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PARTIE II. – L’ACTION DES INSTITUTIONS REPRÉSENTATIVES DU

Section 2. – Le dualisme de la reconnaissance d’un établissement distinct 57

B) Une reconnaissance imposée 63

159. Si, depuis l’ordonnance de 2005, les compétences, en matière de reconnaissance de l’établissement distinct, sont regroupées entre les mains du juge administratif (1), il reste encore des « îlots » de compétence judiciaire qu’il serait préférable d’abandonner, à la faveur du juge administratif (2).

1) Des compétences regroupées

160. De l’ordre judiciaire à l’ordre administratif. – Avant 2005, les différends relatifs à la reconnaissance d’un établissement distinct en vue de l’élection de délégués du personnel, étaient portés devant le juge judiciaire, et plus précisément, devant le tribunal d’instance. 161. Avec l’ordonnance du 1er décembre 2005253, le contentieux a été transféré de l’ordre judiciaire à l’ordre administratif. Par conséquent, à défaut d’accord, « le caractère d’établissement distinct est reconnu par l’autorité administrative »254, c’est-à-dire par le

251 « Si les établissements accueillant les délégués syndicaux et les comités d’établissement se confondent, ne

faudrait-il pas, à terme, envisager une harmonisation de ces modes de reconnaissance ? » (F. Petit, « Les périmètres de l’établissement distinct », Dr. soc. 2012, p. 984).

252 C. trav., art. L. 2314-31, al. 1er (concernant les délégués du personnel) ; art. L. 2322-5, al. 1er (s’agissant du

comité d’entreprise).

253 Ordonnance n° 2005-1478 du 1er décembre 2005 de simplification du droit dans le domaine des élections aux

institutions représentatives du personnel : JO, 2 déc. 2005, p. 18641.

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« directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi » (DIRECCTE) du siège de l’entreprise255.

162. Désormais, cette compétence revient à l’autorité administrative, comme c’était déjà le cas, auparavant, en ce qui concerne le périmètre du comité d’établissement. Le contentieux est donc regroupé dans un même ordre juridique.

163. Étendue de la compétence administrative. – Si, avant la tenue des élections, l’autorité administrative est compétente pour déterminer le nombre d’établissements distincts, cette compétence n’en demeure pas moins cantonnée256. En effet, l’arrêt rendu le 31 mai 2012 par le Conseil d’État, circonscrit triplement la compétence de la DIRECCTE. La saisine doit d’abord intervenir « dans le cadre de l’engagement d’un processus électoral » – donc avant les élections – ; ensuite, seule « l’une des parties à la négociation du protocole d’accord préélectoral » peut procéder à la saisine ; enfin, soit aucun protocole ne doit avoir été conclu, soit le protocole conclu ne doit manifestement pas satisfaire à la double condition de majorité257. Ces conditions réunies, l’autorité administrative est alors compétente.

164. Contestation de la décision. – La décision du directeur régional peut être contestée

via un recours hiérarchique, au terme duquel le ministre du Travail peut effectuer un nouveau

découpage de l’entreprise. Un recours contentieux est également envisageable devant le juge administratif, tant pour l’élection de comités d’établissements que pour celle des délégués du personnel.

165. Cette transposition des compétences de l’ordre judiciaire à l’ordre administratif n’est pas achevée. Demeurent des situations où le juge judiciaire connaît du contentieux, de manière contestable (2).

2) Des compétences isolées

166. Compétence est accordée, au juge judiciaire, dans le cadre du contentieux de la reconnaissance d’établissement distinct au sens du comité d’établissement ainsi que des délégués syndicaux (a). Étonnement, le juge judiciaire est – toujours – saisi des contestations relatives au découpage de l’établissement distinct en vue de la désignation de délégués

255 C. trav., art. R. 2312-2.

256 CE, 31 mai 2012, Sté Avis location de voitures, n° 354186 : JCP S 2012, 1410, note E. Jeansen. 257 CE, 31 mai 2012, préc.

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syndicaux (b), malgré le regroupement des compétences intervenu en 2005.

a) Contestations relatives au périmètre du CE et des délégués du personnel

167. Avant les élections. – Le juge judiciaire connaît des « contestations relatives à l’électorat et à la régularité des opérations électorales »258. Comme cela a été précisé précédemment, le tribunal d’instance est compétent pour des contestations relatives à la validité de l’accord procédant au découpage en établissement distincts259.

168. L’incompétence du juge administratif est symptomatique de ce que le transfert de compétence vers l’ordre administratif conserve un goût d’inachevé. Cette incompétence est d’autant plus contestable en ce qui concerne le contentieux électoral.

169. Après les élections. – Le Conseil d’Etat a en effet estimé, le 31 mai 2012, que l’autorité administrative « ne peut, en tout état de cause, intervenir qu’avant la tenue de ces élections »260. Après les élections, « toute décision ordonnée relativement au périmètre des établissements distincts est sans effet »261. L’autorité administrative est donc déclarée incompétente : c’est au juge judiciaire qu’il revient de statuer en la matière.

170. De nombreuses critiques sont formulées à l’égard de cette solution, critiques que nous partageons. En effet, selon un auteur, étant donné que « le caractère d’ordre public de la notion d’établissement distinct [impose] que le découpage auparavant opéré par une décision définitive [soit] maintenu dès lors que l’organisation de l’entreprise demeure identique », le « découpage retenu par la [DIRECCTE] devrait s’imposer à défaut de modification dans l’organisation de l’entreprise »262. L’autorité administrative devrait donc pouvoir procéder au

découpage et ce, même après les élections.

171. La solution actuelle laisse subsister un certain éparpillement des compétences qu’il s’agirait, pourtant, d’éviter. L’ordonnance de 2005 avait le mérite d’unifier le contentieux. Celle-ci n’est toutefois pas allée jusqu’au bout, puisque subsiste un « îlot » de compétence judiciaire, en matière de reconnaissance d’un établissement distinct au sens des délégués syndicaux (b).

258 C. trav., art. L. 2314-25, al. 1er (délégués du personnel) ; art. L. 2324-23, al. 1er (comité d’établissement). 259 V. supra, n° 116.

260 CE, 31 mai 2012, Sté Avis location de voitures, n° 354186 : JCP S 2012, 1410, note E. Jeansen.

261 E. JEANSEN, « Compétence juridictionnelle en matière d’établissements distincts : la guerre des juges n’aura

pas lieu », JCP S 2012, 1410.

262 E. JEANSEN, « Compétence juridictionnelle en matière d’établissements distincts : la guerre des juges n’aura

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b) Contestations relatives au périmètre des délégués syndicaux

172. Compétence du tribunal d’instance. – Selon le Code du travail, les contestations relatives aux conditions de désignation des délégués syndicaux légaux ou conventionnels sont de la seule compétence du juge judiciaire263, plus précisément du tribunal d’instance264. Il semble que l’ordonnance ait omis de modifier cette disposition. L’unification des compétences n’est pas achevée, puisqu’alors même que la compétence est désormais administrative, s’agissant des délégués du personnel et du comité d’établissement, elle est toujours judiciaire, en ce qui concerne les délégués syndicaux.

173. Un nécessaire transfert de compétences. – L’alignement du cadre de désignation des délégués syndicaux sur le périmètre du comité d’établissement, « a pour effet mécanique de transférer à l’autorité administrative la compétence générale »265. De sorte que les contestations relatives à l’absence d’accord de reconnaissance d’un établissement distinct au sens des délégués syndicaux, devraient appartenir au juge administratif.

174. La reconnaissance d’un établissement distinct n’est qu’une étape vers la mise en place des institutions représentatives du personnel. Il n’en demeure pas moins qu’elle produit naturellement quelques effets (§2).

§2. – Les effets de la reconnaissance

175. Les effets de la reconnaissance d’un établissement distinct diffèrent selon qu’elle a pris la forme conventionnelle (A), ou judiciaire (B).

A) Reconnaissance par voie d’accord

176. Nouvel établissement distinct. – Lorsqu’est reconnu un nouvel établissement distinct, des élections doivent être organisées par l’employeur, afin de mettre en place ou de

263 C. trav., art. L. 2143-8, al. 1er. 264 C. trav., art. R. 2143-5, al. 1er.

265 L. PÉCAUT-RIVOLIER, « La notion d’établissement distinct et le droit de la représentation du personnel », JCP

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renouveler les institutions représentatives du personnel.

177. Division ou regroupement. – Les solutions diffèrent, lorsque la reconnaissance de plusieurs établissements distincts résulte de la division d’un établissement préexistant, ou lorsqu’est reconnu un nouvel établissement distinct du fait du regroupement d’établissements préexistants. Dans ces deux cas, des instances représentatives du personnel ont déjà été mises en place.

Les mandats en cours des délégués du personnel subsisteront jusqu’à leur terme puisqu’« ils ne peuvent être supprimés conventionnellement, ni au titre de la baisse des effectifs, ni au titre de la perte de la qualité d’établissement distinct, qui doit résulter d’une décision administrative »266. Il en est de même s’agissant du comité d’établissement : les mandats de ses membres se poursuivant, l’élection de nouveaux comités ne peut intervenir qu’à leur terme.

B) Reconnaissance administrative

178. La reconnaissance doit intervenir alors que le mandat de certains membres n’est pas expiré, « sans qu’il y ait lieu d’attendre la date normale de renouvellement de toutes les délégations des comités d’établissement ou de certaines d’entre elles »267. Par conséquent, des

élections doivent être organisées immédiatement dans le ou les établissements reconnus, peu importe qu’il s’agisse d’un nouvel établissement, de la division d’un établissement préexistant ou du rassemblement de plusieurs établissements préexistants.