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Gouvernance des régimes de retraite - Synthèse des travaux et implications

3.1 Recommandations de meilleurs pratiques

Plutôt que de procéder par une analyse quantitative des caractéristiques observables de régimes de retraite très performants, l’approche méthodologique adoptée par Clark et Urwin a pour objectif d’isoler ces facteurs de manière qualitative, en se basant sur des études de cas. Dans une de ces études, revenant sur des entretiens réalisés avec des chef de la direction ou chef des placements de dix fonds géographiquement dispersés avec des tailles d’actifs oscillant entre 5 milliards $ à 410 milliards $ et ayant établi leur réputation d’excellence en matière de gouvernance à travers le secteur, le professeur Clark a déterminé ce qu'il considère être 12 facteurs soutenant les meilleures pratiques. Celles-ci sont organisées en trois grands principes de (a) cohérence organisationnelle, (b) personnes impliquées dans la prise de décision et (c) processus décisionnel.

Cette section du rapport présente un aperçu des recherches du professeur Clark portant sur les principes de bonne gouvernance. Outre la pertinence évidente de sa recherche, laquelle isole des principes généraux de bonne gouvernance, son ouvrage introduit la notion d’un « budget de gouvernance » que nous avons trouvé particulièrement utile comme cadre pour orienter nos réflexions et ultimement organiser nos recommandations.

Il convient de noter d’emblée que cette notion de « budget de gouvernance » doit être interprétée dans un sens large comme étant « la capacité de générer de la valeur par des actions efficaces à l’intérieur du périmètre des tâches et fonctions définies par l'institution ».

Dans les sections précédentes, la revue de littérature relative à la gouvernance identifie quatre défis spécifiques rencontrés en la matière par les régimes de retraite. Avant d’exposer les facteurs de meilleures pratiques de Clark, il convient de passer ces défis en revue:

a. Accent mis sur la gestion des risques. Les régimes de retraite opèrent évidemment sur les marchés mondiaux, lesquels sont caractérisés par la présence de risque et

46 d'incertitudes. Le défi pour les régimes de retraite consiste à adopter des techniques qualitatives et quantitatives de manière innovante afin de gérer efficacement ces risques.

b. L’horizon temporel. Les perspectives à long terme doivent nonobstant faire place à une certaine dose de flexibilité et d’opportunisme.

c. Alignement des décisions à une mission claire. Ce défi est particulièrement aiguë où il y a une grande variété de parties prenantes impliquées.

d. La gestion efficace des agents externes. Les régimes de retraite font appel à des gestionnaires externes issus d’un grand bassin de candidats et dont les compétences sont difficiles à évaluer.

En ce qui concerne la cohérence institutionnelle, le défi consiste à faire correspondre une structure institutionnelle héritée d’une configuration préalable de différentes parties prenantes avec les intérêts à long terme des bénéficiaires. À cette fin, la meilleure pratique consiste à:

1. Obtenir de la clarté dans la mission de la caisse de retraite ainsi que l'engagement des parties prenantes envers celle-ci. Les règles d'or (par exemple : de maximiser les rendements) doivent être interprétés à travers le prisme d’objectifs opérationnels acceptés tels que le rendement prévu sous certains paramètres de risque convenus;

2. L’emploi d’une fonction d'investissement hautement compétente avec des responsabilités clairement définies mises en lien avec l'énoncé de mission ainsi qu’une imputabilité claire envers l'institution. Les objectifs de performance ainsi que les mesures incitatives reliées à la fonction d'investissement devraient être clairement délimitées.

3. Un engagement à octroyer à chaque composante de la chaîne de gouvernance et du processus d'investissement un budget de temps et de ressources opportun. Ces ressources ne devraient pas être considérées comme un coût, mais bien comme un investissement favorisant la cohérence du plan.

L'importance du capital humain comme élément essentiel d’une bonne gouvernance est invariablement soulignée. Toutefois, les institutions diffèrent considérablement en ce qui a trait à leur capacité de bien sélectionner les fiduciaires et retenir les services d’employés d’une grande compétence. Les facteurs jouant sur la qualité de la gouvernance, toujours selon Clark, comprennent les suivants:

47 4. Le leadership a un fort impact sur la performance de l’institution, tel que manifesté au niveau du conseil d'administration jusqu’à l'exécution des tâches déléguées. Un leadership d’une telle profondeur cultive une responsabilisation et une imputabilité dans la chaine de gouvernance;

5. Les collègues choisis par le comité de retraite devraient posséder trois qualités:

compétences arithmétiques, pensée logique, et capacité de penser en termes de probabilités dans le domaine du risque. Une grande disparité des capacités peut avoir des effets négatifs sur le processus décisionnel. Des politiques de ressources humaines peuvent possiblement être adaptés pour répondre à ce défi.

6. Les politiques de rémunération efficaces peuvent être adoptées et utilisées ensuite pour renforcer les capacités et arrimer les actions à la mission, avec différentes stratégies possibles en fonction du contexte du fonds. Les compétences issues de l’interne devraient être récompensées de manière appropriée.

Un bon degré de cohérence institutionnelle et la présence de personnes capables de réaliser la mission du fonds sont des conditions importantes pour le succès de la gouvernance. Ces conditions peuvent être difficiles à rassembler, mais le processus de prise de décisions d'investissement peut dans une certaine mesure pallier aux lacunes dans ces domaines. En termes de processus d’investissement, les facteurs soutenant les meilleures pratiques comprennent:

7. La détermination d'une politique d'investissement guidant le processus de prise de décision laquelle est alignée aux objectifs opérationnels et bénéficie d’un large appui dans le fonds. Dans la mesure du possible, cette politique d'investissement devrait refléter les avantages et désavantages comparatifs de l’institution.

8. La politique d'investissement doit être accompagnée d’un budget pour l’analyse de risque intégrant une analyse quantitative suffisante pour aider le processus de prise de décision. Les gestionnaires externes doivent être choisis et évalués selon des mandats spécifiques avec des objectifs clairement définis.

9. La politique d'investissement concilie les exigences continues (« en temps réel ») des marchés financiers avec des procédures de gouvernance calendaires (rencontres mensuelles, etc.). Sous la supervision du comité de retraite, les sous-comités devraient suivre les perturbations du marché et y réagir en temps opportun.

10. Les décisions d'investissement ont lieu dans une culture d’apprentissage qui encourage le changement et remet en question les hypothèses actuelles de l'industrie. Il y a une valeur ajoutée à du changement qui se produit par le biais d’innovations et de croissance des connaissances.

L’ensemble de ces recommandations visant à mettre en place les meilleures pratiques de gouvernance au sein des régimes de retraite doit être vu comme reflétant une aspiration ou une ambition. En effet, Clark et Urwin soulignent que peu de caisses de retraite qu’ils

48 ont étudiées affichent toutes ces caractéristiques. Le défi pour un régime de retraite est donc d’aller au-delà de ces objectifs et de les mettre en œuvre.

Dans leurs recherches, Clark et Urwin identifient trois types de structure de caisses de retraite et de structure organisationnelle. La forme la plus simple (de type I) est celle où le conseil prend des décisions avec l'appui d'un consultant et des fournisseurs de services externes. Pour de telles caisses, il peut s’avérer difficile d’adopter l'ensemble des critères de meilleures pratiques décrits ci-haut. Dans le cas d’une version plus sophistiquée de structure de caisse (soit de Type II), un sous-comité chargé de l'investissement joue rôle plus important en débattant fréquemment de décisions d'investissement, lesquelles sont par la suite amenées au comité pour décision. Pour s’aligner aux meilleures pratiques, le défi pour ce type de structure est de trouver des membres ayant les compétences requises pour former un sous-comité d’investissement agile et efficace. La structure de type III implique principalement la prise de décision en temps réel à l’interne et ne convient que pour les fonds de taille considérable.

Dans son aperçu des procédures de gouvernance, Clark et Urwin explorent certains aspects plus précis de la performance des comités de retraite et sous-comités d'investissement. Il en ressort que les comités fonctionnent idéalement avec 6 à 8 membres aux mandats (révisables) de 3 ans. Dans ces conditions, le comité de retraite bénéficie d’une mémoire organisationnelle, ce qui suggère que les longues affectations sur le comité soient souhaitables. La participation aux comités actifs devrait être reconnue et possiblement rémunérée. Finalement, il ressort également de son analyse qu’il devrait y avoir un examen annuel de la performance des membres du comité de retraite.