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Le devenir du périmètre du délégué du personnel 55

PARTIE II. – L’ACTION DES INSTITUTIONS REPRÉSENTATIVES DU

Section 1. – L’abondance de définitions de l’établissement distinct 14

B) L’unification entamée des périmètres des délégués 44

2) Le devenir du périmètre du délégué du personnel 55

131. Duo de définitions. – De l’ensemble de ce mouvement d’uniformisation, deux définitions de l’établissement distinct se dégagent. L’une, caractérisant l’établissement distinct en vue de l’élection d’un comité d’établissement, est fondée sur un triptyque de critères, dont celui de l’autonomie de gestion222. La même définition est, en principe,

appliquée au CHSCT, au délégué syndical et au représentant de la section syndicale. Trois institutions partagent donc une même définition, qui simplifie leurs périmètres d’organisation, sans pour autant, nuire à leurs attributions. L’autre, qui dépeint l’établissement distinct permettant l’élection de délégués du personnel, est concentrée sur le critère de la communauté de travail223.

221 « Cette même définition pourrait être utilisée en présence d’un représentant de section syndicale, celui-ci

partageant avec celui-là la même mission » (E. Jeansen, « Dérogation au périmètre de désignation du délégué syndical, la fin des petits pas ? », JCP S 2012, 1541).

222 CE, 27 juin 2001, Fédération CGT du secteur financier, n° 215970 : RJS 11/01, n° 1307. Trois critères sont

exigés : une autonomie de gestion, une implantation géographique distincte, et une stabilité de l’activité.

223 Cass. soc., 29 janv. 2003, n° 01-60.628, Bull. civ. 2003, V, n° 30, p. 27 : RJS 4/03, n° 479. Selon cette

décision, « l’établissement distinct permettant l’élection de délégués du personnel se caractérise par le regroupement d’au moins onze salariés constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptible de générer des réclamations communes et spécifiques et travaillant sous la direction d’un

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132. Fusion de définitions ? – Dans ce rassemblement de notions, celle définie au sens des délégués du personnel demeure, esseulée. Or, si le juge judiciaire avait, jusqu’alors, compétence en matière de reconnaissance de l’établissement distinct au sens des délégués du personnel, celle-ci a néanmoins été transférée au juge administratif, depuis l’ordonnance 1er décembre 2005224. Selon le professeur Teyssié, « il est vraisemblable que [le juge administratif] reprendra, pour l’identification des établissements distincts en vue de l’élection des délégués du personnel, l’essentiel – mais pas nécessairement la totalité des analyses de la Cour de cassation »225.

133. Mais il est également envisageable que ce changement de compétence ait des incidences sur la notion d’établissement distinct : le juge administratif pourrait ainsi retenir une définition différente de celle établie, précédemment, par la Cour de cassation. Le Conseil d’Etat préférerait peut-être, rapprocher la définition de l’établissement distinct en vue de l’élection des délégués du personnel, de celle permettant l’organisation d’un comité d’établissement. En ce cas, est-il concevable que soit poursuivie l’unification des périmètres, en calquant celui des délégués du personnel sur celui du comité d’établissement ? Le concept d’établissement distinct serait alors complètement vidé de tout caractère fonctionnel et relatif. L’unification totale des périmètres serait finalement accomplie.

134. Attractive, l’idée n’en demeure pas moins difficilement envisageable, en l’état de la jurisprudence, et ce pour quelques raisons. Si le CHSCT et les délégués syndicaux ont une condition d’effectif commune avec le comité d’établissement, tel n’est pas le cas du délégué du personnel226. Il pourrait être argué qu’un alignement du périmètre du délégué syndical sur celui du comité d’établissement a été fait, en dépit d’obstacles qui ne le permettaient pas, en apparence227. Ce serait, cependant, oublier la nécessité de mettre la désignation des délégués syndicaux en conformité tant avec la loi du 20 août 2008, qu’avec le principe de concordance.

représentant de l’employeur, peu important que celui-ci ait le pouvoir de se prononcer sur ces réclamations ».

224 Ordonnance n° 2005-1478 du 1er décembre 2005 de simplification du droit dans le domaine des élections aux

institutions représentatives du personnel : JO, 2 déc. 2005, p. 18641.

225 B. TEYSSIÉ, Droit du travail Relations collectives, LexisNexis, 8e éd., 2012, p. 125, n° 223.

226 « Au moins cinquante salariés » doivent être présents dans l’établissement pour mettre en place un CHSCT

(C. trav., art. L. 4611-1, al. 1er), ou désigner des délégués syndicaux (C. trav., art. L. 2143-3, al. 1er). À l’inverse,

les délégués du personnel sont élus dans des les établissements occupant « au moins onze salariés » (C. trav., art. L. 2312-1).

227 Quelques uns d’entre eux peuvent être rappelés : la différence de conditions d’effectif entre le comité

d’établissement et les délégués syndicaux, l’absence de communauté de travail dans la définition de l’établissement distinct au sens du comité d’établissement, ou la différence de missions des deux institutions. Mais ces obstacles ont été levés par des motifs impérieux, ceux du nécessaire respect de la loi du 20 août 2008 et de la prise en compte du principe de concordance.

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De sorte que les obstacles ont été levés par la jurisprudence, s’agissant des délégués syndicaux. De tels motifs n’existent pas, en ce qui concerne les délégués du personnel, d’autant que d’autres difficultés se font jour. Car, si un alignement du périmètre du délégué du personnel avec celui du comité d’établissement était souhaité, encore faudrait-il faire évoluer la définition de ce-dernier. En effet, la notion d’établissement distinct au sens du comité d’établissement est focalisée sur l’autonomie de gestion, sans qu’aucune communauté de travail ne soit exigée. Or, la présence d’une communauté de travail est un élément consubstantiel à la notion même de délégué du personnel : l’omettre, c’est faire fi de ses missions de représentation des salariés dans l’entreprise.

135. L’injection du critère de la communauté de travail, dans la définition de l’établissement distinct au sens du comité d’établissement, permettrait, alors, de calquer le périmètre du délégué du personnel sur celui du comité d’établissement228. Mais, à supposer qu’un tel ajout est fait à la notion d’établissement distinct au sens du comité d’établissement, comment pallier le déficit de proximité du délégué avec les salariés, qui en découlera ? En effet, le cadre d’organisation du comité d’établissement étant plus large que celui des délégués du personnel, ceux-ci perdront mécaniquement le cadre – plus réduit – dont ils bénéficiaient jusqu’alors, ce qui pourrait nuire à leurs missions de proximité. Le rôle des délégués serait même dénaturé. La solution serait alors d’augmenter le nombre légal de délégués du personnel : il y en aurait plus dans le ressort de l’établissement distinct au sens du comité d’établissement, donc ceux-ci seraient à nouveau plus proches des salariés. Encore faudrait-il une intervention du législateur, sur ce thème.

136. Par conséquent, si tous les obstacles sus évoqués étaient levés, la poursuite de l’unification aux délégués du personnel serait possible. Risquée, celle-ci nécessiterait, comme cela a été précisé, de profonds changements. Au juge administratif, dorénavant, d’en décider.

137. De la définition à la reconnaissance. – Définir l’établissement distinct n’est qu’une première étape : il ne s’agit que de tracer le croquis d’un espace dans lequel s’épanouiront les institutions représentatives du personnel. La matérialisation de cette ébauche passe donc par la reconnaissance de l’établissement distinct (Section 2).