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Redistribution des adipocytes [64, 65 ,66]

1.3.1 L'évaluation clinique

4.3. Conséquences de la chirurgie bariatrique

4.3.1. Redistribution des adipocytes [64, 65 ,66]

Un an après le by-pass gastrique, la composition corporelle se modifie et un pourcentage moyen de perte de poids est constaté. Il varie entre 28,65 et 6,23%. Outre la perte de poids, on observe des changements intrinsèques au niveau du tissu adipeux lui-même, entre graisse brune et graisse blanche. La graisse brune, en temps normal, est particulièrement abondante chez les nouveau-nés et chez les mammifères hibernants [64, 65]. Sa principale fonction est d'assurer, grâce à la lipolyse de ses adipocytes, la thermogenèse chez les animaux qui hibernent et les nouveau-nés qui ne sont pas

109 encore capables de frissonner. Sa localisation habituelle, au contact immédiat des principaux vaisseaux sanguins, facilite la diffusion dans tout l’organisme de la chaleur qu’elle produit (calorifère naturel, source de chaleur). La vascularisation et l’innervation sympathique sont richement développées. Chaque adipocyte, porteur de récepteurs béta3-adrénergiques, est au contact d’une terminaison sympathique noradrénergique. Au lieu d’être couplée à la phosphorylation oxydative, l’énergie libérée par l’oxydation mitochondriale des acides gras a la capacité de se convertir en chaleur. La protéine mitochondriale responsable de ce découplage est la thermogénine ou UCP1 (pour UnCoupling Protein 1). Il existe une étroite corrélation entre le contenu en thermogénine, dont l’expression est contrôlée au niveau transcriptionnel par les catécholamines, et le potentiel thermogénique du tissu. L’adipocyte brun contient de la T4-5’ déiodase, enzyme capable de convertir la T4 (tétraiodothyronine) circulante en triiodothyronine, et indispensable pour que la transcription du gène de l’UCP 1, et donc la réponse au froid des adipocytes bruns, soit maximale. L’invalidation du gène Ucp 1 conduit à constater que les animaux Ucp-/- sont très sensibles au froid, ne peuvent maintenir leur température à un niveau élevé et que leurs adipocytes bruns accumulent une quantité anormalement élevée de triglycérides, ce qui confirme le rôle essentiel de l’UCP dans la thermogénèse normalement induite par le froid.

Une étude de Vijgen et al. publiée dans le Journal of Clinical Endocrinololy and Metabolism. 2012 avait pour but d’évaluer la quantité de graisse brune avant et après chirurgie bariatrique. Ici l’activité de la graisse brune a été mesurée par F-FDG-PET-CT et calorimétrie indirecte en appliquant de manière personnalisée un protocole de refroidissement. L’activité maximale de la graisse brune est observée dans un environnement basse température, juste au-dessus d’une température causant des frissons. Cette expérience montre que l’activité de la graisse brune était significativement plus élevée après perte de poids. Avant la chirurgie, on observait une activité de la graisse brune, induite par le froid, au niveau de dépôts supra-claviculaires sur 2 femmes sur 10 sujets. Néanmoins leur volume était faible. Tandis qu’après la CB, on a constaté la présence de cette graisse brune sur la moitié des sujets avec apparition de dépôts para-vertébraux. Ces changements s’expliqueraient par la perte de poids mais aussi par l’effet direct de la réduction du tissu adipeux sous-cutané. En effet, après chirurgie bariatrique chez la femme obèse, une réduction de la taille des cellules graisseuses sous-cutanées associée à une amélioration de la sensibilité à l’insuline est constatée. Ainsi, la perte de poids change radicalement la distribution thermique au niveau du corps. Les sujets obèses montrent un plus faible gradient de température entre les parties superficielles et profondes de la peau après exposition au froid ce qui indique un faible niveau de vasoconstriction. Ce gradient tend à augmenter après la CB et la perte de poids.

Une autre expérience a prouvé qu’après transplantation de graisse brune chez la souris, on observait à 8 semaines une meilleure tolérance au glucose et une augmentation de la sensibilité à

110 l’insuline. Cette amélioration de l’homéostasie métabolique s’accompagnait d’une réduction de la masse grasse 12 semaines après transplantation, sans que la masse maigre ne soit altérée. Les apports nutritionnels n’ont pas été modifiés mais on a constaté une augmentation des dépenses énergétiques. Les concentrations en triglycérides dans le muscle squelettique, le foie et les paramètres cardio-vasculaires n’ont pas été affectés par la transplantation de graisse brune. On note que la transplantation de graisse brune dans le compartiment sous-cutané, contrairement au compartiment viscéral, n’améliore pas la tolérance au glucose. Ceci n’est pas dû à un manque de vascularisation du compartiment sous-cutané mais à une moindre expression de tyrosine hydroxylase, suggérant une moindre innervation induisant une inefficacité de la transplantation dans cette zone.

Une expérience plus poussée consiste à transplanter la graisse brune interscapulaire dans le compartiment viscéral de la même souris. Cette auto-transplantation a montré une augmentation significative de la tolérance au glucose. Cependant ces souris n’ont pas montré de perte de poids ni de masse grasse.

Les chercheurs ont ainsi émis l’hypothèse selon laquelle une quantité plus importante de graisse brune aurait un effet encore plus bénéfique. Ils ont ainsi transplanté 0,1 g de graisse brune de souris donneuses nourries sainement sur des souris nourries de manière très riche et grasse pendant 6 semaines. Ces souris ont poursuivi leur régime trop riche pendant 12 autres semaines et il en est ressorti que la transplantation avait atténué la prise de poids comparée au groupe témoin et que ce régime hypercalorique n’avait pas eu d’effet néfaste sur la tolérance au glucose de ces souris. Cette remarquable découverte démontre que la graisse brune d’un donneur sain conserve ses caractéristiques d’origine et ne prend pas les caractéristiques du receveur insulino-résistant.

Inversement, des chercheurs se sont mis à administrer à des souris, privées de leur graisse brune, un régime occidental à l’américaine. Après 12 semaines de ce régime, les souris étaient clairement obèses. Ces changements métaboliques étaient également accompagnés d’une hyperphagie et d’une augmentation de l’expression de tumor necrosis factor-alpha ainsi que d’une baisse de l’expression de GLUT4 et de l’ARN codant pour les récepteurs beta 3-adrénergiques.

En résumé, nous pouvons affirmer que la CB modifie la localisation et le volume de territoire de graisse brune. Cette dernière, par son activité thermogénique, protègerait de l’obésité et de l’insulino-résistance. Donc, après CB, les conditions de comorbidité s’améliorent par redistribution du compartiment graisseux.

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