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La diversité des sources

Dans le document Les temps de déplacement professionnel (Page 68-72)

SECTION I – LE FACTEUR TEMPS, ÉLÉMENT GÉNÉRATEUR DE LA CONTREPARTIE

A. La diversité des sources

1° La diversité des cadres de mise en place

111. Mise en place dans le cadre d’une convention collective. – L’article L. 3121-4 du Code du travail permet aux négociateurs d’instituer la contrepartie au temps de déplacement, dont la durée est supérieure au temps de trajet réalisé par le salarié entre son domicile et le lieu d’exécution habituel du travail, dans le cadre d’une convention collective de travail, différente de l’accord collectif de travail en ce qu’elle a vocation à traiter de l’ensemble des conditions d’emploi, de formation professionnelle et de travail et des garanties sociales des salariés.

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68 A titre d’exemple, tel a été le choix des partenaires sociaux au sujet des conditions de déplacement des ingénieurs et cadres dans la branche professionnelle de la métallurgie, l’article 11 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres du 13 mars 1972, étendue, ayant institué une contrepartie pour les déplacements de ces salariés.

112. Mise en place dans le cadre d’un accord collectif. – A la différence d’une mise en place dans le cadre d’une convention collective, l’institution de la contrepartie aux déplacements des salariés peut également résulter de la négociation d’un accord collectif de travail portant sur un ou des sujets déterminés78. L’on peut encore une fois citer, à titre d’exemple, la branche professionnelle de la métallurgie, où les salariés non-cadres voient leurs déplacements régis par l’accord national du 26 février 1976 sur les conditions de déplacement qui n’est pas étendu.

2° La diversité des périmètres possibles de négociation

113. Conventions et accords interprofessionnels. – L’article L. 3121-4 du Code du travail n’interdit pas d’instituer la contrepartie qu’il prévoit au niveau interprofessionnel. Toutefois, cette possibilité laissée par le texte doit être nuancée en pratique. Il n’existe, à notre connaissance, aucune contrepartie aux déplacements des salariés dont l’existence est tirée d’une telle convention ou accord, et pour cause, il semble que les déplacements professionnels des salariés relèvent de conditions pratiques particulières qui ne sauraient être appréhendées au niveau interprofessionnel. Sauf à rappeler le cadre légal existant, l’insertion de mentions relatives aux déplacements professionnels dans une convention ou un accord interprofessionnel ne présente donc pas, à notre sens de grande utilité.

114. Conventions et accords de branche. – Il paraît beaucoup plus plausible que les partenaires sociaux se saisissent de la problématique des contreparties aux déplacements des salariés au niveau professionnel, des problématiques communes pouvant naître de l’exercice d’un même métier. Il est donc logique que ce niveau de négociation ait été choisi dans la branche professionnelle de la métallurgie par le biais de deux textes, l’un relatif aux conditions de déplacements des ingénieurs et cadres de 1972 précité, l’autre à celles des non- cadres, ou encore dans la branche professionnelle du bâtiment, par le biais de la convention

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69 collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment du 8 octobre 1990, organisant un régime de petit déplacement.

115. Conventions et accords de groupe. – Les articles L. 2232-30 et suivants du Code du travail aménagent la possibilité de conclure des accords et conventions collectives de travail au sein d’un groupe de sociétés. L’article L. 3121-4 du même Code n’ayant pas exclu la possibilité de négocier à ce niveau, il est tout à fait envisageable d’instituer une contrepartie aux déplacements des salariés dont le champ d’application sera fixé par l’accord ou la convention et pouvant comprendre, à la libre volonté des partenaires sociaux79, tout ou partie des entreprises constitutive du groupe80.

116. Conventions et accords d’entreprise ou d’établissement. – Si la conclusion d’un accord ou d’une convention portant sur les déplacements professionnels des salariés en vue de satisfaire à l’obligation légale issue de l’article L. 3121-4 du Code du travail est cohérente au sein du périmètre professionnel, elle trouve comme terre d’élection l’entreprise. L’employeur et les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise sont en effet les mieux à même de connaître l’environnement dans lequel les salariés seront amenés à se déplacer. Comme l’a souligné un auteur, ce cadre de négociation « permet d’assurer la concordance entre le niveau d’élaboration et le niveau d’application de la norme sociale »81

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A cet égard, tant pour la détermination du trajet normal que pour l’adaptation du montant de la contrepartie, la convention ou l’accord d’entreprise peut tenir compte des contraintes spécifiques liées aux modes de déplacement des salariés ainsi qu’à l’emplacement géographique de l’entreprise.

117. Il est utile de souligner que les contreparties aux déplacements des salariés de l’entreprise, lorsqu’elles sont attribuées en argent constituent du salaire. A ce titre, les partenaires sociaux peuvent appréhender cette question lors de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires effectifs82.

118. Des contraintes propres des salariés lors de leurs déplacements lorsque l’entreprise est divisée en établissements distincts, les accords ou conventions d’établissement ou de groupe

79 Article L. 2232-31 du Code du travail ; 80 Article L. 2232-30 du Code du travail ;

81 L. DRAI, Jurisclasseur Travail Traité, Fasc. 1-10 82 Article L. 2242-8 al. 2 du Code du travail ;

70 d’établissements, peuvent rendre compte plus spécifiquement. L’article L. 2232-16 du Code du travail permet de choisir ce cadre de négociation, sous réserve de négocier et de conclure les conventions ou accords dans les mêmes conditions que dans le cadre de l’entreprise. La Cour de cassation a jugé, à cet égard, qu’une différence de traitement entre salariés d’établissements différents, au sein d’une même entreprise, ne constitue pas, en soi, une discrimination illicite83.

Toutefois, la liberté de négocier au niveau des établissements se heurte au principe selon lequel il ne peut y avoir de différence de traitement salarial entre salariés d’établissements différents d’une même entreprise que lorsqu’elle résulte de raisons objectives et pertinentes. Il pourra notamment être fait état de contraintes particulières à certains établissements ; contraintes caractérisées par exemple par des disparités géographiques et nécessitant des montants ou des modalités spécifiques de versement de la contrepartie.

119. Respect de la hiérarchie des normes. – La diversité des possibles induite par l’article L. 3121-4 du Code du travail quant aux niveaux de négociation impose d’appréhender l’éventuel conflit de normes.

Depuis l’exclusion par l’assemblée plénière de toute possibilité de cumul d’avantages ou de garanties provenant de sources différentes mais ayant le même objet84, la Cour de cassation n’a eu de cesse d’appliquer le principe selon lequel une norme ne peut déroger à une autre norme d’un niveau supérieur que dans un sens plus favorable. En cas de conflit de normes, c’est donc la plus favorable au salarié qui doit recevoir application85

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120. Il ressort de ce principe général du droit86 que les partenaires sociaux doivent être vigilants, lors de la conclusion de l’accord, à ne pas instaurer une contrepartie moins favorable que ce qui a été prévu à un niveau supérieur. Cela entrainerait une comparaison des avantages se rapportant à un même objet ou à une même cause87 – ici il s’agirait de comparer entre elles les contreparties accordées pour une même catégorie de salarié88 et pour un même déplacement – pour ne retenir que la norme globalement plus favorable89. L’entreprise

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Cass. soc., 18 janvier 2006, pourvoi n° 03-45422 : Bull. civ., V, n° 17 ;

84 Ass. Plén., 18 mars 1988 : D. 1989. 221, note J.-P. Chauchard ;

85 Cass. soc., 17 juillet 1996, pourvoi n° 95-41745: Bull. civ., 1996, V, n° 296 et 297 ; 86 CE 8 juillet 1994, CGT : RJS 12/94, n° 1386, note X. Prétot, p. 819 ;

87 Cass. soc., 17 juillet 1996 (2 arrêts) : Bull. civ., 1996, V, n° 296 et 297 ; 88 Cass. soc, 11 octobre 1994, pourvoi n° 91-40322, Bull. civ., 1994, V, n° 265 ; 89 A. CHEVILLARD, La notion de disposition plus favorable : Dr. soc. 1993, p. 363 ;

71 pourrait dès lors être condamnée à payer à ses salariés un rappel si des contreparties, plus faibles que celles prévues par une convention ou un accord collectif couvrant un champ d’application territorial ou professionnel plus large, ont été attribuées à l’occasion des déplacements des salariés.

121. Inversion de la hiérarchie des normes. – Le principe de faveur est à nuancer en ce qui concerne l’articulation des normes issues d’accords d’entreprise avec celles provenant d’accords couvrant un champ d’application professionnel ou territorial plus large. L’article L. 2253-2, alinéa 2, du Code du travail prévoit en effet un principe de dérogation selon lequel « la convention ou l’accord d’entreprise ou d’établissement peut comporter des stipulations dérogeant en tout ou partie à celles qui lui sont applicables en vertu d’une convention ou d’un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, sauf si cette convention ou cet accord en dispose autrement ».

Ainsi, dans l’hypothèse la plus probable d’un conflit de normes entre un accord d’entreprise et un accord de branche, l’accord d’entreprise pourra prévoir des contreparties aux déplacements des salariés moins favorables si l’accord de branche n’en a pas exclu la possibilité.

Il est toutefois à noter que les accords et conventions conclu avant la loi du 4 mai 2004 – loi ayant introduit ce principe de dérogation des accords de niveaux moins élevés – conservent leur prééminence hiérarchique.

En conséquence, dans la branche professionnelle de la métallurgie, les dispositions de nationales de branche relatives aux déplacements des salariés relevant de textes antérieurs à la loi du 4 mai 200490, des accords d’entreprises ne peuvent y déroger que dans un sens plus favorable.

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