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Composition du comité de retraite : indépendance des fiduciaires Aperçu

Gouvernance des régimes de retraite - Synthèse des travaux et implications

2.3 Composition du comité de retraite : indépendance des fiduciaires Aperçu

Le processus de sélection des fiduciaires comporte plusieurs lacunes car ces derniers ne sont souvent pas choisis pour leur compétence à remplir leur rôle mais pour leur affiliation aux parties prenantes. Cette faiblesse dans le processus peut entraîner l’émergence de conflits d’intérêts.

Références principales : (24), (25), (28) Références secondaires : (2), (29) Synthèse

Les fiduciaires ne sont souvent pas sélectionnés pour leur expertise ou leur compétence à remplir leur rôle mais pour leur affiliation aux parties prenantes. Alors que ce système de sélection peut dans certains cas aider à aligner les intérêts des parties prenantes et ceux du régime, il peut aussi donner souvent lieu à des conflits d’intérêts qui nuisent à la gestion efficiente des actifs. En effet, la revue de littérature d’Ambachtsheer (2007) montre qu’il est essentiel que les membres du conseil soient motivés par l’accomplissement du bien public et non par d’autres intérêts personnels.

36 La nature des conflits d’intérêts est différente en fonction de la structure du régime. En effet, dans le cadre de régimes de retraite à prestations déterminées, les conflits d’intérêts surgissent entre les fiduciaires affiliés aux promoteurs et les bénéficiaires. Dans l’étude de Monk (2009), 34 % des experts pensent que la détermination des objectifs du régime est difficile en raison notamment des divergences entre les intérêts des fiduciaires, qui ont pour rôle de sécuriser les prestations des bénéficiaires, et ceux des promoteurs dont les incitatifs sont liés à la réduction de leurs cotisations au régime. L’auteur souligne que l’influence de facteurs externes (promoteurs, politiques) peut corrompre le processus décisionnel lié à l’allocation des actifs du régime. Ensuite, par l’intermédiaire d’un rapport publié par l’OCDE, Stewart et Yermo (2009) font ressortir un problème de conflit d’intérêts entre les fiduciaires, les promoteurs et les bénéficiaires. Les auteurs donnent l’exemple de la présence dans le comité de retraite d’un fiduciaire initié occupant le poste de directeur financier du promoteur. Ils contrastent cet exemple avec celui de la présence d’un fiduciaire représentant d’employés qui, en général, cherchera à mieux aligner les objectifs du conseil et ceux des bénéficiaires, facilitera la transmission d’informations aux membres et poussera les membres du comité à prendre plus de responsabilités à l’égard de leurs décisions. Cependant, la présence de fiduciaires représentants d’employés peut aussi avoir des effets négatifs. En effet, ces derniers peuvent manquer d’expertise rendant leur rôle difficile, ou peuvent avoir tendance à promouvoir les intérêts des bénéficiaires au point où cela devient inefficient (ex. : approche de placement trop conservatrice, augmentation des cotisations). Nguyen, Tan et Cam (2012) soulignent que la gouvernance des régimes de retraite est souvent inadéquate en raison de la présence de conflits d’agence importants. En effet, les auteurs examinent la relation entre la gouvernance, les frais de gestion et la performance des régimes de retraite du secteur privé australien et expliquent que les conflits d’agence présents dans le cas des comités de retraite sont la conséquence de la faible indépendance des membres qui les constituent.

Les auteurs notent également le manque de transparence et de divulgation de l’information pour les régimes de retraite recensés dans leur étude.

Au sein des régimes de retraite à cotisations déterminées, des conflits d’intérêts peuvent exister lorsque le comité de retraite est composé de membres associés au promoteur du régime. Dans ce cas, le comité de retraite tend à être motivé par des objectifs commerciaux et des performances à court terme, à l’encontre des préférences des bénéficiaires (Sy, 2009).

37 2.4 Compétences des fiduciaires

Aperçu

Tout comme en gouvernance d’entreprise, les compétences et l’expertise des fiduciaires constituent des enjeux importants de la gouvernance des régimes de retraite. En effet, il ressort de plusieurs travaux que le manque d’expertise des fiduciaires influence, dans un premier temps, la définition des stratégies d’investissement et, dans un second temps, la performance même des régimes.

Références principales : (10), (21), (24), (28), (33) Références secondaires : (3), (8), (9), (18), (29) Synthèse

Les attributs des fiduciaires ont également leur importance en matière de gouvernance.

Par exemple, certains pays imposent ou suggèrent l’exclusion d’individus des comités de retraite pour des raisons de passif légal, pénal ou même commercial (entreprise ayant déclaré faillite alors que la personne y occupait un poste important) ainsi que pour des raisons liées à l’expertise, aux compétences et au niveau de formation des fiduciaires (Stewart et Yermo, 2009). En effet, Ambachtsheer (2007) suggère qu’il est essentiel que les fiduciaires soient dotés des compétences nécessaires pour bien assumer leur rôle, ce qui comprend, entre autres, la capacité à penser de manière stratégique et à apporter des expertises pertinentes. Johnson (2009) affirme que les régimes les plus performants ont des comités de retraite possédant des compétences et des connaissances pertinentes, une culture d’auto-amélioration et une compréhension claire de la mission. Monk (2009) considère également que la connaissance du milieu des affaires par les fiduciaires peut permettre l’allocation des actifs du régime dans des investissements aux rendements efficients.

Dans le cadre d’une expérimentation, Clark (2007) compare des fiduciaires de régime de retraite à prestations déterminées britanniques et des étudiants universitaires. Le but qu’il vise est de comprendre si les fiduciaires font preuve de cohérence dans l’exercice de leur jugement relativement aux décisions prises dans le cas de problèmes liés à leurs rôles et responsabilités. Il rapporte que le niveau d’éducation et les qualifications professionnelles des fiduciaires influencent la cohérence de ces derniers dans leur prise de décision. En outre, comparativement aux étudiants, ces fiduciaires sont plus à même de résoudre un problème demandant des connaissances spécifiques liées à leurs rôles et responsabilités.

Cependant, il semble que le manque de compétences et d’expertise des fiduciaires attribuable à un système de sélection inefficace soit un enjeu important de la gouvernance des régimes de retraite. En effet, dans son analyse portant sur l’évolution de la

38 gouvernance des régimes de retraite entre 1997 et 2005, Ambachtsheer (2008) affirme que la compétence des membres des comités de retraite semble toujours poser problème, ce qui donne lieu à de nombreuses inefficiences au sein des régimes. Dans le but d’évaluer l’impact du manque de compétences des fiduciaires, Clark (2006) analyse la relation entre les caractéristiques des fiduciaires et leurs décisions concernant des stratégies d’investissement adoptées pour des régimes de retraite britanniques à prestations déterminées. Il compare 40 fiduciaires à des étudiants en gestion à Oxford quant à leur capacité à actualiser le futur, leur aversion au risque, leur raisonnement par probabilité et leur utilisation efficiente de l’information. Il constate que les fiduciaires n’ont pas de compétences supérieures aux étudiants d’Oxford qui leur permettraient de résoudre les problèmes de manière plus efficace. En effet, il trouve que les fiduciaires ne sont pas capables d’actualiser un investissement de manière correcte, n’ont pas la capacité de raisonner en utilisant des probabilités et ne font pas preuve d’une utilisation efficiente de l’information présente afin de prendre des décisions. Il conclut qu’il semble que les fiduciaires ne soient pas nommés pour leurs compétences en termes d’investissement. Weststar (2007), quant à lui, conduit des entrevues avec des fiduciaires représentants d’employés au Canada. Il souligne que les fiduciaires syndiqués font davantage appel à leurs compétences personnelles (« soft skills ») qu’à leur expertise qui est souvent limitée lors des prises de décisions.

Ces résultats, et l’inefficacité de la gouvernance qui en résulte, sont cohérents avec le fait que les fiduciaires sont souvent sélectionnés pour leur affiliation à des parties prenantes plutôt que pour leur capacité à remplir leur rôle (Yermo et Stewart, 2009). Par exemple, Harper (2008) expose que les fiduciaires de régimes du secteur public américain sont en général élus par les bénéficiaires ou nommés par le promoteur ou encore choisis pour la position qu’ils occupent au sein des pouvoirs publics (ex : maire, directeur financier de la Ville). En Australie, Sy (2009) rapporte que les fiduciaires de régimes sont en majorité (de 59 % à 75 %) issus de parties prenantes (promoteurs, membres, bénéficiaires) et en minorité issus du gouvernement ou de syndicats. L’article de Clark (2009) rejoint ce point. En effet, des entretiens avec des acteurs dans le milieu lui confirment que, dans plusieurs régimes (la majorité), la plupart des comités et des fiduciaires sont choisis pour des raisons liées à la représentation des parties prenantes au sein du comité de retraite, sans égard à l’expertise requise pour satisfaire aux besoins du régime. Dans le cadre de l’étude de Weststar (2007), qui s’intéresse aux fiduciaires représentants des syndicats, la majorité des fiduciaires sont nommés par les leaders des syndicats. Ces derniers rapportent que peu de leurs représentants comme fiduciaires ont au départ les qualités requises pour remplir leur rôle.

Monk (2009) évalue l’efficacité du système de gouvernance des régimes de retraite aux États-Unis au moyen d’un questionnaire distribué à 1 266 experts. Parmi les experts

39 sondés, 43 % rapportent que la gouvernance des régimes n’est pas adaptée car les fiduciaires ne sont pas sélectionnés pour leurs compétences en gestion de placements, ce qui compromet l’efficacité des décisions d’investissement. Les études de cas qu’il conduit ensuite montrent que le manque de compétences des fiduciaires peut entraîner des changements dramatiques dans les stratégies d’investissement des régimes. En effet, la crise de 2000-2002 a donné lieu à des pertes colossales pour les régimes de retraite américains et a eu des implications sur leur environnement économique. En réaction à la crise, on a observé une réallocation des actifs de certains régimes d’actions vers d’autres instruments financiers. Certains se sont tournés vers des investissements peu risqués (obligations) en partie motivés par l’incapacité des fiduciaires à mettre en œuvre des stratégies basées sur la construction de portefeuilles complexes. D’autres se sont tournés vers des actifs alternatifs comme les fonds de couverture (« hedge funds ») afin de tenter de combler l’écart laissé par les pertes à la suite de la crise. La crise de 2008, quant à elle, a poussé les fiduciaires à se questionner sur leurs stratégies d’investissement dans les fonds spéculatifs. En effet, certains se sont dirigés vers des investissements moins risqués (obligations), assumant que les pertes seraient couvertes par les promoteurs des régimes.

Ce problème d’expertise est accentué par un manque de définition des besoins en formation, un manque d’évaluation de la capacité des fiduciaires à atteindre les objectifs du régime et l’absence de plans d’amélioration. Ces lacunes mènent à un manque de compréhension des fiduciaires à l’égard des conseils qu’ils reçoivent d’experts externes, ce qui limite leur capacité à remettre en question la pertinence de ces intervenants (Stewart et Yermo, 2009). Ici, Weststar (2007) rapporte que même si des formations de base (comptabilité, investissements, actuariat) sont offertes aux fiduciaires, elles ne sont souvent pas adaptées à leurs besoins car insuffisantes et trop générales. Cela étant dit, l’auteur souligne qu’il existe des formations indépendantes que les fiduciaires peuvent décider de suivre eux-mêmes et à leur coût. Cependant, ces derniers ne sont souvent pas motivés à se former car ils estiment qu’ils sont peu rémunérés pour leur rôle. Ensuite, les fiduciaires interrogés par Weststar (2007) soulèvent un besoin de mise en place de formations continues, personnalisées à chaque type de fiduciaire, permettant d’améliorer l’esprit critique des individus. Les fiduciaires issus de syndicats expliquent que ces formations leur permettraient d’augmenter leur participation au comité de retraite en mettant de l’avant et en reliant les objectifs des syndicats qu’ils représentent. De plus, Weststar (2007) rapporte qu’un système de réseau favorisant les liens entre les fiduciaires de régimes différents (ex. : système de mentorat) permettrait aux fiduciaires d’augmenter leur confiance et leurs compétences concernant les décisions qu’ils prennent. Ce système permettrait de réduire certaines lacunes liées à l’expertise et à l’expérience des fiduciaires.

40 2.5 Leadership, style de prise de décision, collégialité

Aperçu

La littérature en gouvernance des régimes de retraite indique qu’un leadership affirmé du président du comité de retraite est essentiel afin de mieux calibrer les pratiques de gestion et de gouvernance avec les objectifs du régime.

Références principales (8), (11), (12), (34) Références secondaires : (33)

Synthèse

Plusieurs auteurs avancent que des qualités de leadership, et plus spécifiquement un leadership affirmé du président du comité de retraite, sont essentielles afin d’aligner les pratiques de gestion et de gouvernance (Woods, 2010). En effet, Clark (2006) rapporte que les fiduciaires ne partagent pas de méthodes communes et cohérentes lors de la résolution de problèmes liés à l’investissement, alors que les prises de décisions dans le cadre des régimes de retraite doivent se faire de manière collective.

Clark (2008b) examine les dynamiques liées au leadership et aux divergences de styles de décision au moyen d’un questionnaire en ligne envoyé à des membres d’un comité d’investissement d’un régime de retraite aux États-Unis, d’un comité exécutif d’un régime de retraite aux Pays-Bas et d’un comité de retraite d’un régime de retraite en Grande-Bretagne. Il constate que le temps, l’expertise et l’engagement collectif sont des ressources cruciales qui influent sur la qualité de la prise de décision. Ces points définissent le budget de gouvernance du régime. Il conclut que dans de nombreux régimes, différents styles de prise de décision coexistent sans pour autant être reconnus comme étant des contraintes à l’efficacité de la prise de décision. Cela étant dit, l’auteur suggère que l’hétérogénéité des styles de prise de décision peut être une barrière à la prise de décision collective. En conclusion, il affirme que le leadership est un attribut essentiel pour une gouvernance de qualité. Ce dernier se définit par l’application d’expertises et de qualités, de manière à construire un sens d’engagement et de responsabilité collective.

Finalement, certains fiduciaires issus de syndicats estiment que l’expertise en finance n’est pas essentielle à leur rôle car cette dernière peut être apprise sur le terrain (Westar, 2007). Cependant, ces derniers affirment que des habiletés en matière de leadership sont essentielles à leur rôle.

Finalement, Clark (2009) tente de comprendre comment se déroule la prise de décision collective dans les régimes de retraite en utilisant les résultats d’un questionnaire en ligne envoyé à des membres de comités de régimes de retraite publics en Grande-Bretagne, aux États-Unis et aux Pays-Bas. Globalement, les fiduciaires sondés ne font pas entièrement

41 confiance au jugement de leurs collègues. Ainsi, il semble difficile pour les conseils d’arriver à des prises de décisions informées et partagées sans un processus de réconciliation et sans l’intervention active de conseillers et de présidents de conseils compétents et qualifiés. Clark (2009) conclut donc qu’un leadership efficace affecterait de manière positive la performance des régimes et aiderait à harmoniser le processus de prise de décision et à coordonner les différents styles de prise de décision dans le but d’atteindre des objectifs communs.

2.6 Incitatifs financiers et évaluation de la performance