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8 vie fAMiLiALe

8.3. Regroupement familial

Dans le cadre de cette recherche, les répondants de la société civile ont été invités à juger si, et dans quelle mesure, des membres d’une famille ont accès à un statut régulier sur la base d’un lien familial avec un membre de la famille séjournant de manière régulière dans le pays concerné (citoyen du pays concerné, citoyen de l’UE ou ressortissant de pays tiers en séjour régulier). Le but de cette question était d’évaluer, à la lumière des expériences de représentants de la société civile travaillant avec des migrants, jusqu’à quel point des membres d’une famille ont réellement la possibilité de se regrouper. La Figure 8 indique les réponses des acteurs de la société civile à cette question.

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

Pas d’accès à un statut régulier Juridiquement oui,

mais difficile en pratique Oui, par le biais de permis

Royaume-Uni (2) Portugal (4)

Pays-Bas (3) Luxembourg (2) Irlande (2) Hongrie (2)

Allemagne (3) Espagne (25)France (5)

Danemark (1)

République tchèque (1) Chypre (1)

Belgique (4) Autriche (5)

figure 8 : Accès au statut régulier pour des membres en situation irrégulière d’une famille de résidents en situation régulière, d’après les réponses de la société civile, sélection d’états membres de l’Ue

Notes : Les pourcentages sont calculés par pays. Les chiffres entre parenthèses indiquent le nombre de réponses reçues de la part d’acteurs de la société civile.

Source : Enquête de la FRA menée auprès de la société civile, 2011

Vie familiale

La majorité des répondants jugent l’accès au statut régulier possible en principe mais difficile en pratique, dans la mesure où la décision de délivrer un titre est aléatoire, voire rarement acquise, ce qui suggère que l’accès au statut régulier reste largement à la discrétion de l’administration. Cette réalité peut en partie expliquer les différences entre répondants de certains pays, interrogés sur la possibilité réelle d’obtenir un statut régulier.505

Si les options ci-dessus sont considérées comme un continuum entre deux pôles, du plus généreux et libéral au plus restrictif, trois groupes de pays – en ne considérant toujours que les États membres de l’UE pour lesquels nous avons obtenu des réponses à cette question506 – peuvent être formés : les pays où les membres de la famille de résidents réguliers ont généralement accès à un statut régulier (Portugal) ; les pays où cet accès possible en principe est entravé dans la pratique et où des restrictions s’appliquent (Belgique, Danemark, Espagne, France, Hongrie, Luxembourg, Pays-Bas, République tchèque et Royaume-Uni) ; et un dernier groupe (Allemagne, Autriche, Chypre, Irlande) qui, selon les ONG, appliquent une politique restrictive n’autorisant que la suspension de la mesure d’éloignement ou, au mieux, un statut temporaire en pratique difficile à obtenir pour des proches irréguliers de résidents en situation régulière. Il conviendrait d’approfondir l’analyse dans ce domaine en recueillant les avis d’autres parties prenantes.

L’existence d’un cadre juridique général régissant le regroupement familial constitue un facteur important susceptible d’accroître, ou au contraire de réduire, le risque pour des membres d’une famille de se trouver en situation irrégulière. Les acteurs impliqués doivent également être informés de l’existence de ce cadre juridique. Or, la présence théorique d’un tel cadre ne semble pas claire, même parmi les acteurs de la société civile interrogés aux fins du présent rapport.

Si le regroupement régulier n’est pas possible ou que les procédures sont mal comprises, il se peut que les personnes concernées décident de procéder au regroupement de leur famille par d’autres biais.

Trois éléments des politiques de regroupement familial exercent une influence particulière sur la possibilité d’avoir accès à des moyens réguliers de procéder au regroupement familial. En outre, un quatrième obstacle dérive potentiellement de la contrainte qui pèse sur les États membres d’imposer des interdictions d’entrée sur le territoire à des personnes en séjour irrégulier identifiées.

505 Pour plus d’informations, voir par exemple les réponses divergentes reçues de l’Autriche d’une part et de la France d’autre part.

506 Les réponses à cette question ont été reçues des 14 États membres énumérés à la Figure 8.

Bénéficiaires potentiels des mesures de regroupement familial

Tout d’abord, seuls les membres de la cellule familiale, à savoir les conjoints et les enfants mineurs, sont les bénéficiaires potentiels de procédures de regroupement familial avec des ressortissants de pays tiers.507 Certes, les paragraphes 2 et 3 de l’article 4 de la directive relative au regroupement familial autorisent l’admission d’autres membres de la famille, notamment les enfants majeurs célibataires ou les ascendants en ligne directe au premier degré et les partenaires non mariés, mais ces dispositions sont facultatives. Les personnes avec lesquelles il existe un lien familial fort peuvent donc être exclues du regroupement familial régulier.

Dans le cas de la directive «  citoyenneté  », qui s’applique aux ressortissants de l’UE qui résident dans un État membre autre que le leur, l’entrée et le séjour devraient être octroyés à tout membre de la famille à charge du citoyen de l’UE bénéficiaire du droit de séjour à titre principal.508 Néanmoins, la Commission européenne a noté que 13 États membres n’ont pas transposé correctement cette disposition.509

critère de ressources minimales

En ce qui concerne les regroupements familiaux avec des ressortissants de pays tiers, la nécessité de satisfaire à des critères en matière de ressources, notamment de seuils de revenus, 510 pose problème.

L’exigence faite au regroupant de fournir la preuve qu’il dispose de «  ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille » lui impose généralement de posséder un contrat stable à long terme ou un emploi à plein temps, or cette condition est préjudiciable aux salariés à temps partiel et aux travailleurs indépendants.511 Les critères en matière de logement qui s’appliquent au regroupement familial avec des ressortissants de pays tiers512 doivent généralement être satisfaits ex ante, ce qui peut mettre à rude épreuve les ressources du regroupant.

507 Directive relative au regroupement familial, article 4 (1).

508 Pour plus d’informations, voir article 3 (2).

509 Commission européenne (2008), Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’application de la directive 2004/38/CE relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.

COM(2008) 840 final, p. 4.

510 Directive relative au regroupement familial, article 7, paragraphe 1. Voir aussi Ibid., p. 5.

511 Directive relative au regroupement familial, article 7, paragraphe 1, point c.

512 Directive relative au regroupement familial, article 7, paragraphe 1, point b.

introduction de la demande depuis l’étranger

L’obligation d’introduction de la demande de titre de séjour depuis l’étranger qui s’applique au regroupement familial avec un ressortissant de pays tiers et, dans certains pays, également au regroupement familial avec des citoyens de l’UE ne jouissant pas du droit de libre circulation, constitue une troisième difficulté.513 Cela dit, la CJUE a précisé, en s’appuyant sur la directive 2004/38/CE, que les membres de la famille d’un citoyen de l’UE séjournant dans un État membre dont il n’a pas la nationalité peuvent introduire leur demande de titre de séjour depuis l’État membre d’accueil, indépendamment de la manière dont ces ressortissants d’un pays tiers sont entrés dans l’État membre d’accueil.514

Comme l’illustre la Figure 7, la nécessité d’introduire la demande de permis depuis l’étranger est considérée comme un obstacle par les organisations de la société civile. Le retour peut s’avérer difficile en raison de problèmes techniques, notamment l’absence de documents de voyage ou la difficulté d’établir la nationalité.515 Dans d’autres cas, cette obligation peut présenter un obstacle pratique sur le plan des frais exposés, de la durée de la séparation susceptible de résulter du respect du critère d’introduction de la demande depuis l’étranger, et de l’incertitude quant à l’issue de la demande de séjour et de visa d’entrée.516

513 Pour plus d’informations, voir, par exemple, Autriche, Niederlassungs - und Aufenthaltsgesetz [BGBl. I N. 100/2005 modifié en dernier lieu par BGBl. I N. 38/2011], article 21.

514 Pour plus d’informations, voir : CJUE, Metock et autres c. Minister for Justice, Equality and Law Reform, C-127/08, 25 juillet 2008 ; et Deniz Sahin c. Bundesminister für Inneres, C-551/07, ordonnance de la Cour du 19 décembre 2008.

515 Pour une étude de cas, voir : Wittmann, S.C. (2010), Binationale Ehen von ÖsterreicherInnen mit Drittstaatsangehörigen im Lichte der Judikatur des EGMR, VfGH und VwGH zu Artikel 8 EMRK.

Mémoire de fin d’études, Université de Graz, p. 20, disponible sur : http://ehe-ohne-grenzen.at/uploads/publikationen/

diplomarbeit_wittmann_binationale%20ehen.pdf.

516 Pour l’exemple d’un processus difficile de regroupement d’une famille chinoise (époux et enfant), voir : Sohler, K. et Lévy, F.

(2009), Civic stratification, gender and family migration in France:

Analysis of interviews with migrants and their family members, Vienne, BMWF/ICMPD, p. 18f, disponible sur : http://research.

icmpd.org/fileadmin/Research-Website/Project_material/NODE/

FR_Interview_Analysis.pdf. Arrêté par la police, l’époux a été expulsé. L’épouse et l’enfant ont néanmoins continué de séjourner en France. Après que sa femme et son enfant ont été régularisés au cours de la campagne de régularisation de 1997/1998, l’époux a introduit une demande de regroupement familial. La demande ayant finalement été acceptée par la préfecture au terme d’un an de procédure, le consulat français de Shanghai a refusé de délivrer un visa d’entrée pendant près de trois ans et exigé la fourniture de preuves de l’existence de relations familiales suivies. Ce n’est qu’après le dépôt d’une plainte devant le médiateur de la république que le visa d’entrée a été délivré, quatre ans après la première demande et huit ans après l’expulsion du mari.

Si le paragraphe 3 de l’article 5 de la directive relative au regroupement familial (2003/86/EC) établit clairement l’obligation d’introduire la demande de regroupement familial depuis l’extérieur du territoire de l’État membre concerné, il autorise également à déroger à cette clause « dans ces cas appropriés ».

La majorité des États membres recourt à cette dérogation. Il n’y a qu’à Chypre que la demande ne peut être introduite si le membre de la famille se trouve déjà dans l’État membre. En Autriche, la demande depuis l’extérieur du territoire n’est possible que pour des motifs humanitaires tandis que l’Allemagne n’accepte la dérogation que si le retour du demandeur dans son pays d’origine ne peut être raisonnablement envisagé.517

Par ailleurs, le respect par le demandeur d’une décision de retour et/ou de l’obligation d’introduire la demande depuis l’étranger peut mettre en péril le regroupement si la durée de la période de séparation soulève, auprès des autorités compétentes, des objections quant à la condition pour les membres de la famille dispersés d’entretenir des relations suivies.518

L’effet potentiel des interdictions d’entrée

Les effets des interdictions d’entrée signifiées au titre de la directive retour peuvent poser un problème supplémentaire. En vertu de l’article 11 de la directive, les décisions de retour s’accompagnent généralement d’une interdiction d’entrée. Ces interdictions s’appliquent à l’ensemble de l’UE et sont consignées dans la base de données du système d’informations Schengen.

Lorsqu’un État membre de l’UE envisage de délivrer une autorisation d’entrée ou un titre de séjour à un individu visé par une interdiction d’entrée signifiée par un autre État membre, une procédure particulière doit être observée. En vertu de la directive retour, le premier État membre est tenu de consulter au préalable l’État membre ayant signifié l’interdiction d’entrée et à prendre en considération les intérêts de celui-ci.519 Bien que la pratique détermine les modalités de mise en œuvre de ces dispositions, l’on peut s’attendre à ce qu’un tel processus de consultation soit susceptible de retarder encore le regroupement, voire de le rendre impossible dans certains cas. Plusieurs ONG ont également noté que le refus de se conformer

517 Voir : Commission européenne (2008), Report from the Commission to the European Parliament and the Council on the application of Directive 2003/86/EC on the right to family reunification COM(2008), 610 final, 8 octobre 2008, p. 9.

518 Pour un exemple, voir : Sohler, K. et Lévy, F. (2009), Civic stratification, gender and family migration in France: Analysis of interviews with migrants and their family members, Vienne, BMWF/ICMPD, p. 18f, disponible sur : http://research.icmpd.

org/fileadmin/Research-Website/Project_material/NODE/

FR_Interview_Analysis.pdf.

519 Directive retour, article 11, paragraphe 4.

Vie familiale

à une mesure d’éloignement, sanctionné par la suite par une interdiction d’entrée, pouvait sérieusement hypothéquer l’approbation d’une demande de regroupement familial introduite depuis l’intérieur du territoire de l’État membre concerné.520