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Jusqu’à présent nous avons travaillé sur des sources académiques définissant des motivations affichées par les bénévoles et pour la plupart positives, altruistes. Un entretien avec Charles-Edouard Vincent, dirigeant d’Emmaüs nous a fait entrevoir l’opportunité de chercher des motivations moins valorisantes, plus ‘crues’. Ainsi nous ne saurions terminer cette partie sans évoquer des éléments propre à la nature humaine qu’un dirigeant d’association doit néanmoins prendre en compte. Nous avons en effet jusqu’ici dressé un tableau plutôt flatteur du bénévolat et des gens qui s’engagent dans cette voie. Il ne faut pas pour autant négliger le rôle pervers de ‘la reconnaissance’. Ce terme générique nous semble en effet particulièrement approprié car il regroupe de nombreux cas de figure et de réalités humaines au sein du bénévolat. Nous tenterons d’en décrypter quelques uns ce qui nous servira de base pour la dernière partie de nos travaux.

Pour préciser notre propos revenons sur le fait que le temps pouvait être considéré comme un don par opposition au don d’argent. Nous avons même été jusqu’à comparer le temps à une forme de monnaie et qui dit monnaie dit échange. Tout altruisme supposerait donc un retour attendu quelconque de la part du bénévole. La reconnaissance peut dès lors être appréhendée sous différentes facettes. Elle implique dans tous les cas une forme de récompense et de mise en valeur du bénévole13. Par soucis de lisibilité nous distinguerons les quatre cas suivants :

1. La reconnaissance en interne :

Il s’agit plus d’une forme de remerciement que de félicitations qui fait sentir aux bénévoles l’utilité de leur action et par conséquent leur propre utilité. Une étude démontre que les remerciements sont plus efficaces en terme de motivation lorsqu’ils émanent d’une personne ayant directement bénéficié de l’action du bénévole13. Un merci de la part d’un Sans Domicile Fixe ayant reçu une soupe des mains du bénévole sera donc beaucoup plus important qu’un remerciement collectif et ponctuel

13 ‘Pourquoi les gens font du bénévolat’ (1992), Centre d'action bénévole Ottawa-Carleton Un rapport à la direction du Soutien aux organismes volontaires Multiculturalisme et Citoyenneté Canada, url :

http://www.bdaa.ca/ftext/heritage/partncomf/pdfdocs/Pourquoi.pdf

21 | P a g e fait par le dirigeant de l’association à l’ensemble des troupes. Ce qui ne signifie pas que le dirigeant doit s’abstenir de tous remerciement bien au contraire ! Nous reviendrons sur ce point et les manières d’optimiser son impact dans la dernière partie. Une bonne exposition aux remerciements du bénéficiaire sous entend une bonne exposition ‘dans le feu de l’action’.

2. La reconnaissance sociale :

La reconnaissance ne s’entend pas uniquement en interne mais il s’agit bien d’une notion sociale. Le bénévole comme un salarié se met donc en valeur par rapport à son activité ou son statut (même si la définition sociale d’un individu se fait généralement principalement par son travail et non son expérience bénévole). Il est par exemple agréable de briller devant ses amis ou sa famille sur son expérience de bénévole qui plus est si l’engagement est à priori parfaitement déconnecté de tout intérêt personnel. L’image de l’association est donc tout aussi importante que le statut de bénévole.

Même si personne ne se vantera dans aucune étude de faire du bénévolat parce que cela ‘est bien vu par son entourage’ cet élément ne peut être qu’un plus motivationnel. Cette ‘reconnaissance sociale’

est implicitement démontrée par l’étude canadienne citée précédemment qui démontre que sur le panel de bénévoles ayant participé à l’enquête 65% se sont engagés soit par demande, incitation ou effet d’exemple de l’entourage13. Le bénévolat donne donc une image, le travail de l’association peut alors être comparé au travail sur l’image de marque et la réputation auquel toute entreprise est confrontée. La communication en externe, l’organisation d’évènements sont autant d’éléments indirects à retombées certes peu quantifiables mais permettant néanmoins de fédérer les troupes sur le long terme. Bien entendu une association parlera plus volontiers de valeurs, de mission que d’image il n’empêche qu’il s’agit d’un investissement, un travail de longue haleine à entreprendre pour pouvoir attirer des bénévoles soucieux d’une forme de reconnaissance sociale. A titre indicatif d’après l’enquête de France Bénévolat et le tableau reproduit en page 18 les hommes sont d’ailleurs plus sensibles à la reconnaissance que les femmes12.

3. La reconnaissance ou les jeux politiques

Par reconnaissance nous entendons également les jeux politiques. De par les statuts d’une association il y a un certain nombre de postes ‘à responsabilité’ tel que secrétaire général, trésorier, membre du comité parfois âprement disputés. Le bénévolat peut alors devenir une affaire d’ego voire de vanités ou de substitut à une carrière peu brillante. Nous pourrions prendre à cet effet l’exemple d’un actif peu satisfait par sa carrière professionnelle mais désireux de se rattraper par son implication associative et les possibilités de promotion qui en découlent comme devenir dirigeant.

Accéder à un poste à responsabilité voire devenir le futur responsable de l’association peut alors devenir un objectif ‘de carrière’. Parler bénévolat c’est également parler pouvoir ; ne perdons pas de vue qu’une association est une structure plus ou moins organisée regroupant des compétences.

Toute organisation suppose une forme de hiérarchie. Les instincts humains étant ce qu’ils sont le thème du pouvoir est sans surprise de la partie. Certains pourraient même considérer que la prise de

22 | P a g e pouvoir dans une association est encore plus disputée que dans une entreprise du fait de l’engagement ‘idéologique’ des bénévoles. Se battre pour imposer ses idées, défendre une cause selon ses vues peut dans certains cas être le départ d’une lutte féroce et d’une course vers la reconnaissance donnée par l’accès à la fonction suprême de l’association. Pour donner un simple chiffre, en se référant au tableau de France Bénévolat reproduit en page 18 nous constatons que 12%

des bénévoles sondés déclarent être satisfaits de leur engagement associatif leur donnant les moyens d’accéder à des responsabilités12. Le chiffre diffère d’ailleurs fortement selon qu’il s’agit d’hommes ou de femmes interrogés (score de 15% pour les hommes contre 8% seulement pour les femmes)12. Responsabilités ou vanités ?

4. La reconnaissance et le lien social

Enfin la reconnaissance peut être comprise comme une tentative d’insertion, de création ou réparation de lien social. Nous considèrerons cette forme de reconnaissance comme une variante extrême du point numéro deux. Une personne isolée socialement peut utiliser son activité dans l’association pour renouer des contacts avec d’autres individus, avec le travail (cas des chômeurs notamment) et avoir ainsi le sentiment d’exister. Cette forme de recherche de reconnaissance peut aller jusqu’à des cas extrêmes et complexes à gérer pour un dirigeant d’association. Lors d’un entretien avec Charles-Edouard Vincent, dirigeant d’Emmaüs Défi, nous avons évoqué le cas d’une bénévole qui n’avait le sentiment d’exister dans la société que par son travail de tri dans l’association.

Ce besoin pouvant être assimilé à une forme de désespoir a eu des conséquences fâcheuses telles une agression physique sur un salarié ou le refus de prendre en compte les directives et demandes du dirigeant. Se séparer du bénévole trop ‘dépendant’ et incontrôlable de l’association est à fortiori une tâche complexe.

Ces motivations plus basses et propres au genre humain doivent donc être prises en compte et font partie de la connaissance de l’individu indispensable pour réussir un bon management et une bonne fidélisation. Le fait qu’il n’y ait pas d’étude spécifique sur ces comportements peu mesurables et peu reluisant implique une finesse relationnelle de la part du dirigeant d’association ou pour certaines structures de taille importante la mise en place d’une structure de gestion des ressources humaines à la manière de ce qui se fait dans le monde de l’entreprise. Nous allons étudier dans la partie suivante les facteurs de démotivation puis établir notre ‘liste de commandements’ pour le bon management des bénévoles.

Conclusion : Cette partie nous a permis de mieux comprendre les raisons affichées (souvent valorisantes) et les raisons sous jacentes (parfois nettement moins valorisantes) de s’engager et de durer dans le bénévolat. Nous avons établi une typologie plus à titre d’exemple que par désir d’établir une liste exhaustive. La démarche d’étude que nous avons suivie va à présent nous servir pour établir nos ‘commandements du management du bénévole’ à travers des thèmes que nous avons défrichés.

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