« Je dirais qu'un enfant soldat et sa victime sont tous les deux des victimes, car ils sont
C ONCLUSION DE T ITRE
« J’aiété recruté de force à 11 ans, sur le quai d’une gare. Les soldats de l’armée birmane m’ont menacé de me frapper et de s’en prendre à ma famille si je ne les suivais pas. […] Après un an de travaux à la base, je suis parti six mois en camp d’entrainement […] J’avais 12 ans. On nous a d’abord montré comment saluer et se tenir en présence d’un officier. Ensuite, on nous a appris à poser et à désamorcer des mines terrestres, à démonter et réparer des mortiers de 60 mm, à tirer avec précision jusqu’à 90 m… Nous étions brimés par les sous-officiers. Ils mettaient du sable dans notre riz alors que nous n’avions que ça à manger ! Le week-end, on s’échinait à couper du bois et à fendre des bambous pour leur domicile personnel. S’ils n’étaient pas satisfaits, ils nous frappaient à coups de bambous et de fer. Et nous attachaient en plein soleil. Beaucoup d’enfants ont eu les mains ou les jambes brisées pendant l’entraînement. Mon ami […] en est mort. Il n’est pas le seul. »326
a réification martiale du mineur, bien qu’elle fût mise en avant par le procès à l’encontre de Thomas Lubanga Dyilo, existe depuis les temps les plus anciens. Dès l’âge de la Grèce antique, les mineurs de sept ans étaient recrutés en vue de leur
participation à des activités militaires. Les nombreuses guerres qui suivirent témoignèrent
également de l’utilisation plus ou moins massive des mineurs au sein des hostilités. Dès 1949
les Conventions de Genève, comme d’autres textes internationaux sont venus mettre hors la loi
326 Association humanitaire pour une action sociale durable en Birmanie, Témoignage d’ex enfants-soldats
birmans : l’histoire de Ming, 2005.
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les pratiques visant à recruter les mineurs. Que ce soit les groupes armés étatiques, ou des forces
dissidentes, tous étaient visés afin d’empêcher, autant que faire se peut, le recrutement du
mineur.
Pour autant, bien que les bases de la réification martiale du mineur aient été posées il y
a de nombreuses années il n’en demeure pas moins qu’elles n’ont que peu évolué au contraire
de nos sociétés contemporaines. Le développement de nouveaux conflits armés tels que les conflits déstructurés, les conflits « zéro mort », ou les conflits identitaires ont fait apparaitre de nombreuses utilisations du mineur. Or les définitions des conflits armés conduiraient à faire échapper de la sphère du droit international pénal de nombreuses situations dans lesquelles le mineur se trouve réifié.
a réification martiale du mineur est complexe. En effet d’une part nous avons la
réification martiale directe du mineur. A cet égard le mineur sera considéré comme
étant membre d’une force armée, que celle-ci soit étatique, ou qu’elle relève d’un
groupe privé. Dès lors le mineur soldat accomplira toutes les tâches que peut accomplir un
soldat au sein d’une armée. Cependant le droit international pénal, et la jurisprudence de la Cour
pénale internationale, font état d’une participation active, en ce sens que les participations du
mineur au sein d’une force armée ne seraient pas toutes prises en compte. L’idée défendue est
celle du risque encouru par un mineur d’être pris pour cible par le groupe qui lui est opposé.
Une telle conception nous apparait comme restrictive, et en ce sens nous rejoignons la jurisprudence du Tribunal spécial pour la Sierra-Leone. Le mineur est une personne faible et
mérite d’être protégé contre toutes les réifications qu’elles soient très actives, seulement actives,
ou plus passives. Dès lors que la mission effectuée par un mineur participe à la vie militaire le droit doit le protéger.
Par ailleurs le fait qu’il soit membre d’une force armée fait irrémédiablement peser sur
lui un risque de ciblage. Les groupes armés qui s’opposent cherchent à gagner la guerre par tous
les moyens. Stratégiquement parlant, s’attaquer aux soldats qui s’occupent de tâches plus
secondaires peut avoir des conséquences dommageables sur l’ensemble de la force armée. Tout membre d’un groupe armé a son utilité et de ce fait représente pour l’ennemi une cible à
éliminer. A cet égard, le droit international pénal doit pouvoir évoluer afin de faire bénéficier
le mineur d’une protection absolue contre toute réification martiale directe.
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n parallèle à la réification martiale directe se trouve la réification martiale indirecte. Bien que distincte une telle réification demeure tout autant critiquable. En pareille situation, le mineur se voit exploité par un groupe armé. Cependant cette exploitation
n’est pas militaire. Elle se traduira généralement par de l’esclavage domestique où un mineur
sera utilisé par un groupe armé (souvent les hauts dignitaires) pour leur intérêt personnel et non
pour l’intérêt général du groupe armé. Le droit international pénal a établi des critères spécifiques et adéquats relatifs à l’esclavage. Car si les modes d’acquisition de la propriété diffèrent d’un Etat à un autre, il ne reste pas moins qu’une fois propriétaire, l’ensemble des Hommes se comporte de la même manière. Ainsi les propriétaires auront le pouvoir d’user de leur bien, d’en retirer le fruit, et de le détruire si l’envie leur en prend.
Par ailleurs cette réification martiale indirecte a pour effet d’atteindre le bien-être du
mineur. En effet, nombre d’organisations internationales telles que l’UNICEF, ou d’organes internationaux (ONU) mettent en exergue la nécessité d’assurer le bien-être du mineur. Ce bien
être se constitue de cinq besoins dont au moins deux d’entre eux sont primaires et doivent être
assurés en toutes circonstances.
Le besoin de survie induit nécessairement une lutte contre toute tentative venant à entraver de quelques manières les politiques visant à provoquer la faim, ou à empêcher
l’acheminement de soins. Bien que le mineur ne soit pas directement visé par les incriminations
mettant hors la loi de telles actions, il n’en demeure pas moins que le droit international pénal
offre une lutte efficace contre de tels comportements.
Le besoin de sécurité induira, quant à lui, une protection contre les biens accueillant le mineur. En effet, lors de conflits armés, le mineur doit se sentir en sécurité partout où il se trouve afin de ne pas subir un stress plus important. A cet égard le droit international pénal ne
protège qu’un seul type de biens: ceux consacrés à l’éducation. Bien que les mineurs passent une partie de leur temps à l’école il reste que cela n’est pas toujours le cas. En période de guerre
l’éducation n’est plus une priorité pour un Etat. Ainsi une nécessaire extension de la notion de
bien protégé doit être opérée afin de favoriser la protection des biens accueillant le mineur.
n conclusion, le droit international pénal, bien qu’imparfait, contient de nombreuses
dispositions permettant d’interdire les comportements qui conduiraient à une
réification martiale du mineur. Des aménagements apparaissent nécessaires eu égard aux développements de nouvelles méthodes de guerre ou de nouvelles réifications du mineur.
E
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Il appartient au droit de protéger le mineur contre tout abus afin de lui garantir un
développement dans des conditions optimales, et ce qu’importe le contexte. Le mineur n’a pas
vocation à devenir la victime de projets idéologiques qu’il ne peut comprendre, ni partager.
Il reste que la réification martiale du mineur n’est pas le seul cas d’utilisation du mineur en droit international pénal. En effet le développement des conflits armés favorise grandement la réification sexuelle du mineur.
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