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disque épais

8.7. Échelles de hauteur et de longueur du disque mince et du disque épais 153

8.7.3 Recherche de signatures d’accrétions passées

Dans cette section, nous cherchons à identifier des signatures possibles d’accrétions passées dans l’histoire du disque épais. Pour cela, nous recherchons d’éventuelles variations des échelles de longueur et de hauteur de cette composante. En effet, dans le cas d’une accrétion non dissipative d’une galaxie naine possédant une métallicité différente de celle du disque épais canonique, une distribution spatiale différente des étoiles est attendue à la métallicité du satellite accrété.

Nous avons divisé notre sous-échantillon d’étoiles du disque épais en quatre “boîtes” de métallicités différentes, dont la taille a été choisie afin qu’elle contienne un minimum de trente cibles. Nous avons ensuite calculé les échelles de longueur et de hauteur pour chacun de ces bins à l’aide des Éq. 8.12 et 8.13. Comme pour les sections précédentes, les erreurs ont été propagées par 5000 tirages Monte-Carlo.

Les deux dernières colonnes de la Table 8.6 montrent que les échelles de hauteur et de longueur augmentent lorsque la métallicité baisse (à l’exception du bin le plus pauvre). Néanmoins, au vu des erreurs associées, cette tendance n’est pas suffisamment prononcée pour être significative et une corrélation nulle est aussi envisageable.

Nous en déduisons qu’aux erreurs près, la même échelle de longueur et de hauteur est mesurée à différentes métallicités. Ceci est la signature de l’existence probable d’une seule population, comme suggéré par le réchauffement dynamique du disque mince suite à des processus externes (accrétions mineures, Villalobos & Helmi 2008), ou suite à l’accrétion d’un satellite riche en gaz,

le gaz duquel aurait formé les étoiles du disque épais (Brook et al. 2005). Ainsi, aucun indice concernant des étoiles accrétées, comme suggéré par Gilmore et al. (2002) n’a été trouvé dans l’échantillon. Notons toutefois que le scénario d’accrétion d’un satellite déposant ses étoiles en orbite coplanaire ne peut pas être exclu sur la base de ces résultats. En effet, il est possible que la population accrétée soit à l’origine de la population dominante du disque épais.

Enfin, ces résultats peuvent également être confrontés au modèle de formation du disque épais par migration radiale des étoiles tel que proposé par Schönrich & Binney (2009b). Dans un tel scénario, les étoiles se trouvant au rayon solaire proviendraient des parties centrales de la Galaxie. Elles seraient alors âgées, de faible métallicité et riches en éléments α. Leur migration vers les parties externes de la Galaxie, où le potentiel gravitationnel est plus faible leur permettrait également d’atteindre des distances au dessus du plan plus importantes. Ainsi, les étoiles les plus pauvres en métaux auraient des échelles de hauteur plus importantes que les étoiles de métallicité élevée. Une échelle de hauteur constante avec la métallicité, comme cela semble être privilégié par nos données est donc en contradiction avec ce modèle de pure migration radiale. Notons cependant que comme le montrent les travaux de Minchev & Famaey (2010) et Loebman et al. (2011) l’efficacité de la migration radiale peut varier en fonction des propriétés de la barre au

centre de la Galaxie, ainsi que de l’importance des bras spiraux du disque. Or, ces paramètres peuvent varier au cours de l’évolution de la Voie Lactée (voir par exemple Bournaud & Combes 2002, ainsi que Sellwood 2010), conduisant à des signatures d’éventuelles migrations radiales plus difficiles à détecter.

8.8 Conclusions

Dans ce chapitre nous avons présenté l’analyse de l’échantillon de ∼700 étoiles en direction des coordonnées galactiques l ∼ 277, b ∼ 47. Nous rappelons que le choix des cibles de cet échantillon, décrit au Chap. 3, a été fait afin de sonder le disque épais en dehors du voisinage solaire. Les températures effectives, gravités de surface, métallicités, vitesses radiales et positions galactocentriques sont présentées pour 479 de nos cibles (voir Tables E.1, E.2 et E.3). Les vitesses

8.8. Conclusions 155

Table 8.6 – Paramètres cinétiques, échelles de longueur et échelles de hauteur à différentes valeurs de métallicité pour des étoiles du disque épais.

[M/H] N VR σVR σVφ VZ σVZ hR hZ (dex) (km s−1) (km s−1) (km s−1) (km s−1) (km s−1) (km s−1) (kpc) (pc) -1.14 36 -5± 9 58± 11 -137± 11 61± 7 -7± 8 59± 7 1.9± 0.7 934± 166 -0.67 26 -3± 17 85± 17 -161± 11 54± 11 -4± 12 54± 8 4.0± 1.3 804± 181 -0.40 56 5± 8 81± 8 -168± 6 52± 5 -17± 6 45± 4 3.8± 0.9 610± 90 -0.11 37 6± 9 64± 8 -171± 7 50± 6 -18± 7 45± 5 3.1± 0.9 620± 97

Notes. La deuxième colonne représente le nombre moyen d’étoiles par bin au bout de 5000 tirages Monte-Carlo. Les dispersions de vitesses ont été corrigées des erreurs observationnelles. Les échelles de

longueurs hR et échelles de hauteurs hZ sont calculées à partir des Éq. 8.12 et 8.13. Nous avons supposé

KZ = 2πG × 71 M pc−2.

galactocentriques ainsi que les excentricités ont également été calculées pour les 452 cibles pour lesquelles nous avions des mesures des mouvements propres (provenant de Ojha et al. 1994).

Nous avons réussi à identifier les trois composantes galactiques (disque mince, disque épais et halo) et montré que le disque mince et le disque épais étaient des populations distinctes tant chimiquement que cinématiquement (Fig. 8.10, Fig. 8.12, Table 8.4, Table 8.5).

Nous avons trouvé que les étoiles du disque épais dans la ligne de visée de cette étude, possédaient un retard par rapport au Local Standard of Rest (LSR) de ∼70 km s−1 , une valeur qui est légèrement supérieure à la valeur communément admise pour le disque épais canonique de 50 km s−1 . De plus, les métallicités du disque épais varient de –1.8 dex jusqu’à des valeurs supra-solaires (∼+0.25 dex), avec une valeur moyenne de [M/H] = −0.45 ± 0.02 dex, en accord avec les relevés récents suggérant des valeurs autour de –0.5 ;–0.6 dex. Notons qu’en fonction de la méthode de sélection des cibles du disque épais (sur les vitesses ou les positions), ces résultats peuvent légèrement varier, mais sont en bon accord entre-eux.

Les gradients verticaux que nous mesurons pour les distances au-dessus du plan où le disque épais est supposé représenter la population dominante (1 < Z < 4 kpc) sont de ∂Vφ/∂Z =

19 ± 7 km s−1kpc−1 et ∂[M/H]/∂Z = −0.14 ± 0.05 dex kpc−1. Ces valeurs sont en relatif accord avec des études antérieures réalisées par Chiba & Beers (2000); Allende Prieto et al. (2006); Girard et al. (2006) et Lee et al. (2011).

Par ailleurs, en modifiant le modèle de Besançon, nous avons réussi à montrer que ces gradients pouvaient être expliqués comme la signature de la transition entre un disque mince, riche en métaux et en rotation rapide, et un disque épais de métallicité moyenne de –0.45 dex et de vitesse de rotation orbitale Vφ = −167 km s−1 . Toujours en fonction du modèle de Besançon, nous avons estimé que la densité locale du disque épais était au maximum de 18%.

Cette transition semble être également confirmée par la mesure de la corrélation entre la vitesse de rotation et la métallicité (∂Vφ/∂[M/H] = −45 ± 12 km s−1 dex−1). Ce résultat, également trouvé par les études récentes de Spagna et al. (2010) et Lee et al. (2011), semble exclure le scénario d’un disque épais formé principalement par des processus de migration radiale, comme suggéré par Sellwood & Binney (2002); Roškar et al. (2008); Schönrich & Binney (2009b); Minchev & Famaey (2010); Loebman et al. (2011). En effet, d’après cette approche, le mélange radial des étoiles âgées étant à l’origine du disque épais provoquerait la disparition de cette corrélation.

Enfin, nous avons trouvé que le pic de la distribution des excentricités du disque épais se trouvait à ε ∼ 0.3, en accord avec les résultats de Dierickx et al. (2010) et Lee et al. (2011) obtenus pour le SDSS, ainsi que ceux de Wilson et al. (2011) et Casetti-Dinescu et al. (2011) obtenus pour RAVE. Selon les simulations numériques de Sales et al. (2009) et Di Matteo et al.

156 Chapitre 8. Contraintes sur la formation du disque épais

Table 8.7 – Tests qualitatifs de nos observations pour différents modèles de formation du disque épais Modèle excentricité(1) ∂Vφ/∂[M/H] ∂[M/H]/∂Z Accrétion(2) X √ √ Réchauffement(3) √ √ √ Migration radiale(4) √ X X

Accrétion riche en gaz(5) √ √ √

Notes. Tests qualitatifs réalisés à partir des travaux de (1) : Sales et al. (2009) et Di Matteo et al. (2011). Les différents scénarios envisagés proviennent de (2) :Abadi et al. (2003), (3) :Villalobos & Helmi (2008), (4) :Roškar et al. (2008), (5) :Brook et al. (2005)

(2011) des valeurs si faibles sembleraient exclure un disque épais formé majoritairement d’étoiles accrétées, comme proposé par Abadi et al. (2003). Cependant, une étude plus approfondie de la distribution des excentricités des cibles du disque épais, afin de rechercher des étoiles accrétées par des fusions mineures (repérables à ε > 0.6) n’a pas été possible, à cause de l’incertitude sur les mesures individuelles ainsi que des effets provoqués par la sélection des cibles.

Pour cela, nous avons recherché des signatures dans la mesure des échelles de longueur et de hauteur du disque épais en fonction de la métallicité. Nous n’avons pas trouvé de tendances se distinguant significativement des erreurs de mesure, suggérant que celles-ci étaient constantes (hR,2 = 3.4 ± 0.7 kpc ;hZ,2 = 694 ± 45 pc). L’hypothèse faite par Gilmore et al. (2002) d’une population accrétée dans le disque épais, pour une direction similaire (l ∼ 270, b ∼ 33) a donc été exclue.

De plus, au vu de ces résultats, le scénario de la migration radiale semble une fois encore inapproprié. En effet, des échelles de longueur et de hauteur indépendantes de la métallicité sont contraires aux prédictions faites pour ces processus.

Comme le résume la Table 8.7, les deux seuls scénarios qui semblent expliquer l’ensemble de nos observations sont le réchauffement dynamique du disque mince par des fusions mineures (Villalobos & Helmi 2008), et l’accrétion d’un satellite riche en gaz (Brook et al. 2005). Malheureusement nos données ne nous permettent pas de faire une distinction entre ces modèles.

Pour ce faire, une des solutions éventuelles serait de mesurer explicitement les gradients verticaux intrinsèques au disque épais. En effet, il est important de noter que bien que tous les résultats présentés le long de ces sections peuvent être expliqués uniquement par un disque épais cinématiquement et chimiquement distinct du disque mince, l’existence de gradients verticaux intrinsèques au disque épais ne peut pas être toutefois exclus. Les modèles développés par Villalobos & Helmi (2008); Qu et al. (2011) prédisent un gradient vertical en vitesse de rotation qui dépendrait des conditions initiales d’accrétion. De plus, une valeur de ∂[M/H]/∂Z devrait être mesurable, comme signature du gradient vertical du disque mince au moment de son réchauffement. Par ailleurs, les modèles développés par Brook et al. (2005), où les étoiles se formeraient par l’effondrement rapide du nuage de gaz, ne devraient pas admettre, a priori de gradients verticaux en métallicité.

Enfin, notons qu’un autre paramètre à vérifier est l’évolution de l’échelle de hauteur du disque épais en fonction du rayon galactique. En effet, les simulations numériques de Qu et al. (2011) affirment que l’augmentation de l’échelle de hauteur du disque épais dans les régions externes de la Voie Lactée donnent des indications importantes sur la masse totale accrétée par la Galaxie au cours de fusions mineures (Villalobos & Helmi 2008). L’absence de variations serait alors en accord avec le modèle de Bournaud et al. (2009), c’est-à-dire d’un disque épais formé suite à la

8.8. Conclusions 157

dispersion d’étoiles et de gaz par les inhomogénéitées présentes dans le disque mince initial. Des données à plus haute résolution, plus haut SNR, ainsi qu’un nombre supérieur de cibles afin d’augmenter la statistique, permettraient alors de répondre à cette question. En effet, dans ce cas nous pourrions obtenir un échantillon d’étoiles du disque épais plus propre, en nettoyant des étoiles du disque mince grâce à l’abondance des éléments α par rapport au fer, et des étoiles du halo grâce à des statistiques plus robustes sur leurs métallicités et leurs vitesses. Bien sûr cela sera possible avec la publication du catalogue de Gaia, qui est prévue pour 2020. Notons cependant que des éléments de réponse pourront être obtenus dès 2012, grâce au relevé Gaia-ESO dont le but est d’obtenir des données à moyenne et haute résolution de plus de 105 étoiles de la Voie Lactée (voir Chap.1).

Chapitre 9