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La participation des élèves en difficulté à ces programmes

CHAPITRE 1: contexte théorique

1.4 La participation des élèves en difficulté à ces programmes

Force est de reconnaître que nos connaissances sont limitées en ce qui concerne la participation des élèves qui présentent des troubles de comportement à ces programmes de médiation par les pairs. Certains auteurs rapportent des résultats d’études menées dans des quartiers plus sensibles des grandes villes des États-Unis ( milieux socioéconomiquement faibles, taux élevé de criminalité et de violence) sans cependant procéder à une identification systématique des élèves considérés à risque. Cependant, certaines de ces recherches ont permis d’observer des résultats positifs de cette intervention : amélioration du climat scolaire, diminution des actes de violence, amélioration des stratégies de négociation, diminution des références disciplinaires et des suspensions scolaires (Araki, 1990; Burrell & Vogl, 1990; National Institute of Justice, [N.I.J], 1995).

Aber et al. (1998) n’ont pu conclure à l’efficacité du «Resolving Conflict Creatively Program» (approche multimodale incluant des ateliers de résolution de conflits et la formation de médiateurs) pour améliorer les habilités sociocognitives des enfants du primaire, considérés à « haut risque » tels qu’évalués sur les variables « dépression » et «rendement académique ». Après une année d’intervention, ces chercheurs ont noté que les enfants proposaient un plus grand nombre de solutions agressives aux histoires hypothétiques qui leur étaient présentées. Ils ont cependant observé qu’un plus grand nombre de médiateurs par classe était préférable à un plus grand nombre d’ateliers

présentés en classe. Il faut toutefois souligner que ces résultats ont été obtenus après seulement une année d’intervention et qu’ils représentent des données partielles étant donné que l’intervention se poursuivait l’année suivante.

Hébert (2000) est le seul à notre connaissance a avoir évalué la portée de ce type d’intervention auprès d’élèves qui présentent des difficultés de comportement. Identifiés selon un mode de désignation par les pairs, les 304 élèves du primaire qui ont participé à l’étude ont été classés en trois catégories de comportement : enfants agressifs, enfants isolés ou retirés socialement et enfants agressifs et isolés ou retirés socialement. Après une année d’intervention avec le programme de médiation par les pairs « Vers le Pacifique » (Centre Mariebourg, 1998a, 1998b) les résultats révèlent des améliorations au niveau de la compétence comportementale, de l’estime de soi et de la préférence sociale chez les sept filles du groupe expérimental. Le nombre restreint de sujets féminins invite cependant à la prudence dans l’interprétation des résultats et permet difficilement de tirer des conclusions concernant l’efficacité de l’intervention. On ne sait pas si ces élèves avaient utilisé ou non le système de médiation et aucune information n’est fournie concernant leur attitude face à ce programme qui s’adressait à l’ensemble de l’école. La question de l’intégrité de l’intervention a finalement été relevée par ce chercheur qui a observé des différences au niveau de l’implantation du programme chez les écoles participantes.

1.4.1 Intégration difficile dans les équipes de médiation

Comme peu d’élèves qui manifestent des troubles de comportement sont intégrés dans les équipes de médiation, rares sont les études qui s’y sont intéressées. La littérature rapporte surtout des éléments anecdotiques concernant la participation des élèves sélectionnés comme médiateurs malgré leurs difficultés comportementales. En raison de leur manque d’habiletés sociales et de leur réputation souvent négative, on sait que ces jeunes sont rarement choisis comme médiateurs (Bonafé-Schmitt, 2000). Certains d’entre eux ne poseraient même par leur candidature lors de la sélection craignant de la voir refusée (Casella, 2000). Plusieurs programmes de médiation recommandent d’intégrer des élèves en difficulté dans l’équipe de médiation afin d’être le plus représentatif de la clientèle scolaire (Conflict Resolution Unlimited [CRU], 1995). Nous devons cependant reconnaître

que plusieurs milieux scolaires sélectionnent exclusivement des élèves qui possèdent de bonnes compétences sociales et scolaires (Burell & Vogl, 1990; Humphries, 1999; Long, Fabricius, Musheno, & Palumbo, 1998).

Le fait de sélectionner ce type d’élève pour occuper un rôle d’aidant place les praticiens et les chercheurs devant un paradoxe et soulève diverses controverses. Certains enseignants craignent de valoriser leur image de « dur » et que ces derniers abusent de leur pouvoir (Bonafé-Schmitt, 2000). L’image de modèle de conduite inhérente au rôle de médiateur peut aussi interférer sur les attentes des responsables des programmes. Ainsi, une équipe de chercheurs qui avait sélectionné des médiateurs selon des critères de compétence sociale, a choisi de retirer quatre de ces élèves en raison des problèmes de discipline qu’ils présentaient (Long et al.,1998). D’autres intervenants considèrent cependant que ces jeunes pourraient bénéficier de ce type d’encadrement justement parce qu’ils sont très souvent impliqués dans les conflits (Lindsay, 1998). Des enseignants français ont par exemple été étonnés de constater les capacités d’écoute démontrées par certains élèves difficiles lors des jeux de rôle présentés en classe (Bonafé-Schmitt, 2000). Finalement, Roush et Hall (1993) mentionnent avoir sélectionné huit enfants sur l’équipe de médiation, justement parce que ces derniers avaient l’habitude de brutaliser leurs pairs dans la cour de récréation. Ces chercheurs ont constaté que la moitié de ces médiateurs particuliers avaient enregistré une amélioration au niveau de l’estime de soi et qu’aucun d’entre eux n’avait obtenu de billet d’indiscipline lorsqu’ils étaient en devoir.

Quelques études ont évalué les effets de cette intervention chez des médiateurs du primaire et du secondaire provenant de milieux considérés à risque ( milieux socioéconomiquement faibles, criminalité, toxicomanie, violence) sans cependant identifier la nature des problèmes de comportement de ces derniers (Araki, 1990 ; N.I.J., 1995 ). Basés sur les commentaires émis par les enseignants, ces chercheurs rapportent que l’expérience aurait eu des effets très positifs sur la vie de ces médiateurs. Bell et al. (2000) ont évalué les effets d’un programme de médiation par les pairs chez 30 élèves médiateurs du primaire provenant d’un milieu rural à niveau socioéconomiquement faible. Bien que les résultats révèlent une diminution du nombre de références disciplinaires pendant l’année de

l’intervention comparativement à l’année précédente, l’étude ne mentionne pas la nature ni la sévérité des difficultés de comportement de ces élèves.

1.4.2 L’entraide pour favoriser l’adaptation psychosociale

Les valeurs d’entraide ne sont pas très valorisées ni très développées dans les groupes de jeunes aux comportements antisociaux. Leur difficulté à faire preuve d’empathie (Crick & Dodge, 1994; Fortin & Strayer, 2000) leur manque d’habiletés prosociales (Webster- Stratton et al., 1998) et leur propension à attribuer des intentions hostiles à autrui (Aber et al., 1998; Dodge & Feldman, 1990) favorisent davantage l’établissement d’un climat compétitif avec leurs pairs. Leur manque d’habileté à exprimer adéquatement leurs émotions les entraînent plutôt à adopter des conduites antisociales sans tenir compte des besoins d’autrui. Plus habitués à recevoir de l’aide, ces jeunes sont rarement sollicités pour offrir du soutien à leurs semblables. De plus, l’association à des pairs antisociaux a très souvent été identifiée comme étant un facteur de risque très puissant permettant de prédire les conduites antisociales ultérieures (Morizot & Leblanc, 2000; Vitaro, Brendgen, Pagani, Tremblay, & McDuff, 1999). Certains chercheurs ont même démontré que les comportements sociaux des adolescents à risque s’étaient détériorés suite à leur participation à un groupe d’intervention regroupant des pairs déviants ( Dishion, Poulin, & Barraston, 2001).

Gibbs, Potter-Granville, Goldstein et Brendtro (1996) ont toutefois développé une approche psychoéducative basée sur l’entraide par les pairs et destinée à des groupes d’adolescents résidant en institution fermée qui présentent des comportements antisociaux. L’intervention proposée par le « Equip Program » a pour but de créer des groupes dans lesquels les jeunes apprennent à résoudre leurs problèmes interpersonnels de façon pacifique. Par cette approche on tente d’intégrer une culture sociale positive parmi ces groupes de jeunes déviants, en les entraînant à un meilleur développement moral, à la gestion de la colère et aux habiletés sociales. Les objectifs du programme visent de plus à corriger certaines distorsions cognitives déjà observées chez ces adolescents. En modifiant positivement leur système de valeurs, ces chercheurs sont d’avis que le recours à la violence sera moins valorisé parce que mieux compris. Privé du support de leurs pairs, les leaders négatifs se

voient dans l’obligation de modifier l’orientation de leur leadership s’il veulent conserver ce statut social. En utilisant ce type d’approche, Gibbs et ses collaborateurs ont observé que des leaders très négatifs étaient parvenus à développer un type d’influence très positif au sein des groupes d’entraide. Évoquant les travaux de Litwack (1976), ils soutiennent l’hypothèse que les jeunes qui manifestent des comportements antisociaux seraient plus volontaires à apprendre des habiletés sociales en sachant qu’elles serviront à aider les autres.

Bien que cette approche diffère des programmes de médiation par les pairs, elle en rejoint les objectifs en utilisant des stratégies semblables d’intervention soient : l’entraînement aux habiletés sociales et à la résolution de conflits en misant sur la force de l’entraide par les pairs pour réduire les comportements antisociaux. Les concepts sur lesquels repose cette intervention se rallient manifestement aux notions de base centrées sur la coopération qui ont permis à Johnson & Johnson ( 1989, 1994) d’élaborer leur programme de médiation par les pairs.

1.5 Vers un nouveau modèle d’intervention pour aider

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