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CHAPITRE 1: contexte théorique

1.3 Les programmes de médiation par les pairs en milieu scolaire

1.3.2 La recherche

Si les programmes de médiation en milieu scolaire sont relativement récents au Québec, leur popularité est établie aux États-Unis puisqu’on y compte actuellement plus de 7,000 projets (Bonafé-Schmitt, 2000). Les chercheurs ont commencé à s’intéresser à ce type d’intervention au début des années 70 avec le «Teaching Students to be Pacemakers Program» (Johnson, 1971; Johnson & Johnson, 1989). Ce programme visait à enseigner à tous les élèves de l’école la nature du conflit et les moyens pour arriver à un règlement satisfaisant. C’est cependant depuis les années 80 que cette approche a connu une popularité croissante principalement aux États-Unis. Au Québec, ce genre de programme a été développé au début des années 90 comme moyen de prévention universelle pour contrer les problèmes de violence en milieu scolaire ( Centre Mariebourg, 1998a, 1998b). Depuis lors, une équipe de chercheurs continue activement d’en évaluer les effets auprès des élèves des écoles québécoises (Bowen et al. 2003; Corriveau, Bowen, Bélanger, & Rondeau, 1995; Rondeau, Bowen, & Bélanger, 1999).

La littérature fait état d’une gamme de recherches sur les effets produits par ces programmes de médiation par les pairs. Bien que certaines d’entre elles se soient appuyées sur des démarches méthodologiques plus solides que d’autres, les résultats tendent à démontrer l’efficacité de cette approche en milieu scolaire. Ces programmes ont fait l’objet d’un très grand nombre d’études visant l’évaluation de l’intervention sous différents aspects. Certaines études ont par exemple démontré que l’intervention était efficace pour réduire le niveau de violence à l’école (Araki, 1990; Hessler, Hollis, & Crowe, 1998), le nombre de suspensions scolaires (Bell, Coleman, Anderson, & Whelan, 2000; Powel, Muir- McClain, & Halasyamani, 1995) et améliorer les habiletés à la résolution de conflits à l’école et à la maison (Burrell & Vogl, 1990, Gentry & Benenson, 1993). Des chercheurs canadiens ont démontré que cette approche était aussi efficace pour améliorer le rendement scolaire chez des adolescents participant à l’intervention (Stevahn, Johnson, Johnson, Laginski, & O’Coin, 1996). D’autres études rapportent que les conflits les plus souvent rencontrés à l’école sont déclenchés par les moqueries, les insultes, l’intimidation, les malentendus, les rumeurs et les disputes entre amis ( Araki, 1990, Johnson & Johnson, 1996; Wolf, 1998). Les garçons seraient surtout impliqués dans les conflits alors que les filles auraient plus souvent recours à l’aide d’un médiateur pour parvenir à une entente (Cuningham, et al., 1998; Hallahan, 1999). Quant aux types de stratégies de règlement de conflits utilisés, Johnson et Johnson (1994, 1995b) ont observé que les enfants plus jeunes manquaient de créativité dans les solutions envisagées, produisant souvent des solutions temporaires (s’excuser, se tenir loin l’un de l’autre, ne plus se parler).

Ces recherches ont certes contribué à apporter des informations susceptibles d’orienter de futures recherches, mais elles comportent toutes d’importantes limites méthodologiques qui ne permettent pas d’évaluer rigoureusement les impacts des programmes de médiation par les pairs. Seulement trois de ces études (Johnson & Johnson, 1995a; Johnson, Johnson, & Dudley, 1992; Stevahn et al., 1996) ont utilisé un groupe témoin mais situé dans la même école que le groupe expérimental. De plus, l’utilisation d’instruments de mesure non standardisés, la durée variable des expérimentations rapportées (moins d’un an), les modes d’implantation très variés et l’absence de groupes témoins rendent très difficiles les comparaisons entre les études.

Plus récemment, quelques études ont porté sur les impacts de cette approche sur le développement comportemental, affectif et cognitif des enfants. Dotées de méthodologies plus rigoureuses, ces recherches sont encore trop peu nombreuses pour en tirer des conclusions. Au Québec, Rondeau et al. (1999) ont étudié l’impact du programme « Vers le Pacifique » (Centre Mariebourg, 1998a, 1998b), chez des élèves du primaire (N= 2122). Ce programme, le plus évalué présentement dans les écoles québécoises, est constitué d’ateliers d’entraînement à la résolution de conflits et touche davantage les notions de base de la gestion des problèmes interpersonnels (empathie, expression et identification des sentiments, gestion de la colère, étapes de résolution de conflit). Son second volet présente l’implication d’élèves médiateurs : leur sélection, leur formation et leur travail dans la cour de récréation. Les résultats obtenus par Rondeau et al., (1999) ne révèlent aucun effet positif du programme sur les aspects comportementaux, socioaffectifs et sociocognitifs, chez l’ensemble des élèves après une année d’intervention. Une augmentation au niveau du retrait social a été constatée dans le groupe expérimental alors que le groupe contrôle enregistrait une diminution sur cette variable. La deuxième année d’intervention a toutefois révélé des effets plus positifs au niveau comportemental (amélioration de la prosocialité, diminution du niveau de retrait social) et sur le plan sociocognitif (amélioration de la compétence comportementale), bien qu’aucun groupe témoin n’ait pris part à l’expérimentation la seconde année de l’étude. Il faut cependant mentionner que le projet pilote effectué l’année précédente par ces chercheurs avait révélé des résultats positifs chez les élèves non- médiateurs sur les mêmes variables évaluées (Corriveau et al., 1995). Des questions avaient alors été soulevées concernant la qualité de l’implantation du programme et les effets différentiels en fonction des milieux scolaires.

Dans une autre étude rapportée par Powell et al. (1995), les résultats révèlent une augmentation des réponses prosociales chez des élèves du primaire, après seulement sept semaines de participation au « Fighting Fair Model ». Dans ce programme de résolution de conflits, tous les élèves étaient entraînés à pratiquer la médiation entre eux.

D’autres auteurs considèrent que les élèves médiateurs sont ceux qui retirent le plus de bénéfices personnels et sociaux des programmes de médiation par les pairs. Suite à leur participation à un programme de médiation, des améliorations ont été constatées chez ces

derniers au niveau des stratégies de résolution de problèmes, du rendement scolaire, des habiletés de communication et de leadership ( Humphries, 1999; Lane & McWhirter, 1992; Stomfay-Stitz, 1994; Van Slyck & Stern, 1986). Certains chercheurs ont constaté des améliorations au niveau de l’estime de soi (Roush & Hall, 1993; Vanayan, White, Yuen, & Teper, 1996), alors que d’autres n’ont obtenu aucun résultat significatif sur cette variable (Corriveau, Bowen, Rondeau, & Bélanger, 1998; Long, Fabricius, Musheno, & Palumbo, 1998). Rondeau et al. (1999) ont aussi remarqué des effets positifs de l’intervention (diminution de l’agressivité et du retrait social, amélioration du contrôle de soi) chez les médiateurs du primaire après la première année de l’intervention, alors que les effets étaient plutôt modestes chez les autres élèves participants.

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