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Le recours de la victime ou de ses ayants droits contre l’employeur

Dans le document Les temps de déplacement professionnel (Page 142-147)

SECTION II – L’INDEMNITÉ RÉPARATRICE DES ACCIDENTS PROFESSIONNELS

A. Le recours de la victime ou de ses ayants droits contre l’employeur

1° En cas d’accident de la circulation

300. Comme le souligne le Professeur MORVAN224, la moitié des accidents de travail mortel sont des accidents de la circulation, il n’est donc pas étonnant qu’un régime spécifique s’applique à ce type d’accident. L’article L. 455-1-1 du Code de la sécurité sociale, tel qu’issu de la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 prévoit un régime d’indemnisation particulier lorsque l’accident de travail est un accident de la circulation au sens de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. En effet, lorsque l’accident de travail, qualifié comme tel conformément à l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, est survenu sur une voie ouverte à la circulation publique et a impliqué un véhicule terrestre à moteur conduit par l’employeur, un préposé ou une personne appartenant à la même entreprise que la victime, la victime, ses ayants droit, ou la caisse conservent un droit d’action contre l’employeur. Ces derniers peuvent ainsi demander une réparation complémentaire, qui est régie par la loi du 5 juillet 1985 précitée tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, dans la mesure où la réparation forfaitaire n’a pas suffit à réparer l’intégralité du préjudice subi.

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142 A la lecture de l’article L. 455-1-1 du Code de la sécurité sociale, il semble que le droit d’action en réparation complémentaire contre l’employeur ne soit possible que dans le cas où le salarié victime n’était pas lui-même le conducteur du véhicule terrestre à moteur ayant causé l’accident. Comme l’a justement souligné Gérard VACHET, l’article L. 455-1-1 du Code de la sécurité sociale trouve à s’appliquer lorsque le salarié est blessé par un véhicule conduit par son employeur ou un collègue de travail, qu’il soit lui-même en dehors ou à bord de ce véhicule. Il se posait alors la question d’un éventuel recours lorsque le salarié est lui- même conducteur du véhicule qui le blesse. La Cour de cassation semble étendre le champ d’application du texte en l’appliquant également à cette hypothèse225

augmentant ainsi considérablement la possibilité pour les salariés de voir leur préjudice complètement indemnisé.

2° En cas de faute de l’employeur ou de l’un ses salariés a) La faute intentionnelle

i. La définition de la faute intentionnelle

301. La faute intentionnelle a été définie par les juges comme la faute impliquant la volonté délibérée de causer volontairement des blessures à la victime. Les juges doivent donc relever une intention de nuire et non une simple négligence226 de l’employeur quant à ses obligations en matière de sécurité.

302. Applications. – Cette qualification de faute intentionnelle trouve très peu à s’appliquer en matière d’accident ayant lieu lors de déplacements professionnels. Elle ne pourrait recouvrir que des hypothèses où l’employeur a sciemment causé un accident lors d’un trajet effectué par le salarié en mission, ou entre deux lieux de travail, ce qui, en tout état de cause, n’est pas fréquent.

225 Cass. 2ème civ., 29 mars 2006, pourvoi n° 03-19843 : JCP S 2006, 1429, note G. Vachet ; 226 Cass. soc., 24 juillet 1974, Bull. civ., 1974, V, n°451 ;

143 ii. Les effets de la faute intentionnelle sur la réparation du salarié victime

303. Réparation intégrale du préjudice subi. – L’article L. 452-5 du Code du travail prévoit qu’en cas de faute intentionnelle de l’employeur ou de l’un de ses préposés, le salarié peut demander la réparation de son entier préjudice selon les voies de droit commun c’est à dire en invoquant les règles relatives à la responsabilité délictuelle.

304. Employeur payeur. – Il appartient à l’employeur de réparer intégralement le préjudice subi par la victime de l’accident du travail lorsqu’une faute intentionnelle en est à l’origine, que celle-ci résulte du comportement de l’employeur lui-même ou de l’un de ses salariés. Le salarié responsable d’une telle faute bénéficie d’une immunité civile liée à la responsabilité du préposé des faits commis par ses commettants227. L’action pourra toutefois être dirigée contre le salarié dont la faute intentionnelle a causé l’accident s’il a excédé les limites fixées par l’employeur pour l’exercice de sa mission. Des indices d’un abus dans l’exercice des fonctions peuvent être apportés à l’appui d’une demande en réparation complémentaire exercée contre le salarié fautif. Le fait que le salarié a agit en dehors de ses lieu et horaires de travail peut, notamment, constituer un indice.

b) La faute inexcusable

i. La définition de la faute inexcusable

305. L’article L. 452-1 du Code du travail prévoit un régime particulier d’indemnisation en cas de faute inexcusable de l’employeur sans toutefois la définir.

C’est à l’occasion des contentieux amiantes que la chambre sociale, à travers plusieurs arrêts du 28 février 2002, a, certes, façonné une nouvelle définition de la faute inexcusable, mais a également fondé cette faute sur l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur envers les salariés.

La chambre sociale a en effet jugé qu’ « en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l’entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque

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144 l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver »228

.

La faute inexcusable à la charge de l’employeur est donc caractérisée lorsque trois éléments sont réunis : l’existence d’un danger ayant provoqué un accident du travail, la conscience de ce danger par l’employeur et enfin l’absence de prise de mesures pour prévenir la réalisation du danger229.

De surcroit, la faute inexcusable est présumée lorsque la victime d’un accident du travail, ou un représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail avait signalé à l’employeur le risque qui s’est réalisé.

306. Applications. – En ce qui concerne les accidents qui surviendraient durant un déplacement professionnel, une faute inexcusable de l’employeur peut être reconnue lorsque le véhicule mis à disposition du salarié présente des défauts mécaniques dont l’employeur connaît l’existence. Une telle reconnaissance est également possible dans l’hypothèse où l’employeur impose au salarié de rejoindre un lieu de mission alors qu’il a connaissance de l’état de fatigue ou d’ébriété du salarié. Il est donc conseillé aux employeurs, bien que les déplacements professionnels entre le lieu de travail et le domicile ne constituent pas du temps de travail effectif, de limiter la fréquence des déplacements que le salarié est amené à effectuer, notamment à l’occasion d’un travail de nuit.

i. Les effets de la faute inexcusable sur la réparation du salarié victime

307. Une réparation quasi-intégrale. – Par exception au principe de l’immunité civile de l’employeur dans le cadre de l’indemnisation de l’accident du travail, la reconnaissance d’une faute inexcusable permet au salarié de percevoir un complément d’indemnisation en réparation du préjudice subi. Cette réparation n’est pas intégrale. Elle reste limitée à la majoration de la rente ou du capital et à l’indemnisation de certains préjudices.

308. Effet sur l’indemnisation forfaitaire du salarié. – L’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale dispose qu’en cas de faute inexcusable de l’employeur, la victime ou ses ayants droit reçoit une majoration des indemnités dues en vertu de la législation sur les accidents du travail.

228 Cass. soc., 28 février 2002, pourvoi n° 00-11793, Bull. civ., V, no 81, p. 74 ; 229 Article L. 4131-4 du Code du travail ;

145 309. Quelle que soit la gravité de la faute, dès lors qu’elle est qualifiée de faute inexcusable par le juge, la majoration de la rente ou du capital est fixée au maximum230. L’employeur, ou la CPAM, ne pourront qu’invoquer la faute inexcusable de la victime elle-même s’ils veulent éviter une majoration maximale de la rente ou du capital231.

310. L’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale dispose que la majoration de la rente ne peut pas excéder la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité. Ainsi, en reprenant l’exemple d’un salarié atteint d’un taux d’incapacité de 80% et dont le salaire de référence s’établit à 33 000 euros annuel lors de la période de référence, la majoration de la rente est égale à la différence entre l’application du taux d’incapacité au salaire de référence et ce qu’il touche déjà au titre de la rente soit : ( ) – 23 100, soit 3 300 euros de majoration annuelle.

311. Effet sur l’indemnisation des divers préjudices. – La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur entraîne le droit pour le salarié de demander à l’employeur une réparation complète de certains préjudices subis du fait des lésions consécutives à l’accident du travail. Ainsi, il peut être fait état de préjudices autres que le préjudice patrimonial tel que les préjudices esthétique, d’agrément ou encore de la perte ou de la diminution de chances de promotion professionnelle. Les préjudices susceptibles d’être indemnisés en cas de reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur sont limitativement énumérés par l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale. Il s’est donc posé la question de savoir si la victime ou ses ayants-droits pouvaient invoquer d’autres préjudices non abordés par ce texte. Le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, a estimé « qu’en présence d’une faute inexcusable de l’employeur, les dispositions de l’article L. 452- 3 du Code de la sécurité sociale ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l’employeur la réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le Livre IV du Code de la sécurité sociale »232

. La victime d’un accident du travail, en cas de reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur peut donc désormais demander la réparation de préjudices qui ne sont pas énumérés par à l’article L. 452-3 précité. Sur le fondement de cette interprétation, la Cour de

230 Cass. soc., 6 février 2003, pourvoi no 01-20004, Bull. civ., V, no 48 ; 231 Cass. soc., 19 décembre 2002, pourvoi no 01-20447, Bull. civ., V, no 400 ; 232 Cons. const., 18 juin 2010, décision n° 2010-8 QPC ;

146 cassation a admis que soient réparés les frais d’aménagement du logement et de véhicule adapté233, préjudice n'étant pas pris en charge au titre du Livre IV du Code de la sécurité sociale.

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