu’il est le premier terminé par la Cour pénale internationale) a permis de mettre en lumière une des manières dont le mineur se trouvait impliqué au sein d’un conflit. Pour autant, bien que nombre de développements aient été effectués sur la notion même «d’enfant-soldat»49 il reste qu’il convient d’étudier ce phénomène dans sa globalité et ce afin

47 Thomas Lubanga Dyilo a été déclaré coupable le 14 mars 2012 comme co-auteur dans l’enrôlement et la

conscription d’enfants de moins de quinze ans. Le 10 juillet 2012, la Cour l’a condamné à une peine de 14 ans

d’emprisonnement. Enfin le 1erdécembre 2014, la Chambre d’appel a confirmé la culpabilité de M. Lubanga ainsi que la peine d’emprisonnement.

48 Le 7 août 2012 la Chambre de première instance I avait prononcé les principes applicables aux réparations.

Cependant cette décision fait l’objet de nombreux appels qui n’ont, actuellement, pas abouti.

49 LA ROSA Aurélie, Le concept d’enfant soldat et la Cour pénale internationale, Thèse de doctorat en droit

public, sous la direction de LAVENUE Jean-Jacques, soutenue le 21 mai 2013, Lille 2.

Page | 36 de saisir la singularité de la réification martiale du mineur.

Il apparait comme davantage judicieux de faire mention d’une réification martiale plutôt que d’une réification militaire du mineur. Effectivement, le terme «martial» renvoie à la guerre en son sens le plus étendu c’est à dire une lutte entre des groupes, des personnes, des pays50

alors que le terme «militaire» est lui plus restrictif car il renvoie uniquement à l’armée et à son organisation.

Dès lors si nous parlions uniquement de réification militaire cela exclurait de notre champ d’étude de nombreuses hypothèses dans lesquelles le mineur se trouve impliqué tel un guerrier dans un conflit sans pour autant être lié à une armée régulière. En effet, lors d’un conflit armé, nombres de parties sont présentes sans pour autant être réduites aux seuls groupes militaires c’est-à-dire des groupes dépendants d’un Etat. A titre d’exemple il convient de relever que les mineurs victimes d’un crime contre l’humanité sont parfois amenés à prendre les armes afin de se défendre. Bien qu’ils ne soient pas affiliés à un groupe armé, ils sont de facto

considérés comme étant des soldats puisqu’ils doivent se défendre eux-mêmes contre l’oppresseur.Dès lors, réduire l’étude aux réifications militaires conduirait à faire échapper ce type de réification nécessitant pourtant un traitement par le droit.

Par ailleurs, nous préférons utiliser le terme de «mineur-soldat» à celui « d’enfant-soldat». En effet, le terme «enfant» en droit international connait des variantes et apparait donc comme étant susceptible d’être préjudiciable au mineur puisque sa protection (i.e au sens de défendre et préserver une personne contre un danger) devient aussi aléatoire que les définitions qui lui sont applicables. Le terme de mineur (au sens où nous l’avons défini ci-dessus51) permet de prendre en considération un plus grand nombre d’individus et de favoriser

Voir aussi : CHAPLEAU Philippe, Enfants soldats : victimes ou criminels de guerre ?, Edition du Rocher, 5 avril

2007, Collection l’art de la guerre, 306 pages.

Voir aussi : NGONDZI Jonas Rémy, Enfants-soldats, conflits armés, liens familiaux : Quels enjeux de prise en charge dans le cadre du processus de DDR ? Approche comparative entre les deux Congo, Thèse pour le Doctorat en Science politique sous la direction de M. COMI et M. TOULABOR présentée et soutenue publiquement le 18 décembre 2013, École Doctorale SP2 : Sociétés, Politique, Santé Publique SCIENCES PO BORDEAUX.

50 Dictionnaire Larousse, définition du mot guerre.

51 Soit : une personne âgée de moins de dix-huit ans, sauf si la législation qui lui est applicable lui accorde cette

Page | 37 leur protection.

Il convient de mentionner que la Cour pénale internationale, en vertu de l’article 5 de son Statut est compétente à l’égard des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et du crime d’agression52. Notons qu’actuellement la Cour n’est pas compétente pour le crime d’agression puisque cette dernière, au terme de l’article 15 bis du Statut de Rome (ci-après «le Statut»), ne pourra de toute façon exercer sa compétence à l’égard du crime d’agressionqu’après le 1er janvier 2017. Cependant, il apparait nécessaire de prolonger notre réflexion au-delà du triptyque traditionnel crime de guerre, crime contre l’humanité et génocide afin de prendre en considération les futures évolutions que connaitra la Cour.

a réification martiale du mineur en droit international pénal vise plusieurs hypothèses pouvant se classifier en deux grands axes. Le premier est relatif à une réification martiale directe du mineur en droit international pénal (Chapitre 1); ici le mineur se trouve impliqué dans le conflit en raison de son accointance avec des groupes armés officiels ou privés. Qu’il rejoigne un tel groupe de manière volontaire ou qu’il soit forcé de le rejoindre, le mineur partie à un conflit doit être protégé afin d’éviter que sa vie soit mise en danger.

Le second est relatif à une réification martiale indirecte du mineur en droit international pénal (Chapitre 2); ici le mineur apparait comme subissant un dommage collatéral à la suite d’une opération prenant place au sein d’un conflit armé. Les hypothèses ainsi visées sont celles du crime contre l’humanité ou du crime d’agression.

52L’Assemblée des Etats parties de la Cour pénale internationale s’était réunie à Kampala entre le 31 mai et le 11

juin 2010 afin de se pencher sur une possible révision du Statut de Rome mettant en place la Cour. Au terme de

cette conférence de révision il a été décidé d’étendre la compétence de la Cour au crime d’agression qui s’entend

« de la planification, de la préparation, le déclenchement ou la commission d’un acte consistant pour un Etat à employer la force armée contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre

Etat » (voir article 8 bis du Statut de Rome ajouté conformément à la résolution RC/Res.6 du 11 juin 2010). Cette

définition reprend en substance la résolution 3314 (XXIX) qui avait été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 14 décembre 1974 relative aux éléments constitutifs de l’agression internationale.

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