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Chapitre 5 : Discussion

5.3 Recommandations

Cette recherche s’est proposé d’examiner différents aspects de la parentalité de personnes ayant une déficience visuelle. Elle a également abordé les défis, les enjeux et les facteurs d’influence de la parentalité. Prenant appui sur ces éléments, elle propose des recommandations pour des mesures qui pourraient être mises en place au Québec, en vue de favoriser le bien-être de ces parents et de leur famille. Notre recherche vise également à susciter des questionnements susceptibles d’alimenter les futurs projets de recherche, éventuellement inscrits dans une perspective d’intervention. L’attitude générale des participants semble plutôt favorable vis-à-vis de leur parentalité, même s’ils souhaitent bénéficier d’un soutien professionnel plus adéquat. La majorité de ces parents disent détenir les connaissances et les compétences nécessaires à la satisfaction des besoins de leurs enfants. Ce constat émerge également d’écrits récents (Molden, 2014).

Tout d’abord, la diminution des préjugés quant à la parentalité des personnes ayant des incapacités doit reposer sur une orientation éclairée par le Modèle du processus de production du handicap (Fougeyrollas, 2010). Il s’avère important d’agir sur la dimension macrosociale, afin de modifier les stéréotypes à l’égard des PADV. Concrètement, il s’agit d’entreprendre un travail d’éducation, de formation et de sensibilisation du grand public, ce

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qui permettrait une ouverture quant aux compétences parentales des personnes ayant des incapacités.

Ensuite, le modèle d’organisation des services doit être repensé. L’organisation des services regroupe les services à la parentalité6 ou de soutien à la famille au CLSC et dans les centres jeunesse, les centres de la petite enfance, les écoles, les organismes d’action communautaire autonome, entre autres. Par ailleurs, les services de réadaptation sont l’apanage des centres de réadaptation comme l’IRDPQ, ce qui peut être une entrave à la recherche ou à la pratique. Par exemple, plusieurs établissements comme les CLSC ont comme mission de soutenir les parents dans la vie avec leurs enfants. Toutefois, l’offre de services dessert pour l'essentiel des parents sans incapacité et est encore trop souvent inaccessible ou inadaptée en fonction des besoins des parents ayant une incapacité visuelle. Quant aux centres de réadaptation, leur mission principale est l’adaptation, la réadaptation et l’intégration sociale des personnes ayant des incapacités par la dispensation de services. Lorsqu’il est question de parentalité, les intervenants des centres de réadaptation peuvent se sentir peu outillés pour soutenir les parents dans leur rôle parental, puisque les besoins de ces derniers ne sont pas toujours considérés dans l’offre de services. Il serait pertinent d’intégrer les services pour les parents ayant une incapacité visuelle à même les services déjà existants. Ce travail organisationnel pourrait également servir à mobiliser les différents acteurs autour d’un projet visant à favoriser l’intégration sociale de PADV et à soutenir le droit à la parentalité de personnes ayant une déficience visuelle. Il conviendrait également de prévoir des ententes de collaboration entre les différents établissements offrant des services à ces parents. Un tel partenariat pourrait permettre d’améliorer la connaissance qu’ont les différents partenaires des services offerts par les uns et les autres. Actuellement, les besoins sur ce plan sont non comblés. En plus, les PADV manquent d’information quant aux ressources disponibles.

En somme, notre recherche montre que pour répondre à la complexification observée au sein de cette parentalité au Québec, le champ d’action de l’État se retrouve à la croisée des politiques de la santé et des services sociaux et des politiques de la famille. Dans cette perspective, il devient évident que ce n’est pas un seul instrument qui pourra répondre à

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l’ensemble des besoins de ces familles. L’intervention doit intégrer un ensemble d’éléments, qui doivent être conjugués et harmonisés pour mener l’enfant à maturité.

De plus, le fait que plusieurs études démontrent les bienfaits du réseau de soutien formel pour la satisfaction des besoins des enfants appuie certainement l’importance d’accorder à l’accompagnement de cette parentalité les ressources nécessaires. Néanmoins, cet aspect mériterait des recherches plus approfondies, notamment pour produire des données probantes quant aux retombées d’interventions mieux adaptées sur la capacité des PADV à répondre pleinement aux besoins de leurs enfants.

Par ailleurs, il serait inapproprié que la parentalité de personnes ayant une déficience visuelle soit examinée uniquement sous l’angle de services universels et uniformes. Les facteurs influençant la parentalité de PADV sont aussi individuels. Il serait intéressant de prendre en considération les habiletés parentales alternatives développées par les PADV, et ce, à travers des stratégies inédites et adaptées à leur situation. De ce point de vue, il apparaît important d’offrir du soutien « sur-mesure » aux parents ayant des incapacités visuelles afin de renforcer leurs propres mesures de compensation de leur incapacité. Toutes ces interventions spécialisées ont le mérite d’augmenter leur pouvoir d’agir et d’accroitre leur autonomie dans la vie avec leurs enfants.

Il serait aussi pertinent de favoriser la création de lieux d’échange entre pairs pour combler le besoin exprimé par les PADV de partager leur vécu lorsqu’ils font face à des difficultés, sans craindre d’être identifiés comme « une famille à problème ». De plus, il est possible que les relations entretenues avec les pairs apportent quelque chose d’unique comparativement aux autres types de lien, soit l’acceptation, la réciprocité, la normalisation et le sentiment d’appartenance qui sont favorisés lors de la rencontre entre personnes qui partagent une expérience similaire (Mojab, 1999; Rosenblum, Hong & Harris, 2009). Par conséquent, un tel échange pourrait enrichir les expériences parentales en fonction des particularités de chaque personne.

En somme, nous constatons que les PADV veulent être et sont des parents comme les autres. C’est la mobilisation adéquate des ressources pour les soutenir qui pourrait donner aux parents les instruments nécessaires pour répondre aux besoins de leur enfant tout en leur

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permettant de s’épanouir dans la réalisation de leurs tâches. Cependant, la volonté de soutenir toutes les familles québécoises reste un défi qui est présenté dans l’historique du développement de la politique familiale (Conseil de la famille et de l’enfance, 2007).

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