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CHAPITRE I : LA RECONNAISSANCE DES DROITS ESSENTIELS A LA VIE DE

Paragraphe 1 : L’évolution au plan international de la notion de l’enfant et de sa

B- De la reconnaissance de la protection juridique de l'enfant par le droit international

Unies relative aux Droits de l’Enfant

Si les lourdes conséquences de la seconde guerre sur la population civile, en général, ont conduit à l’adoption de la Charte de l’ONU et de la DUDH lesquelles établissent désormais le respect de la dignité humaine comme garantie de la paix et de la sécurité internationales, elles ont aussi permis, en particulier, de prendre conscience de l’importance de mettre en place un dispositif juridique destiné à protéger ladite population en temps de guerre.

Face à cette nécessité, les efforts du CICR ont permis l'adoption à Genève en 1949, juste aux lendemains de la DUDH, de quatre (04) Conventions (ci-après nommées Conventions de

55 Catherine ROLLET, Les enfants au XIXe siècle, Paris, Hachette, 2001, p.224 ; Robert FOSSIER, « Quelques réflexions sur l’enfance », Actes des 16èmes journées internationales d’histoire de l’Abbaye de Flaron, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1997, p.228-229.

56 Guillemette MEUNIER, L’application de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant dans

16 Genève de 1949)57, dont la quatrième est exclusivement relative à la protection des personnes civiles en période de conflit armé. Plus que toute personne civile pouvant subir les effets des conflits, les enfants entrent dans la catégorie des personnes protégées par la CG IV et bénéficient des dispositions relatives au traitement des personnes protégées, notamment le respect de la vie et de l’intégrité physique et morale et des droits fondamentaux.

Après la seconde guerre mondiale, la CG IV a donc été le premier instrument international portant expressément sur la protection des enfants en période de conflit armé. Il convient cependant de noter que ses dispositions concernant la protection des enfants ne s’appliquent qu’en cas de conflit international conformément à son article 2.

Toutefois, le DIH a aussi établit le cadre normatif sensé régir les conflits armés lorsque ceux- ci ne présentent pas un caractère international. L’article 3 commun aux 4CG porte expressé- ment sur ce genre de conflits armés non internationaux (CANI), en établissant un ensemble de règles minimales fondamentales qui doivent être respectées en toutes circonstances tout en garantissant un traitement humain à chacun. Mais les conflits intervenus après la grande guerre ont mis à nu les faiblesses de l’article 3 en tant que règlementation minimale n’offrant finalement qu’une protection tout aussi minimale.

Pour pallier cette insuffisance, une Conférence diplomatique s’est réunit de 1974 à 1977 en vue de compléter et de développer le DIH pour tenir compte de cette évolution et surtout pour offrir une meilleure garantie de protection aux enfants. Elle a débouché sur l’adoption en 1977 des deux Protocoles additionnels qui marquent ainsi un progrès important dans la protection de l'enfant en temps de conflit armé international et non international, à travers :

- L’article 77 du PA I, lequel, en stipulant que « les enfants doivent faire l'objet d'un respect particulier et doivent être protégés contre toute forme d'attentat à la pudeur », consacre la base même de la protection spéciale accordée à l’enfant en période de conflit armé international ; et

- L’article 4 du PA II qui donne la pleine mesure de l’importance que le DIH accorde à la protection de l’enfant lorsqu’il s’agit d’un CANI.

57 Depuis le milieu du XIXe siècle, le Comité international de la Croix-Rouge a réuni des conférences diplomatiques afin de rédiger des traités protégeant les soldats et marins blessés dans les conflits armés, les prisonniers de guerre, et les civils en temps de guerre. Ces traités constituent le cœur du droit humanitaire, qui est destiné à assurer le respect de principes généraux d'humanité en période de conflit armé international ou non- international. Voir D. PLATTNER, préc., note 25.

17 Mais la complexité de la nature des CANI rend insuffisante cette protection des droits de l’enfant par le DIH conventionnel, parce que le droit international humanitaire applicable aux conflits armés non internationaux est loin de répondre pleinement aux besoins de protection que suscitent ces conflits, car ne représentant qu’une réglementation minimale58. Pour garantir une plus grande protection des droits de l’enfant en période de conflit armé, la pratique fait revenir aux règles coutumières relatives à la conduite des hostilités et qui s’appliquent à tous les conflits armés, internationaux ou non internationaux.

En effet, alors que le DIH conventionnel ne lie que les Etats parties aux différents traités qui le composent, le DIH coutumier lie tous les Etats et au-delà, toutes les parties à un conflit, même non international. En cela, les règles coutumières complètent et renforcent les disposi- tions conventionnelles de protection spéciale reconnue à l’enfant. Ainsi, la règle 135, appli- cable aussi bien au conflit international qu’au CANI, énonce que « les enfants touchés par les conflits armés ont droit à un respect et à une protection particulière »59. Ce faisant, les règles coutumières apparaissent comme une autre avenue pour l’application effective du DIH. La protection de l’enfant par le DIH sera abordée plus en profondeur dans nos prochains déve- loppements (par.1 Section 2 du Chap.2).

C’est cette protection reconnue à l’enfant par le DIH conventionnel et coutumier en période de conflit armé international ou non, qui a été réaffirmée dans la Convention relative aux Droits de l'Enfant, premier véritable traité de DIDH à valeur contraignante pour les Etats parties60 qui donne à l’enfant « sa reconnaissance comme sujet à l’échelle planétaire»61. Pour la première fois donc, une norme de Droit international juridiquement contraignante reconnaît à l’enfant des droits subjectifs, c’est-à-dire « des prérogatives attribuées à un individu dans son intérêt lui permettant de jouir d’une chose, d’une valeur ou d’exiger d’autrui une prestation »62.

L’enfant passe définitivement d’individu « sans statut » à personne titulaire de droit, « sujet et citoyen à part entière, porteur de tous les droits de l’homme et ayant vocation à les faire

58 Jean-Marc HENCKAERTS, Louise DOSWALD-BECK, Droit International coutumier, Bruxelles, Bruylant, 2006, Préface de Jakob Kellenberger.

59 Id., p.632.

60 J-F NOEL, préc., note 51, p.1.

61 Institut de l’enfance et de la famille, Au service d’une dynamique du respect des enfants : 73 idées pour

l’application en France de la Convention des Nations Unies sur les Droits de l’Enfant, Paris, IDEF, 1990, p 3

18 valoir »63, ce qui fait dire à Alston que « l’innovation la plus importante de cette Convention est simplement la reconnaissance du fait que les enfants peuvent prétendre jouir des droits de l’homme eux-mêmes et non par l’intermédiaire de leurs parents ou représentants légaux»64. Pour sa part, Fulchiron dira qu’avec la CDE, « c’est notre façon même de voir l’enfant qui est changée, et pas seulement du point de vue juridique »65.

En effet, contrairement aux deux Déclarations qui l’ont précédée, la Convention donne pour la première fois, une définition juridique de l’enfant et la pleine mesure de la notion. Ainsi, aux termes de son article 1er, « un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable »66. Autrement dit, n’est pas adulte, toute personne dont l’âge se situe en dessous de ce seuil. La CDE vient ainsi consacrer définitivement l’existence d’une période de l’enfance tout en fixant la ligne qui sépare cette période de l’âge adulte.

La Convention établit de ce fait une conception de l’enfant plus largement étendue que celle du terme étymologique (infans, celui qui ne parle pas). Cela implique de ne plus considérer l'enfant uniquement comme la propriété de ses parents ou le bénéficiaire sans défense de la charité publique, mais comme une personne ayant des droits et pouvant les revendiquer, « comme un alter ago de l’homme adulte, porteur de droits »67. Ce qui rompt définitivement avec toute autre perception antérieure.

Mais en définitive, la particularité de la CDE tient du fait qu’elle est non seulement l’instrument juridique le plus internationalement ratifié et le premier instrument qui incorpore un large éventail des Droits de l’homme, droits civils et politiques, économiques et socio- culturels pour les enfants, mais elle est surtout le seul traité de DIDH qui reprend certains aspects du DIH, en l’occurrence la protection due à l’enfant en période de conflit armé.

L’article 38 stipule en effet « qu’en cas de conflit armé, l'état s'engage à respecter et à faire respecter les règles du droit humanitaire international qui lui sont applicables et dont la protection s'étend aux enfants», telles qu’établies par les PA I et II. L’article 38 consacre le droit de l’enfant d’être protégé ainsi que ses droits fondamentaux, lorsqu’il y a conflit armé.

63 G. MEUNIER, préc., note 56, p.16.

64Philippe ALSTON cité par G. MEUNIER préc., note 56.

65 Hugues FULCHIRON, « Les droits de l’enfant à la mesure de l’intérêt de l’enfant », (2009), Gaz Pal, N° 342, 15.

66 Convention relative aux droits de l’enfant (1989), Rés.A.44/25 reproduit dans O. de SHUTTER, F. TULKENS et S. VAN DROOGHENBROECK, préc., note 9, p.170.

19 En instituant l’approche légale de l’enfant et les responsabilités qu’elle impose aux gouvernements en ce qui concerne les dispositions que ces derniers doivent désormais prendre pour œuvrer au respect des droits énoncés68, la CDE a également mis en place un Comité des droits de l’enfant afin de garantir effectivement le respect des desdits droits par les Etats.