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3 Calibrations et optimisation du dispositif TIRFLIM

3.3 Recherche de la profondeur de pénétration du champ évanescent

Pour calibrer le champ évanescent, nous avons suivi plusieurs approches. Dans un premier temps, nous avons cherché à l’évaluer sous une excitation TIRF grâce à des surfaces nanostructurées. Dans un second temps, nous avons utilisé des surfaces plasmoniques pour compléter ces résultats.

Ces expériences ont été faites en collaboration avec Emmanuel Fort, Karla Balaa, Yannick Goulam Houssen et Olivier Loison de l’Institut Langevin de l’ESPCI ParisTech. Les échantillons présentés par la suite ont été réalisés à l’Institut Langevin grâce à un bâti de dépôt ultravide fonctionnant par évaporation thermique [111]. Des dépôts de quelques nanomètres de différents matériaux (dont des métaux) peuvent ainsi être effectués sur ces surfaces.

3.3.1 Evaluation de la profondeur de pénétration de l’onde évanescente sous excitation

TIRF

Les premières mesures de calibration de l’onde évanescente ont tout d’abord été faites sous excitation TIRF en utilisant l’objectif d’ouverture numérique 1,45. Nous avons testé différents échantillons modèles et présentant un indice proche de l’eau, pour essayer d’obtenir un moyen fiable de calibration de l’onde évanescente. En effet, en utilisant un matériau avec un indice proche de celui de l’eau, on peut se placer dans des conditions de réflexion totale comparables à celles que l’on a lors de l’observation d’échantillons biologiques. Un des premiers types d’échantillons testés était constitué de dépôts de divers matériaux en escalier (THV Tetrafluoroethylene-Hexafluoropropylene-Vinylidene fluoride, polymère fluoré mais peu pratique car peu mouillant). Les lames étaient silanisées pour favoriser le mouillage. Ces marches très fines (20 nm à 200 nm d’épaisseur par palier de 20 nm) ont

été obtenues par évaporation thermique du matériau choisi et étaient recouvertes du fluorophore souhaité (des billes dans notre cas, Fig.2.18).

Matériau indice 1,35

20 nm

Fig.2.18: Schéma des échantillons utilisés pour détecter le champ évanescent [109].

En déposant des petites sphères fluorescentes (20 nm à 100 nm), on peut théoriquement retrouver le déclin mono-exponentiel du champ évanescent, suivant l’augmentation de la distance à l’interface et ainsi mesurer la profondeur de pénétration du champ. Expérimentalement, on cherche ainsi à mettre en évidence une diminution de l’intensité et une augmentation de la durée de vie de fluorescence des fluorophores avec l’éloignement de l’interface [110]. L’intérêt d’une telle calibration est de connaître précisément la partie de l’échantillon pour laquelle on acquiert une image. Comme les membranes plasmiques ont une épaisseur d’environ une dizaine de nanomètres, il est nécessaire d’évaluer plus finement la contribution de la fluorescence de la membrane au signal collecté. Cependant, pour nos applications actuelles, une précision à 10 nm près n’est pas cruciale. Néanmoins, d’un point de vue plus fondamental, une telle précision serait d’un grand intérêt pour étudier expérimentalement l’influence de la distance à l’interface sur le temps de vie de fluorescence mesuré.

Plusieurs échantillons ont ainsi été testés dans le but de mettre en évidence le déclin mono- exponentiel du champ. Nous avons observé des billes de 100 nm qui s’excitent à 580 nm et émettent à 605 nm (Fig.2.19). Pour cela, nous avons utilisé le cube de filtres TXRED (Semrock), dont le filtre à l’excitation est centré à 562 nm et le filtre à l’émission à 624 nm

.

Fig. 2.19: Images en intensité et en durée de vie de fluorescence de billes posées sur des marches de 20 nm (en haut) et 40 nm (en bas) avec une excitation sous onde évanescente.

Les résultats sont consignés dans le tableau de la figure 2.20.A. Pour chaque échantillon, le gain de l’intensificateur a été fixé en effectuant des mesures de durée de vie de fluorescence sur la marche la moins haute pour pouvoir comparer les signaux de fluorescence. L’angle de TIRF est également fixe. Le nombre de portes utilisées pour l’acquisition a été optimisé expérimentalement de façon à obtenir les meilleurs ajustements possibles.

Nous avons bien observé une diminution de la durée de vie de fluorescence pour les plus faibles épaisseurs (marches entre 0 et 60 nm) [110]. Cependant, nous avons obtenu une diminution semblable par la suite pour de plus fortes épaisseurs (entre 100 et 150 nm), qui étaient inattendues. De plus, les erreurs de mesure étaient importantes (Fig.2.20.B). Or, plusieurs paramètres sont susceptibles de modifier la durée de vie mesurée. Tout d’abord, la position du fluorophore joue un rôle important et va fortement influencer la durée de vie de fluorescence. En effet, un fluorophore peut être modélisé par un dipôle et selon son orientation, la durée de vie de fluorescence associée variera. Plus il sera entouré d’un milieu de grand indice, plus le champ évanescent généré va décroître rapidement, comme la durée de vie. Des variations de durée de vie (de l’ordre de 10 à 15%) vont être observées suivant la position de la bille et des fluorophores excités dans la bille (excitation des fluorophores collés au polymère ou de ceux situés à 50 ou 100 nm par exemple). Cela pose un problème lorsque l’on utilise des billes de 100 nm posées sur des échantillons dont la différence d’épaisseur entre les marches ne fait que 20 nm. Epaisseur du dépôt (nm) Durée de vie moyenne (ns) Ecart-type (ns) 0 4,5 0,2 20 4,5 0,5 40 4,7 0,4 60 5,6 0,5 80 5,4 0,5 100 4,6 0,3 120 4,2 0,3 140 4,4 0,3 160 4,2 0,2 250 5,2 0,4 A B

Fig. 2.20: (A) Tableau récapitulatif des durées de vie moyennes sur les billes de 100 nm pour les différentes épaisseurs de marche. (B) Variations de la durée de vie de fluorescence des billes positionnées sur les marches

en fonction de l’épaisseur du dépôt.

Pour résoudre ce problème, nous avons utilisé les mêmes échantillons mais avec des billes de 20 et 50 nm. Cela permet en théorie d’obtenir une meilleure précision sur la mesure de durée de vie de fluorescence et sur les variations engendrées. Nous avons ainsi utilisé comme billes les Fluorophore

Carboxylate Modified Microsphere (20 nm, yellow/green (505/515)) en utilisant le cube FITC.

Cependant avec ce type d’échantillons nous avons rencontré deux difficultés. Tout d’abord, le signal était très faible avec ces petites billes, ce qui générait des erreurs importantes dans la mesure de durée de vie de fluorescence. De plus, ces billes avaient tendance à s’agréger rendant notre programme de traitement peu adapté notamment pour le seuillage.

Nous avons également essayé de calibrer le champ évanescent en mettant en évidence une différence d’intensité de fluorescence des billes positionnées sur deux marches successives. Toutefois, cette variation est faible et difficile à évaluer car les billes ne présentent pas une intensité homogène sur tout l’échantillon. Par ailleurs, ces échantillons « en marche » étaient difficiles à reproduire pour nos collègues de l’Institut Langevin et présentaient souvent beaucoup d’inhomogénéités de surface. Cela en faisait donc un dispositif peu adapté pour une calibration précise de l’onde évanescente. Cependant, l’apparition de nouveaux polymères (avec un indice proche de l’eau) offrant une plus

grande homogénéité de la surface des dépôts effectués et l’utilisation de marqueurs présentant un signal de fluorescence plus important (ex : QDs, etc…) relancent l’intérêt de cette approche pour mesurer la profondeur de pénétration de l’onde évanescente.

Une autre technique a également été testée pour détecter le champ évanescent. Elle consiste à acquérir des images de billes de 10 µm tout en faisant varier l’angle de TIRF [112]. En augmentant l’angle d’incidence sur l’échantillon, on va ainsi diminuer la profondeur de pénétration de l’onde évanescente sur la bille et on doit par conséquent observer une diminution du rayon du plan de la bille imagée (Fig.2.21).

Nous avons initialement utilisé des billes de 10 µm de diamètre (Molecular Probes,

fluospheres carboxylates modified microspheres) qui s’excitent à 505 nm et fluorescent à 515 nm,

fixées dans un gel d’agarose. Nous avons réalisé une série de coupes optiques selon l’axe z (pour plusieurs angles d’incidence sous excitation TIRF. Nous avons ensuite tracé le profil en intensité et mesuré la largeur à mi-hauteur. Les résultats n’ont pas été concluants. Aucune différence significative n’a pu être mise en évidence en raison de la diffusion qui parasitait toutes les mesures. Ce phénomène est lié à un problème d’adaptation d’indice entre les billes (n = 1,55) et la solution d’agarose (n = 1,4), qui induit une perte du confinement de l’onde évanescente. D’autres billes qui ne possèdent des fluorophores qu’à leur surface ont également été observées. Ces dernières permettent de limiter le bruit de fond et d’être ainsi plus précis sur la mesure. Cependant celles-ci étaient en polystyrène (n = 1,49) et nous avons également été perturbés par la diffusion en raison des différences d’indice. Des billes en silice ayant un indice beaucoup plus faible (n = 1,37) et proche de l’eau dans la même gamme de longueur d’onde ont également été testées. Néanmoins, nous n’avons pas observé de différences significatives des mesures des durées de vie de fluorescence en fonction de l’angle de TIRF et les mesures de la largeur à mi-hauteur du profil axial (diamètre apparent) étaient similaires. De plus, ces billes présentaient des tailles et des formes très aléatoires et non sphériques, rendant l’analyse des résultats complexe.

Fig.2.21: Schéma illustrant une méthode de mesure de la profondeur de pénétration de l’onde évanescente avec des billes de 10 µm de diamètre. En épifluorescence, on excite toute la bille, dans le plan focal le rayon « apparent de la bille » doit être de 10 µm. Lorsque l’on excite les billes en TIRF en augmentant l’angle d’incidence, on doit constater que le rayon de la bille dans le plan focal (par conséquent la profondeur de

pénétration de l’onde évanescente), diminue.

Etant donné que nous n’avons pas pu mettre en évidence le déclin mono-exponentiel du champ évanescent sous excitation TIRF, nous avons décidé d’utiliser des surfaces plasmoniques en se plaçant à l’angle de résonance du plasmon pour évaluer la profondeur de pénétration de l’onde évanescente. L’acquisition d’un objectif Nikon d’ouverture numérique 1,49, nous a permis d’accéder à une plus grande gamme angulaire à l’excitation et ainsi d’exciter les échantillons à l’angle de résonance du plasmon, comme nous allons le voir par la suite.