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Obstacles pratiques à la fréquentation scolaire

7 édUcATion

7.2. Obstacles pratiques à la fréquentation scolaire

Nombre d’obstacles restent à lever pour que les enfants migrants en situation irrégulière puissent fréquenter l’école. Ces obstacles peuvent être liés aux documents à fournir pour l’inscription, aux modes de financement des écoles ou à la crainte des enfants ou de leurs parents d’être repérés. La présente section a pour but de les résumer.

documents

Le droit d’accéder à l’enseignement primaire peut être mis en péril par la nécessité de fournir des documents lors de l’inscription. Il s’agit de documents de différentes natures qui servent généralement à donner des preuves de l’identité, du lieu de résidence et de la date de naissance du candidat à l’inscription.

Cependant, ils portent parfois sur d’autres aspects, notamment l’état de santé de l’enfant.

Dans presque tous les États membres de l’UE, il est nécessaire de fournir l’un ou l’autre document pour valider l’inscription à l’école. Selon les informations fournies par la société civile, il n’y a qu’en Belgique, en Italie, aux Pays-Bas et en Pologne qu’aucun document n’est officiellement requis lors de l’inscription, même s’il arrive que dans la pratique, certains documents soient effectivement sollicités.

Les réponses d’experts de la société civile reçues indiquent que la présentation des documents d’identité des parents des enfants concernés constitue une condition préalable à l’inscription dans cinq États membres (Autriche, Espagne, France, Irlande, et parfois en Allemagne). En Allemagne, la situation dépend des régions. La Rhénanie-du-Nord-Westphalie (en mars 2008) et Hambourg (en juin 2009) ont interdit aux administrations scolaires d’exiger des étudiants qu’ils présentent un certificat de résidence ou des documents d’identification.452 Les directions d’école en Hongrie exigent la présentation du titre de séjour si l’enfant à inscrire n’est pas de nationalité hongroise.453

452 Allemagne, Bundesministerium des Innern (2007), Bericht des Bundesministeriums des Innern zum Prüfauftrag „Illegalität“:

Illegal aufhältige Migranten in Deutschland, Datenlage, Rechtslage, Handlungsoptionen, Ausschussdrucksache 16 (4) 306 des Innenausschusses des Deutschen Bundestages, Berlin.

453 Questionnaire de la FRA adressé à la société civile, réponses de la Hongrie.

Dans près d’une douzaine de pays, une preuve d’adresse ou de résidence est exigée. Selon les réponses aux enquêtes menées auprès de la société civile, l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne, la France, la Hongrie et la République tchèque sont concernées.

Dans certains pays, notamment en Allemagne, en Autriche, à Chypre, en Espagne, en France et au Luxembourg, les écoles demandent généralement la présentation du certificat de naissance.

Si, théoriquement, aucun document n’est exigé, il arrive qu’en pratique, les choses se passent autrement. Une ONG belge, par exemple, a signalé que les passeports des parents sont parfois requis pour l’inscription à l’école.

La nécessité de présenter des documents médicaux peut également constituer un obstacle, dans la mesure où ces documents peuvent être malaisés à obtenir. Les écoles allemandes et hongroises notamment, exigent d’avoir connaissance des antécédents médicaux de l’enfant.454 En Espagne455 et en France,456 les répondants à l’enquête menée auprès de la société civile indiquent qu’il est nécessaire de présenter un document attestant que l’enfant a respecté les obligations vaccinales correspondant à son âge.

Enfin, en Bulgarie, les administrations scolaires exigent la présentation d’un document certifiant le niveau d’éducation acquis dans le pays d’origine et la réussite d’un examen en langue bulgare.457

454 Questionnaire de la FRA adressé aux autorités locales, réponses de l’Allemagne et de la Hongrie.

455 Questionnaire de la FRA adressé à la société civile, réponses de l’Espagne.

456 Questionnaire de la FRA adressé à la société civile, réponses de la France.

457 Information fournie au point focal bulgare de Fralex en mai 2009 par deux ONG bulgares travaillant avec des enfants séparés dans le cadre du projet de la FRA sur les droits des immigrants en situation irrégulière en procédure de retour volontaire et forcé.

Pratique encourageante

Aide à l’inscription dans l’état de new-York, aux états-Unis

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Le 30 août 2010, faisant suite à des questions reçues par les écoles, le service de l’éducation de l’État de New-York (États-Unis) a diffusé à l’attention de toutes les directions d’école une note dans laquelle il précise que toute personne âgée entre cinq et 21  ans et dépourvue de diplôme de l’enseignement secondaire a le droit de fréquenter l’école publique du district dans lequel elle réside sans qu’aucun frais d’inscription ne lui soient réclamés. La note indique que cette disposition s’applique également aux migrants sans documents d’identification. Pour ne pas décourager l’inscription, les écoles devraient éviter de poser des questions relatives au statut migratoire ou susceptibles de révéler le statut migratoire des personnes interrogées. Toutes les informations nécessaires au titre de la législation fédérale ou de l’État concerné ne peuvent être demandées qu’au terme de la procédure d’inscription.

o bligations de signalement et accès de la police aux données des étudiants

Lorsque les directions d’écoles signalent à la police la présence de migrants en situation irrégulière, les parents sont dissuadés d’envoyer leurs enfants à l’école de crainte d’être découverts et de se voir expulsés. Ce risque existe également si les migrants ont l’impression que les services de l’immigration ont accès aux données des élèves conservées à l’école ou à l’administration locale.

Même si dans la majorité des États membres de l’UE, les directions scolaires n’ont pas l’obligation de signaler à la police ou aux services de l’immigration la présence d’enfants migrants en situation irrégulière, ce n’est pas toujours le cas. À Chypre, le Ministère de l’Éducation et de la Culture a diffusé en 2004 une circulaire requérant des directions d’instituts d’enseignement qu’elles communiquent au département de l’état civil et des migrations les coordonnées d’enfants migrants (et donc a fortiori de ceux dont les parents sont en séjour irrégulier).459 De même, en Slovaquie,

458 Pour de plus amples informations, voir : State Education Department, University of the State of New York (2010), Guide d’inscription des étudiants, disponible sur : www.p12.nysed.

gov/sss/pps/residency/studentregistrationguidance082610.

pdf, qui est basé sur une décision de la Cour suprême des États-Unis reconnaissant que les enfants sans documents d’identification ne peuvent se voir refuser l’enseignement public gratuit dès lors qu’ils sont, de fait, résidents du district.

Voir : Plyer c. Doe, 457 U.S. 202.

459 Information transmise à la FRA par le Ministère de l’Éducation et de la Culture en mai 2011. Voir aussi le rapport récent de l’ECRI relatif à Chypre, (4ème cycle de monitoring), Strasbourg, Conseil de l’Europe, 31 mai 2011, p. 21.

les directions d’écoles sont priées de signaler les étrangers fréquentant ou quittant l’enseignement en vertu de la loi sur le séjour des étrangers (article 53, paragraphe  3).460 Cette obligation s’applique également aux migrants en situation irrégulière.

C’est cependant surtout en Allemagne que l’obligation de signalement est la plus controversée. Une

« obligation générale de signalement » existe au niveau fédéral en vertu de l’article 87 de la loi sur le séjour. Une décision récente du Parlement fédéral a explicitement supprimé cette obligation pour les écoles, les crèches et les établissements d’enseignement tout en la maintenant pour les autres services publics.461 Dès avant ce changement, plusieurs États fédérés avaient adopté des dispositions législatives ou émis des décisions administratives dispensant les directions d’écoles de cette obligation générale de signalement, notamment en Rhénanie-du-Nord-Westphalie462. Dans l’État fédéré de Hesse, un amendement législatif visant à abolir l’obligation de signalement a été proposé, puis rejeté en septembre 2008.463 Des bases de données servant à enregistrer les enfants scolarisés ont été créées à Hambourg et à Berlin, mais des associations de parents ont fait campagne contre leur utilisation et des associations militant pour la protection des données à caractère personnel les ont boycottées.464 En réaction aux préoccupations soulevées par le mouvement de défense des droits civiques, la proposition législative a été revue et assouplie.465

Certains États membres n’ont pas adopté de réglementations mentionnant explicitement l’obligation des directions d’écoles de signaler ou de notifier la présence d’enfants migrants en situation irrégulière. Néanmoins, des obligations générales de signalement des infractions peuvent déboucher sur le signalement d’enfants sans documents d’identification, notamment dans les pays où le séjour irrégulier est passible de sanctions. En Estonie par exemple, le Ministère de l’Intérieur a indiqué qu’il existait une coopération étroite entre la police et la direction de la protection des frontières d’une part

460 Questionnaire de la FRA adressé aux autorités locales, réponses de la Slovaquie.

461 Pour plus d’informations, voir les amendements à l’article 87 (2) de la loi sur les étrangers adopté par le Parlement allemand le 6 juillet 2011 et approuvé par la deuxième Chambre (Bundesrat) le 23 septembre 2011 (voir la note suivante).

462 Allemagne, Schulgesetz für das Land Nordrhein-Westfalen (SchG NRW), paragraphe 34 (6) ; Ordonnance du Ministère de l’Éducation de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie (2008).

463 Allemagne, Hessischer Landtag, Drucksache 17/188.

464 Pour des informations complémentaires, voir : www.

fluechtlingsrat-berlin.de/print_pe.php?sid=424.

465 Berlin, Gesetz zur automatisierten Schülerdatei (Artikel I SchulG-Änderung) du 2. mars 2009 (GVBl. S. 62), disponible sur : www.berlin.de/imperia/md/content/

sen-bildung/schulorganisation/egovernment/gesetz_

schuelerdatei_64a_64b.pdf?start&ts=1307711296&file=gese tz_schuelerdatei_64a_64b.pdf.

Éducation

et les instituts d’enseignement d’autre part et que le signalement de migrants en situation irrégulière est de plus en plus encouragé.466

Selon les réponses émanant des enquêtes menées auprès de la société civile et des pouvoirs publics, les autorités répressives n’ont généralement pas accès aux registres scolaires nationaux ou régionaux, pas plus qu’aux dossiers scolaires individuels que constituent les écoles dans l’UE. Ce n’est qu’en cas d’enquête criminelle concernant une personne en particulier que ces autorités peuvent, sous certaines conditions, solliciter l’accès à ce type d’informations.

pratiques répressives

Un certain nombre de pratiques répressives limitant le droit à l’éducation des enfants migrants en situation irrégulière ont été signalées dans plusieurs États membres de l’UE. En Allemagne, à Chypre, en Espagne, en France, en Irlande et au Luxembourg, les enquêtes menées auprès de la société civile font état d’opérations répressives dans l’enceinte ou aux abords des écoles. Certaines ONG espagnoles ont également signalé des contrôles policiers à la montée et la descente des trains fréquemment empruntés par les enfants scolarisés et leurs parents.467

financement

En dehors des coûts indirects (par exemple matériel scolaire), l’enseignement obligatoire public est gratuit.

Il arrive que des frais administratifs limités soient imputés. En Belgique et en Espagne par exemple, ces frais sont identiques pour tous les enfants et en Espagne, les enfants de migrants en situation irrégulière peuvent solliciter l’aide des services sociaux ou l’octroi d’une bourse.468 Normalement, les coûts directs sont financés par l’État, également pour les migrants en situation irrégulière. Dans certains pays, il existe une allocation couvrant les frais de matériel scolaire. Aux Pays-Bas par exemple, les enfants migrants en situation irrégulière, à l’instar de tous les autres enfants, ont droit à une allocation de 316 EUR pour l’achat de leur matériel scolaire.469

La Hongrie présente un exemple différent. La loi de 2003 sur l’éducation nationale prévoit que les enfants dépourvus de titre de séjour sont autorisés

466 Estonie, Siseministeerium (2009), n° 11-1-1/3385, Teemauuring, p. 6.

467 Questionnaire de la FRA adressé à la société civile, réponses de l’Espagne.

468 Questionnaire de la FRA adressé à la société civile, réponses de la Belgique et de l’Espagne.

469 Ce montant porte sur l’année académique 2008-2009. Pour des informations complémentaires, voir : www.rijksoverheid.nl/

onderwerpen/voortgezet-onderwijs#ref-minocw.

à fréquenter l’enseignement primaire et secondaire pour autant qu’ils s’acquittent des frais liés à leur scolarité, lesquels peuvent être réduits, voire levés, par l’institution scolaire.470

D’une manière plus générale, nombre de pays sont confrontés à un problème pratique dans la mesure où les budgets affectés aux écoles sont calculés sur la base de la population résidente et non sur le nombre réel d’enfants qui fréquentent l’école. Dans ces cas de figure, les implications financières peuvent dissuader les directions d’écoles d’accepter les enfants migrants en situation irrégulière.

obtention du diplôme

Pour les enfants migrants en situation irrégulière, la fréquentation d’un établissement scolaire n’aboutit pas automatiquement à l’octroi d’un diplôme officiel certifiant les résultats de ses études. Selon les réponses d’experts de la société civile, les enfants en situation irrégulière reçoivent un diplôme dans un peu plus de la moitié des États membres de l’UE. Au rang de ces États figurent l’Allemagne, la Belgique, Chypre, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie,471 la Finlande, la France, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal et la République tchèque.472 Dans les autres pays, ces diplômes ne sont pas octroyés, soit parce que l’accès aux écoles publiques est refusé aux enfants migrants en situation irrégulière, soit à cause du flou qui règne sur leur situation.

Néanmoins, même dans les pays où des diplômes sont délivrés, les enfants migrants en situation irrégulière peuvent rencontrer des obstacles pratiques à l’obtention de leur diplôme. À titre d’exemple, des ONG irlandaises indiquent qu’après avoir réussi leurs examens officiels, les étudiants se voient priés de fournir une copie de leur certificat de naissance ou leur numéro de sécurité sociale, lesquels peuvent être difficiles à obtenir pour les migrants en situation irrégulière. En Pologne, avant de pouvoir passer leurs examens, les enfants migrants en situation irrégulière doivent présenter un numéro d’identification personnel, dont la délivrance est officiellement conditionnée à leur régularisation.473

470 Hongrie, Loi sur l’éducation nationale 1993. évi LXXIX. törvény, 3 août 1993, articles 3, 6 et 110.

471 Pour l’Estonie, l’information a été transmise à la FRA par le point de contact du REM pour l’Estonie en mai 2011.

472 Cette information a été confirmée auprès de la FRA par le Ministère chypriote de l’Éducation et le Service portugais des étrangers et de la protection des frontières, respectivement, en mai 2011.

473 Information transmise à la FRA par le point focal national de Fralex pour la Pologne dans le cadre du projet sur les droits des immigrants en situation irrégulière engagés dans des procédures de retour volontaire et forcé.