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L’établissement, cadre d’implantation de principe du CHSCT 34

PARTIE II. – L’ACTION DES INSTITUTIONS REPRÉSENTATIVES DU

Section 1. – L’abondance de définitions de l’établissement distinct 14

A) L’unification accomplie des périmètres des comités 33

1) L’établissement, cadre d’implantation de principe du CHSCT 34

72. Comité d’établissement et CHSCT : identité de périmètre. – Ni le législateur, ni la Cour de cassation ne livrent de définition de l’établissement distinct en vue de l’organisation d’un CHSCT. À contre-courant du postulat de l’administration et du juge administratif, la jurisprudence judiciaire a pourtant préféré évincer tout caractère fonctionnel au cadre d’implantation du CHSCT. Car, jusqu’alors, selon le Conseil d’Etat, périmètre du CHSCT et périmètre du comité d’établissement ne pouvaient se confondre, les deux étant autonomes. La Cour de cassation le réfute dès 2003, en estimant que « l’institution de plusieurs CHSCT implique, sauf le cas prévu à l’article L. 4613-4 du Code du travail, soit l’existence de plusieurs établissement chacun dotés d’un comité d’établissement, soit celle de secteurs d’activités différents »117. Le 17 juin 2009, cette jurisprudence est entérinée : « sauf accord collectif, un même CHSCT ne peut regrouper des salariés dépendant de plusieurs établissements dotés chacun d’un comité d’établissement »118. Est ainsi posé le principe d’une identité de périmètre des établissements distincts, entre celui défini au sens du comité d’établissement, et celui identifié au sens du CHSCT : le second est calqué sur le premier. L’on peut donc en déduire que le périmètre de l’établissement distinct au sens du CHSCT ne peut dépasser celui institué au sens du comité d’établissement, sauf à ce qu’un accord collectif le prévoit. Acté, le principe de l’identité n’en n’est pas moins contesté par certains auteurs. 73. La contestation de l’identité. – Alors même que l’intention du législateur était d’instituer le CHSCT au plus près des salariés, l’alignement des périmètres peut avoir pour conséquence de l’éloigner de ceux-ci, sachant que le comité d’établissement est organisé dans un cadre assez large. La proximité du CHSCT avec les salariés s’en trouve affectée, voire réduite à néant, ce qui peut conduire à amoindrir la qualité de son action. Le cadre d’installation du comité d’entreprise n’est donc pas nécessairement le plus adéquat pour l’implantation d’un CHSCT.

74. Par voie de conséquence, la réintroduction d’une vision fonctionnelle de l’établissement distinct en vue de l’organisation d’un CHSCT, est préférée par une partie de la

117 Cass. soc., 29 janv. 2003, n° 01-60.802 : RJS 4/03, n° 473.

118 Cass. soc., 17 juin 2009, n° 08-60.438 : JCP S 2009, 1483, note J.-B. Cottin ; RJS 8-9/09, n° 728 ; Cass. soc.,

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doctrine119. Selon M. Cottin, une reprise des critères révélés par l’administration, notamment ceux émanant de la circulaire de 1993, serait envisageable : un représentant de l’employeur aux « compétences hiérarchiques, techniques et financières », une implantation géographique distincte, et une communauté de travail spécifique formeraient les fondations de la notion120. La caractérisation d’une communauté de travail résulterait de « l’existence d’un groupe partageant des problématiques communes de santé, de sécurité et de conditions de travail, c’est-à-dire une communauté de risques »121.

75. Pourrait être exigée du représentant de l’employeur, une autonomie en matière d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail, sans qu’elle ne soit nécessairement requise pour les questions économiques et sociales122. Une dissociation entre l’autonomie du responsable du CHSCT et celle du responsable du comité d’établissement serait donc effectuée. Cela permettrait un perfectionnement de la qualité des interventions du CHSCT au niveau de l’établissement, puisque le responsable de l’établissement serait compétent en la matière.

76. La justification de l’identité. – Toutefois, requérir du chef d’établissement qu’il dispose d’une certaine autonomie uniquement en matière de sécurité, de conditions de travail et d’hygiène présente un risque de détournement. En effet, l’employeur pourrait ne pas doter le chef d’établissement, de pouvoirs dans le domaine de l’hygiène, de la sécurité et des conditions de travail ; ceci afin de rendre impossible, l’organisation d’un CHSCT à ce niveau. Une trop forte précision, par la jurisprudence, de la nature et de la définition des pouvoirs dont doit être investi le responsable de l’établissement, probablement séduisante en apparence, s’avère donc à hasardeuse, car elle propose à l’employeur un moyen simple de phagocyter l’implantation d’un CHSCT dans certains établissements.

77. L’assimilation des définitions et, partant, des périmètres, est d’ailleurs défendue par une frange de la doctrine, d’autant qu’il est des raisons à son adoption par la Cour de cassation. Au soutien de l’identité, plusieurs arguments sont allégués, notamment celui selon lequel la Cour de cassation veut éviter la superposition d’institutions représentatives aux

119 I. DESBARATS, L’entreprise à établissements multiples en droit du travail, L.G.D.J., 1996, p. 162 ; F. PETIT,

La notion de représentation dans les relations collectives du travail, L.G.D.J., 2000, n° 41 ; J.-BCOTTIN, Le

CHSCT, Lamy, 2e éd., 2012, coll. Lamy Axe Droit, p. 56, n° 44 et s. 120 J.-B. COTTIN, préc., p. 56, n°45.

121 J.-B. COTTIN, préc., p. 57, n°45.

122 Selon J.-B COTTIN, mais également, selon E. MILLION-ROUSSEAU, dans sa thèse relative à La représentation

du personnel en matière de santé et de sécurité, dir. B. Teyssié, Université Paris II Panthéon-Assas, 2011, pp.

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périmètres différents, car cela ébranlerait leur action123. La mise en place d’un CHSCT devient plus simple, pour l’employeur, puisque le cadre d’implantation est désormais aligné sur celui du comité d’établissement. A fortiori, l’assimilation des périmètres participe de l’unification générale de la notion d’établissement distinct, mouvement vers lequel semble tendre l’actuelle jurisprudence. D’autres puisent l’identité dans la similitude de seuils d’effectif et des modalités de calcul entre le comité d’établissement et le CHSCT124.

78. L’identité semble surtout se justifier au regard des missions du CHSCT. Nonobstant le fait qu’il s’agisse d’une institution de proximité, le CHSCT exerce fréquemment sa mission en lien avec les comités d’établissement125. Ces deux institutions sont d’abord liées en ce qui concerne la délégation du personnel du CHSCT, puisque les membres du comité d’entreprise – ainsi que les délégués du personnel – la désignent126. Ensuite, les rôles du CHSCT et du comité d’établissement sont souvent interdépendants : le premier peut se prononcer sur toute question de sa compétence dont il est saisi par le second127 ; tout comme le premier128, le second peut être consulté en matière de conditions de travail129. Des rapports très forts entre les deux institutions sont donc palpables. L’alignement de leurs périmètres est alors un moyen de les faire cohabiter et collaborer.

79. Enfin, l’identité permet l’unité. La mission du CHSCT « ne peut être efficace que si, face à lui, il y a unité de pouvoir décisionnel du côté patronal »130. Or, l’autonomie et l’unité

décisionnelles sont, par définition, des éléments de caractérisation de l’établissement distinct au sens des règles applicables au comité d’établissement. De sorte que l’alignement des périmètres permet de faire émerger cette unité, qui rend plus opérante et efficace, l’action du

123 L. PÉCAUT-RIVOLIER et Y. STRUILLOU, « Chronique des jurisprudences sur la représentation du personnel (2e

trimestre 2009) », SSL 2009, n° 1419.

124 J. SAVATIER, « La désignation des représentants du personnel au Comité d’hygiène, de sécurité et des

conditions de travail », Dr. soc., 1988, p. 297.

125 RJS 8-9/09, n° 728 : obs. sous Cass. soc., 17 juin 2009, n° 08-60.438. 126 C. trav., art. L. 4613-1.

127 C. trav., art. L. 4612-13.

128 C. trav., art. L. 4612-8 : « Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant

toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l’outillage, d’un changement de produit ou de l’organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail ».

129 C. trav., art. L. 2323-6 : « Le comité d’entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant

l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle ».

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CHSCT.

Par conséquent, l’identité, quoique critiquée par certains, nous semble une voie heureuse, pour laquelle a opté la jurisprudence, d’autant qu’elle s’avère être un préalable à une fusion souhaitable des comités d’établissement et des CHSCT.

80. L’identité, un préalable à la fusion d’institutions. – Puisque comité d’établissement et CHSCT entretiennent de nombreux rapports, et puisque la Cour de cassation va même jusqu’à aligner leurs périmètres d’organisation, la fusion du second avec le premier pourrait être un remède au « mille-feuille » d’institutions représentatives du personnel. Le CHSCT deviendrait une section du comité d’établissement, spécialisée dans les questions d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail. De sorte que la représentation du personnel en la matière s’en trouverait plus lisible tant pour l’employeur que pour le salarié, plus efficace car centralisée au sein d’une seule institution, et moins onéreuse eu égard, notamment au coût des expertises qui deviendraient unifiées131. Au législateur devrait toutefois incomber la tâche de la refondation de ces institutions et de leur fusion.

81. Partant du constat que le CHSCT a vu ses compétences graduellement augmenter au fil du temps, devenant un concurrent direct du comité d’entreprise tout en empiétant sur ses propres attributions et que par là-même, le droit s’est complexifié, Messieurs les Professeurs Teyssié, Cesaro et Martinon préconisent une fusion du premier avec le second132. Celle-ci

donnerait naissance à la « commission santé et sécurité », qui serait une commission spécialisée au sein même du comité d’entreprise ou d’établissement133.

82. Pourtant, nonobstant l’affirmation d’une identité des périmètres, la Cour de cassation a, en même temps, ouvert la voie à une kyrielle de cadres d’implantation alternatifs du CHSCT (2), amoindrissant le principe simplificateur d’une identité de périmètres, qu’elle avait pourtant posé.