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Recherche, pensée pluridimensionnelle, libre et responsable

FIGURE 10 : QUESTIONNER EN CRP

2.2.2 La recherche pour bien penser

2.2.2.3 Recherche, pensée pluridimensionnelle, libre et responsable

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Ainsi, la recherche en CRP invite à une posture épistémologique permettant de reconnaître la possibilité de faire des erreurs et la nécessité de la coélaboration pour construire des points de vue valides.

La recherche en CRP a une incidence sur la pensée réflexive et l’identité épistémologique. Que ce soit par les différents types de questionnement ou le processus de recherche, les participants sont mis face à leur faillibilisme afin qu’ils puissent prendre conscience de leurs pensées et leurs processus. Par le fait même, ils ont l’opportunité de s’autocritiquer et de s’autoréguler tout en considérant l’importance des autres pour le faire.

2.2.2.3 Recherche, pensée pluridimensionnelle, libre et responsable

La recherche en CRP contribue à mettre en mouvement la pensée pluridimensionnelle et la pensée libre et responsable d’un penseur compétent. Que ce soit par sa visée, son processus ou le questionnement, cette recherche semble avoir une incidence sur la possibilité de mobiliser la pensée créative, vigilante et critique, sur la capacité de la pensée à se dégager (entre autres avec la participation des vertus intellectuelles) de ses obstacles internes et externes afin d’établir des principes favorisant le vivre ensemble. La visée de la recherche – rétablir le sens et la vérité – mobilise grandement la pensée pluridimensionnelle. Pour rétablir le sens et la vérité, la pensée doit proposer des réponses productives et originales. En ce sens, la pensée doit mobiliser le processus de pensée de façon créative. Sans cette créativité, il n’y aura pas de réponses nouvelles ou différentes nécessaires pour élaborer d’autre sens et davantage de validité. De même, pour rétablir le sens et la vérité, les solutions proposées doivent être attentives et en mesure d’apprécier ce qui fonctionne ou non quant au sens, à la vérité et à la possibilité de les rétablir. Ainsi, la pensée doit mobiliser les outils de la pensée de façon vigilante sans quoi il est impossible de proposer une réponse viable. Enfin, pour rétablir le sens et la vérité, chaque piste doit être raisonnée, justifiée et évaluée pour être acceptable. Pour ce faire, la pensée doit mobiliser de façon critique le processus de pensée. Ainsi, la

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nécessité de rétablir le sens et la vérité pour la recherche a un impact sur la mobilisation de la pensée pluridimensionnelle.

La visée de la recherche n’est pas la seule composante de la recherche qui sollicite la pensée dans sa pluridimensionnalité. Pour Gagnon (Gagnon 2005), les questions devraient essentiellement développer la pensée pluridimensionnelle. Pour cet auteur, plusieurs questions peuvent être posées pour favoriser la production de jugement créatif, critique et vigilent. Par exemple, demander aux élèves de formuler des hypothèses ou de chercher des alternatives stimule la créativité des réponses; demander des raisons et les évaluer, l’esprit critique; dégager des implications ou des enjeux, la pensée vigilante. Toutefois, il semble insuffisant, comme il fut mentionné précédemment, d’être créatif, vigilent et critique pour être un penseur compétent. Il faut également développer certaines vertus intellectuelles.

Le processus de recherche sollicite grandement les vertus intellectuelles. En effet, l’itérativité de même que la posture faillibiliste qui lui est liée placent les participants dans un contexte qui contribue au décentrement égocentrique nécessaire pour être un penseur compétent. La posture faillibiliste et l’itérativité de la recherche en CRP demandent aux participants, pour reprendre les propos de Paul et Elder (2015), de faire preuve d’une certaine humilité intellectuelle nécessaire pour revenir sur ses jugements et en reconnaître les erreurs et leurs imperfections. Elles demandent aussi du courage intellectuel pour évaluer et remettre en question des idées ou croyances potentiellement erronées, ainsi que de l’empathie intellectuelle pour considérer certains points de vue potentiellement plus forts ou plus acceptables. De même, la posture faillibiliste et l’itérativité contribuent au contrôle raisonnable des émotions et des valeurs nécessaires à l’autonomie intellectuelle tout en assurant l’intégrité intellectuelle en admettant ses propres contradictions. De plus, elles nourrissent la persévérance intellectuelle en dépit des difficultés et elles placent une confiance en le raisonnement pour les surmonter de façon impartiale. La posture faillibiliste et l’itérativité dans lesquelles le processus de recherche en CRP place les participants, favorisent l’émergence de vertus intellectuelles essentielles pour devenir un penseur compétent.

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Simultanément à l’émergence de vertus intellectuelles, le faillibilisme et l’itérativité offrent la possibilité aux participants d’une recherche dialogique de remettre en question les obstacles pouvant enfermer leur pensée. En effet, puisque rien n’est absolu et qu’il est toujours possible d’y revenir pour parfaire la recherche, les participants peuvent transcender ces obstacles pour penser plus librement. Ils peuvent dépasser leur déterminisme pour s’autodéterminer, s’autoréaliser. En ce sens, le processus de recherche par le faillibilisme et l’itérativité permet de développer une pensée libre.

La faillibilisme et l’itérativité ne sont pas les seuls aspects de la recherche en CRP permettant la pensée libre. Le questionnement semble avoir encore ici un impact majeur. En effet, les questions permettent de prendre conscience des obstacles à la pensée. Par exemple, questionner les présupposés au fondement d’un jugement, questionner la validité d’une information extérieure, questionner la valeur d’une raison, questionner les enjeux relatifs à une situation ou questionner les implications des différents points de vue permet d’identifier les obstacles, les limites, les problèmes de certains jugements pour ainsi déterminer soi-même ce qui est possible ou bon, acceptable ou non, pour construire son point de vue. À partir de ce moment, comme l’indique Habermas (2003), il est possible d’endosser la position de son choix, sa liberté épistémique. Toutefois, comme le soutient encore Habermas, «cette autorité épistémique [doit] s’exercer conformément à la recherche raisonnée, sélectionnant ainsi les solutions qui sont rationnellement acceptables pour toutes les personnes impliquées et concernées» (Habermas 2003, p. 25). Cette autorité épistémique fait déjà le pont avec le penseur responsable.

Être un penseur compétent ne consiste pas seulement à s’autodéterminer, mais il s’agit également de le faire grâce à une «recherche raisonnée», sélectionnant des solutions rationnellement acceptables et responsables. Il s’agit d’aboutir à des principes, grâce à la recherche dialogique; principes, comme le soutient Daniel (2005), nécessaires pour transformer la condition humaine. Le processus de recherche et le questionnement contribuent à l’élaboration de principes, nécessaires au penseur responsable. En effet, la nécessité de validation ainsi que les questions permettent de passer au crible les

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justifications afin de les élever au niveau de principes. Par exemple, les questions philosophiques, plus particulièrement les questions éthiques, contribuent grandement à formuler ces principes: «Est-ce juste, bien, bon, acceptable de… ?». Ainsi, la recherche en CRP ouvre sur l’importance de la pensée responsable pour être un penseur compétent, tout comme elle le fait pour les vertus intellectuelles, la pensée pluridimensionnelle et libre.

La recherche en CRP semble significative pour le bien penser. Tant la visée de la recherche (rétablir le sens et la vérité), le processus de recherche (dans ses étapes de problématisation, de théorisation et de validation ou dans sa posture faillibiliste et son itérativité), le questionnement que les habiletés de pensée ont une incidence considérable sur le bien penser. En effet, ces aspects de la recherche contribuent au processus de pensée (la mobilisation et l’orchestration des habiletés de recherche, de raisonnement et d’organisation de l’information) dans son aspect réflexif et pluridimensionnel. De même, ces aspects de la recherche contribuent à construire l’identité épistémologique et les vertus intellectuelles tout en contribuant à la pensée libre et responsable. Le tableau qui suit ajoute l’incidence de la recherche à celle du dialogue en CRP sur le bien penser.

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