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Volet C Points de vue

Section 5 Analyse qualitative d’opinions émises par des acteurs du monde des régimes de retraite québécois

5.1 Contexte : encadrement juridique

Notre analyse qualitative de la gouvernance des caisses de retraite est effectuée dans le contexte québécois, lequel est régi par la Loi sur les régimes complémentaires de retraite.

Le chapitre X1 de la loi (administration d’un régime) précise les paramètres de la gouvernance des régimes ainsi que ceux de la gestion des placements.

Essentiellement, selon la loi québécoise, un régime de retraite doit être administré par un comité de retraite composé d’au moins 1) un membre représentant les participants actifs du régime, 2) un membre représentant les participants non actifs et bénéficiaires et 3) un membre indépendant (non lié au régime). La loi souligne que le comité de retraite joue un rôle de fiduciaire. Par conséquent, les membres du comité de retraite doivent agir avec diligence, prudence et compétence en toute honnêteté dans l’intérêt des participants et bénéficiaires du régime. Aussi, les fiduciaires se doivent d’utiliser les compétences qu’ils

74 pourraient posséder dans l’accomplissement de leur devoir. Le fiduciaire se doit également d’agir avec prudence lorsqu’il fait appel à un expert. La durée du mandat d’un fiduciaire est de trois, durée au-delà de laquelle son mandat peut être renouvelé.

La loi stipule que le comité de retraite doit définir un règlement dictant ses procédures et ses méthodes de gouvernance. Ce règlement doit décrire les rôles et responsabilités des fiduciaires ; la déontologie du comité ; les procédures de désignation des postes clefs de présidence et autre ; le déroulement et la fréquence des réunions ; les procédures de formation des fiduciaires ; la gestion du risque ; les documents à produire ; les mesures de sélection, rémunération et contrôle des intervenants externes ; ainsi que les différentes normes relatives à la communication avec les bénéficiaires. Le comité de retraite peut déléguer ses responsabilités à des prestataires de services ou/et à toute autre personne choisie. Les délégataires sont sujets aux mêmes réglementations que les fiduciaires. Les délégataires se doivent de faire des rapports réguliers aux fiduciaires et ne sont pas responsables des conséquences d’événements survenus alors que ces derniers en avaient informé les fiduciaires. Tous les membres du comité sont responsables des décisions prises, qu’ils soient présents ou non lors de la prise de décision, à moins qu’ils n’aient ouvertement exprimé leur désaccord.

Les fiduciaires doivent informer les autres membres du comité de tout conflit d’intérêt pouvant compromettre la conduite de leurs fonctions. Ces conflits doivent être documentés. Les fiduciaires ne reçoivent pas de salaire pour leur fonction. Cela étant dit, les dépenses encourues dans la poursuite de leurs fonctions sont prises en charge par le fond de pension. Finalement, seul le comité de retraite, les délégataires ou les participants au fond (dans certains cas) peuvent décider des choix d’allocation des actifs du fond. Les choix d’investissement se doivent d’être en accord avec les politiques de gestion d’actif du régime. D’autres exigences de reddition des comptes auprès des participants et bénéficiaires sont également prévues dans la loi.

D’un point de vue de gouvernance des régimes de retraite, la législation québécoise contraste fortement avec la législation ontarienne. En effet, alors que la loi québécoise mentionne expressément que le régime est administré par un comité de retraite, la loi ontarienne spécifie qu’un régime de retraite est admissible à l’enregistrement si il est administré par un administrateur qui peut être un comité de retraite représentant l’employeur et les membres du régime mais qui peut également être un employeur seul ou un groupe d’employeurs (régime multi-employeurs), une société d’assurance, un comité de retraite représentant les membres du régime, une entité désignée par l’assemblée législative ou une personne désignée expressément par le Superintendant responsable de l’application de la loi (Pension Benefit Act R.S.O. 1990, Chapter P.8).

75 Le contraste est également important avec la législation fédérale. En effet, l’article 6. (1) de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension (L.R.C. (1985), ch. 32 (2e suppl) mentionne que « L’administrateur d’un régime de pension est :

a) dans le cas d’un régime interentreprises institué en application d’une ou de plusieurs conventions collectives, l’organe de gestion constitué, conformément aux dispositions du régime de pension ou de cette ou ces conventions collectives, pour gérer le régime;

b) dans le cas de tout autre régime interentreprises, le comité des pensions constitué, conformément aux dispositions du régime de pension et à l’article 6.1, pour gérer le régime;

c) dans le cas de tout autre régime de pension, l’organe de gestion désigné dans le régime de pension ou dans la convention collective par les parties liées par une convention collective ou, à défaut, l’employeur. »

Par conséquent, selon la législation fédérale, la gouvernance des régimes de retraite mis sur pied par des entreprises ayant un régime de retraite et des employés non couverts par une convention collective est à la discrétion de la direction de l’entreprise.

Par conséquent, il faudra garder à l’esprit ces différences dans toute interprétation et extension de nos analyses quantitative et qualitative.

5.2 Méthodologie

Le volet qualitatif de notre analyse repose sur une série d’entretiens réalisées avec différents acteurs du monde des régimes de retraite : membres de comités de retraite, actuaires, gestionnaires de portefeuille, conseillers financiers experts, professionnels de la gestion de régime de retraite. L’objectif principal visé par ces entretiens est de mieux comprendre le processus de prise de décision au sein des comités de retraite, notamment en matière de gestion de portefeuille. En d’autres termes, à défaut d’observer directement des rencontres de comités de régimes de retraite, il s’agit d’inférer la face cachée de leur gouvernance à partir d’opinions, commentaires et remarques effectués par des participants à ces débats. Un second objectif est de mieux comprendre comment les caisses de retraite ont fait face aux enjeux institutionnels et socio-économiques qui ont marqué le début du XXIième siècle.

À cet effet, et dans l’esprit de recherches antérieures poursuivant des buts similaires, une grille d’entretien semi-structuré fut élaborée (voir annexe 1) (Campbell et Magnan, 2014;

St-Onge, Magnan, Raymond et Thorne, 2001).

76 Au total, 28 personnes ont été rencontrées (voir annexe 2). Tous les entretiens ont été réalisés par deux ou trois membres de l’équipe de recherche et ont duré en général environ 60 minutes, certains entretiens allant même jusqu’à deux heures. La plupart des entretiens ont été enregistrés et des notes ont été systématiquement prises pour toutes les rencontres. La synthèse des entretiens ainsi que les points de réflexion qui suivent résultent d’une comparaison des notes prises par les membres de l’équipe de recherche ainsi que d’une réécoute des entretiens. Les personnes rencontrées ont en général une grande expérience dans le domaine et occupent des postes décisionnels au sein de leurs organisations respectives. Toutes ont eu une interface avec des comités de régime de retraite, directement en tant que membres du comité ou professionnels de la gestion des caisses, et indirectement en tant que conseiller, consultant, représentant syndical, etc.