• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1: contexte théorique

1.3 Les programmes de médiation par les pairs en milieu scolaire

1.3.3 Cadre théorique de l’approche

Il existe plusieurs perspectives théoriques relatives à la notion du conflit. Johnson et Johnson (1996) en situent les principales dans le courant des théories reliées au développement humain ou dans le champ de la psychologie sociale. Certaines théories développementales s’appuyant sur des concepts de la psychologie psychanalytique et cognitive s’intéressent davantage à la notion de conflit pour expliquer le développement des processus cognitifs impliqués ( Érikson, 1976, Freud, 1958; Selman, 1981). D’autres approches, notamment celle de l’interdépendance sociale (Lewin, 1951), considèrent l’étude du contexte social comme étant déterminant pour expliquer les manifestations du comportement humain. Sans être en désaccord avec les modèles proposés par Johnson et Johnson (1996) le contexte de notre étude nous incite à référer à un autre modèle théorique, soit celui de l’apprentissage social proposé par Bandura (1986). En raison de ses stratégies d’apprentissage et de ses principes d’application qui visent à modifier le comportement en intervenant sur des composantes cognitives, l’orientation behaviorale cognitive nous apparaît mieux appropriée pour décrire ce modèle d’intervention.

Avant d’expliquer l’apport théorique des différents courants d’influence et d’expliquer davantage le modèle de l’apprentissage social, il convient de préciser ce que représente le conflit et comment il influence le développement de l’être humain.

La notion de conflit

Plusieurs courants de la psychologie développementale reconnaissent que le conflit social joue un rôle primordial dans la perception que le jeune développe de lui-même, des autres et de son environnement (Érikson, 1976). Déjà au début des années 20 Piaget découvrait dans ses travaux sur le raisonnement verbal de l’enfant, que la première source de déséquilibre dans le développement cognitif était le conflit interpersonnel. Depuis, la nature même du conflit a été largement reconnue comme étant une force centrale inhérente au développement de l’enfant et de l’adolescent. Deutsch (1973) définit le conflit comme un état incompatible entre les désirs de deux individus et leurs buts respectifs. Un conflit survient lorsque les actions d’un individu visent à atteindre ses buts personnels en interférant sur les besoins et actions d’une autre personne.

Dans leurs travaux concernant les aspects cognitifs impliqués dans l’apprentissage coopératif, Johnson et Johnson (1971) identifient deux aspects à considérer dans une situation conflictuelle : a ) le désir d’atteindre ses propres buts et b) le désir de maintenir une relation positive avec l’autre personne impliquée. Selon leur théorie, le règlement positif d’un problème interpersonnel dépendrait de l’habileté qu’a l’individu à percevoir l’importance de ses buts, l’importance de la relation, et à agir en conséquence. De plus, le conflit qui survient dans un contexte compétitif créera davantage d’opposition et de friction que s’il apparaît dans un contexte de coopération où les deux parties travailleront ensembles pour atteindre un but commun.

L’influence des différents courants psychologiques

En utilisant le conflit comme point central d’étude, plusieurs courants théoriques liés au développement humain l’ont défini comme un événement positif et nécessaire pour le développement personnel et social de l’être humain. Dans une orientation psychanalytique, le conflit est perçu comme un aspect influençant à la fois l’individualisation et le développement de relations interpersonnelles (Freud, 1958). C’est d’abord dans son milieu familial auprès de ses parents et de ses frères et sœurs que l’enfant développera des stratégies pour faire face aux situations sociales. Il transposera par la suite ces modes d’interaction à l’école où il rencontrera des situations conflictuelles sur une base

quotidienne. La compétition et la coopération feront partie de ses apprentissages et il devra se confronter à une évaluation constante de ses capacités et de son comportement (Érikson, 1976).

Étudié sous l’angle de la psychologie développementale cognitive (Piaget, 1965), le conflit est considéré comme un processus de maturation intellectuel qui permet à l’enfant de retirer l’information nécessaire pour se former une image de lui-même et des autres. Ce processus permet aux enfants et aux adolescents d’acquérir de nouvelles structures cognitives et de développer de nouveaux modes de raisonnement qui initieront des changements au niveau du comportement (Selman, 1981).

Dans sa théorie traitant de l’interdépendance sociale, Lewin (1951) stipule que les conflits sont inhérents à tout type de relation interpersonnelle et que le contexte dans lequel ils se produisent influenceront la façon dont ils seront abordés. La structure même de la situation sociale détermine le processus d’interaction, lequel détermine à son tour les attitudes et les comportements que l’individu adoptera. Le contexte déterminera les attitudes appropriées ou non aussi bien que les influences environnantes, le nombre de personnes impliquées, les valeurs du milieu, les sanctions sociales, le pouvoir et la nature des activités à être effectuées. Cet ensemble d’influences déterminera ainsi la nature des interactions menant à des changements d’attitude chez les jeunes. Les comportements adoptés mèneront finalement à des solutions de résolution de conflits constructives ou destructives, lesquelles orienteront la nature des relations sociales subséquentes.

Le modèle de l’apprentissage social

Pour introduire sa théorie de l’apprentissage sociale, Bandura (1976) mentionne que les individus ne disposent pas de répertoires innés de comportement. Ce courant théorique explique le comportement humain en termes d’interactions entre les déterminants cognitifs, comportementaux et environnementaux. Diverses théories behaviorales ont contribué à accroître notre compréhension de la façon dont les comportements sont appris et modifiés par l’expérience directe. Selon Bandura (1976), le processus d’acquisition de nouvelles habiletés s’effectue plus rapidement si on utilise une approche par modelage. Cette approche est parfois considérée comme une contre culture (Bonafé-Schmitt, 2000) compte

tenu du fait que la discipline et la gestion des conflits est généralement pratiquée par les adultes de l’école. Les élèves ont donc besoin de faire de nouveaux apprentissages qui leur permettront de régler eux-mêmes leurs problèmes interpersonnels. La théorie de l’apprentissage social considère que le modelage, grâce à sa fonction informative, constitue une partie essentielle pour faciliter l’apprentissage de nouveaux comportements sociaux. Pendant que les élèves observent le travail des médiateurs (et bien sûr l’attitude des parties impliquées), ils assimilent les représentations symboliques de leurs actions. Ces images leur servent de guide pour choisir des modes de résolution de conflits plus constructifs. Les conséquences renforçantes qui suivent le recours à une médiation (poursuite du jeu, amitié retrouvée, absence de punitions) contribuent aussi à inciter les élèves à réutiliser ce service pour régler leurs problèmes interpersonnels. Cette information renseigne les enfants sur ce qu’ils doivent faire lorsqu’ils rencontrent un problème, de façon à obtenir des résultats bénéfiques et à éviter les effets punitifs. En plus de leur fonction informative, les conséquences des actions jouent un rôle de motivation et renforcent automatiquement les comportements adoptés.

La plupart de nos actions sont largement influencées par notre capacité d’anticipation. Cette capacité à anticiper les conséquences de nos actes encourage la planification de nos comportements et nous motive à les reproduire. Une des conceptions de Bandura est que le renforcement sert davantage à informer et à motiver l’individu plutôt qu’à augmenter de façon automatique les comportements souhaités. Bien que le renforcement fournisse un moyen efficace pour contrôler les comportements déjà appris, il ne peut créer à lui seul de nouveaux comportements. À titre d’exemple, les enfants qui présentent des troubles de comportement n’ont pu apprendre des comportements sociaux adéquats s’ils n’en ont jamais vu chez autrui. S’ils proviennent de milieux à risque, la probabilité qu’ils aient appris des comportements agressifs est plus grande que chez leur pairs qui ont grandi au sein d’une famille où les modes d’interaction sont plus pacifiques.

L’apprentissage par feedback est en grande partie un processus cognitif mais les conséquences des réponses n’ont toutefois qu’un effet limité sur les comportements sociaux tant qu’il n’y a pas de prise de conscience de ce qui est renforcé. Ainsi l’aspect cognitif facilite la modification du comportement alors que la prise de conscience de sa capacité à

gérer lui-même ses comportements augmente la fréquence de réponses sociales plus adéquates.

Le modèle théorique de l’apprentissage social proposé par Bandura impliquant les aspects cognitifs, comportementaux et environnementaux rejoint bien les objectifs et les moyens ciblés par les programmes de médiation par les pairs. En enseignant d’abord des habiletés sociales de base on fournit les outils nécessaires aux élèves pour gérer eux-mêmes leurs conflits. En ajoutant les effets de modelage produits par les médiateurs, on augmente ainsi les chances que les nouveaux comportements se produisent plus souvent et ce, dans un contexte social naturel.

1.4 La participation des élèves en difficulté à ces

Documents relatifs