• Aucun résultat trouvé

disque épais

Chapitre 10 Conclusions et perspectives

Sommaire

10.1 Paramétrisation stellaire autour du triplet du calcium et apports pour le RVS de Gaia . . . . 173 10.2 Contraintes sur la formation du disque épais . . . . 174 10.3 Perspectives : l’ère de l’archéologie galactique . . . . 177

L’existence de disques épais dans la plupart des galaxies spirales telles que la Voie Lactée semble être de nos jours confirmée. Cependant, leur origine reste encore mystérieuse, et la compréhension de la formation du disque épais de la Voie Lactée est un des défis majeurs de l’astrophysique actuelle.

En effet, les différentes hypothèses impliquées pour expliquer son origine sont directement liées aux processus de formation des galaxies et au ΛCDM, le modèle actuel de l’Univers. Pour apporter des éléments de réponse, nous faisons appel à l’archéologie galactique du disque épais. Celle-ci consiste à obtenir les paramètres orbitaux ainsi que la composition chimique des atmosphères d’un grand échantillon d’étoiles, afin d’identifier des signatures de populations stellaires d’origine commune (population accrétée, ou provenant de la migration des régions internes de la Galaxie, etc.).

Il existe actuellement plusieurs projets d’archéologie galactique, récoltant des dizaines de milliers de spectres d’étoiles. Une quantité aussi importante de données nécessite la mise en place d’algorithmes automatiques de paramétrisation des spectres. Une approche automatique optimale est d’autant plus cruciale que la mission Gaia (dont le lancement est prévu pour 2013) va obtenir des spectres moyenne résolution, de quelques centaines de millions d’étoiles (Perryman et al. 2001).

Les travaux présentés dans ce mémoire de thèse traitent les deux aspects développés ci-dessus. Plus précisément, les buts ont été de :

1. Développer une procédure de paramétrisation automatique des spectres dans une résolution et un domaine de longueurs d’onde similaires aux spectres de Gaia (∼ λ8500 Å, mode basse résolution R = λ/∆λ ∼ 7 000) (Kordopatis et al. 2011a; Lebzelter et al. 2011).

2. Exploiter cette procédure pour apporter des contraintes sur la formation du disque épais à partir de données sondant des régions lointaines du voisinage solaire (Kordopatis et al. 2011b; Gazzano et al. 2011).

10.1 Paramétrisation stellaire autour du triplet du calcium et

apports pour le RVS de Gaia

Nous avons proposé une procédure afin d’obtenir de façon automatique et optimale à partir des spectres des étoiles, leurs températures effectives, gravités de surface et métallicités globales. Cette procédure est basée sur l’utilisation d’une grille de spectres synthétiques qui servira à

174 Chapitre 10. Conclusions et perspectives

l’apprentissage de deux algorithmes de paramétrisation : une méthode de projection, MATISSE (Recio-Blanco et al. 2006), et un arbre de décision, DEGAS (Bijaoui et al. 2010). Bien que la discussion se soit concentrée sur des spectres à moyenne résolution (R ∼ 6 500, échantillon-nage :0.4 Å), obtenus autour du triplet infra-rouge du calcium (∼ 8500 Å), les résultats présentés sont facilement adaptables à n’importe quelle configuration spectrale, à condition qu’une librairie de spectres de référence soit disponible.

La procédure proposée consiste à utiliser MATISSE à haut rapport signal sur bruit (SNR > 35 pixel−1) , pour sa capacité à interpoler des spectres dans une grille de spectres théoriques, pour ses faibles erreurs et pour l’interprétation physique facile de la méthode (utilisation de fonctions Bθ(λ) ). À bas SNR, les problèmes associés à la présence de minima secondaires de la fonction distance dans ce domaine de longueurs d’onde et cette résolution sont mieux traités à l’aide d’une méthode de reconnaissance de forme telle que l’arbre de décision DEGAS.

La méthode mise en place est robuste aux imperfections des spectres suite à des mauvaises normalisations, ou des possibles problèmes de corrections des vitesses radiales. En effet, des erreurs inférieures à ∼7–10 km s−1 (∼ 1/2 pixel) sur la vitesse radiale ont une influence négligeable sur les estimations des paramètres atmosphériques. De plus, nous avons montré que DEGAS peut être utilisé avec succés même à bas SNR (∼ 10 pixel−1) afin d’obtenir une normalisation très proche de la réalité, ainsi qu’une bonne mesure du rapport signal à bruit.

La quantification des erreurs internes a montré que les résultats étaient suffisamment précis pour des études d’archéologie galactique (σ[M/H]<0.1 dex) jusqu’à des SNR∼ 35 pixel−1

pour des étoiles de métallicité élevée ou intermédiaire ([M/H]> −1 dex). De plus, les résultats sont suffisamment précis (σ[M/H] <0.2 dex) pour distinguer les différentes

popula-tions galactiques telles que le disque mince, le disque épais ou le halo jusqu’à des SNR∼ 20 pixel−1.

Validée sur des librairies d’étoiles de référence (librairies S4N ; Allende Prieto et al. 2004,

et CFLIB ; Valdes et al. 2004), la procédure proposée est particulièrement bien adaptée pour une utilisation sur de grands relevés spectroscopiques tels que Gaia. En effet, une fois la phase d’apprentissage effectuée, le temps de calcul pour traiter 2 × 104 spectres (normalisations, estimations du SNR et estimation des paramètres) est d’environ une heure sur un ordinateur portable actuel. Nos résultats montrent, pour la première fois, quelles sont les précisions auxquelles la communauté scientifique peut s’attendre pour des spectres obtenus avec la configuration basse résolution du RVS de Gaia.

Cette procédure a déjà été implémentée en Java, et sera integrée dans la chaine d’analyse de données du DPAC de Gaia afin d’être une des méthodes utilisées pour paramétriser les spectres du RVS avec l’algorithme GSP-Spec.

10.2 Contraintes sur la formation du disque épais

La procédure automatique mise en place a été appliquée pour l’analyse d’un échantillon de ∼700 étoiles en direction des coordonnées galactiques l ∼ 277, b ∼ 47, une direction vers laquelle Gilmore et al. (2002) auraient observé les signatures d’une population accrété.

Les trois composantes galactiques (disque mince, disque épais et halo) ont été identifiées et caractérisées, montrant que le disque mince et le disque épais étaient des populations distinctes, tant chimiquement que cinématiquement. Nous avons trouvé que les étoiles du disque épais en dehors du voisinage solaire possédaient des propriétés similaires à celles mesurées localement. La métallicité du disque épais varie de −1.8 dex jusqu’à des valeurs supra-solaires (∼+0.25 dex), avec une moyenne à [M/H]=−0.45 ± 0.02 dex, en accord avec les relevés récents suggérant des

10.2. Contraintes sur la formation du disque épais 175

valeurs autour de −0.5 dex. En comparant avec les prédictions du modèle de Besançon (Robin et al. 2003), nous avons estimé que la densité locale d’étoiles du disque épais est inférieure à 18%.

Les gradients verticaux que nous avons mesuré pour les distances au-dessus du plan où le disque épais est supposé représenter la population dominante (1 < Z < 4 kpc) sont de

∂Vφ/∂Z = 19 ± 8 km s−1kpc−1et ∂[M/H]/∂Z = −0.14 ± 0.05 dex kpc−1. Ces gradients peuvent être expliqués comme la signature de la transition entre un disque mince, riche en métaux et en rotation rapide, et un disque épais de métallicité moyenne de –0.45 dex et de vitesse de rotation orbitale Vφ= −167 km s−1 (en coordonnées cylindriques).

Cette transition semble être également confirmée par la mesure de la corrélation entre la vitesse de rotation et la métallicité (∂Vφ/∂[M/H] = −45 ± 12 km s−1 dex−1). Ce résultat n’est pas en accord avec un disque épais formé principalement par des processus de migrations radiales (Sellwood & Binney 2002; Roškar et al. 2008; Schönrich & Binney 2009b; Minchev & Famaey 2010; Loebman et al. 2011). En effet, d’après cette approche, le mélange radial des étoiles âgées étant à l’origine du disque épais provoquerait la disparition de cette corrélation.

Nous avons également trouvé que le pic de la distribution des excentricités du disque épais se trouve à ε ∼ 0.3, en accord avec les valeurs obtenues par les grands relevés SDSS et RAVE. Selon les simulations numériques de Sales et al. (2009) des valeurs si faibles sembleraient exclure un disque épais formé majoritairement d’étoiles accrétées, comme proposé par Abadi et al. (2003). Enfin, nous avons recherché des signatures de variations éventuelles des échelles de longueur et de hauteur du disque épais en fonction de la métallicité. Nous n’avons pas trouvé de tendances se distinguant significativement des erreurs de mesure, suggérant que les échelles de longueur et de hauteur sont constantes et égales à hR = 3.4 ± 0.7 kpc et hZ = 694 ± 45 pc). L’hypothèse faite par Gilmore et al. (2002) d’une population accrétée dans le disque épais, pour une direction similaire (l ∼ 270, b ∼ 33) a donc été rejetée. De plus, au vu de ces résultats, le scénario de la migration radiale semble une fois encore inapproprié. En effet, des échelles de longueur et de hauteur indépendantes de la métallicité sont contraires aux prédictions de ces processus.

Les deux seuls scénarios qui semblent expliquer l’ensemble de nos observations sont le réchauffement dynamique du disque mince par des fusions mineures (Villalobos & Helmi 2008), et l’accrétion d’un satellite riche en gaz (Brook et al. 2005). Malheureusement, nos données ne nous permettent pas de faire une distinction entre ces modèles. Comme nous allons le voir dans la section suivante, des données à plus haute résolution et en quantité plus nombreuse pourraient alors aider à séparer les deux modèles.

Comment contraindre observationnellement1 les scénarios de formation du disque épais ?

Afin de pouvoir distinguer entre le modèle de réchauffement dynamique du disque mince (ex : Villalobos & Helmi 2008), ou d’accrétion d’un satellite riche en gaz (ex : Brook et al. 2005), il est nécessaire de mesurer précisément les gradients verticaux intrinsèques au disque épais. En effet, le premier scénario suppose que le disque épais conserve un gradient de métallicité, reflétant le gradient présent dans le disque mince au moment où il a été chauffé. Or le disque mince actuel possède un gradient d’environ −0.3 dex kpc−1 (Chen et al. 2003; Soubiran et al. 2008b; Ivezić et al. 2008). Ainsi, de part le réchauffement vertical des étoiles par les bras spiraux (Sellwood & Binney 2002), un gradient a dû exister assez tôt dans l’histoire de la Galaxie. Ce dernier devrait donc être mesurable dans le disque épais actuel. Au contraire, le modèle de formation par effondrement rapide d’un nuage de gaz (Brook et al. 2005), ne permettrait pas d’obtenir 1. Notons que des demandes de temps d’observations au télescope VLT de l’ESO (P.I. : G. Kordopatis) ont déjà été soumises et que d’autres suivront, afin d’obtenir des données allant dans ce sens.

176 Chapitre 10. Conclusions et perspectives

de gradient. Pour pouvoir mesurer correctement les gradients verticaux intrinsèques au disque épais, une estimation des abondances en éléments α et/ou d’éléments lourds par des spectres à plus haute résolution est nécessaire. En effet, une telle analyse permettrait d’éliminer les étoiles du disque mince qui contaminent l’échantillon de cibles du disque épais. Ce genre de données vont pouvoir être obtenues dès 2012, grâce à la spectroscopie moyenne et haute résolution du Gaia-ESO survey. Combinées aux distances et aux mouvements propres que Gaia obtiendra, il sera alors possible de mesurer avec une très grande précision les gradients verticaux jusqu’à des distances de 10 kpc du Soleil.

Un autre domaine à explorer est la queue de distribution des excentricités des étoiles du disque épais. En effet, Sales et al. (2009) et Di Matteo et al. (2011) prévoient que les étoiles accrétées d’une galaxie satellite devraient posséder de fortes excentricités. Bien que le nombre d’étoiles et la valeur de l’excentricité dépendent des paramètres d’accrétions (rapport des masses, angle d’inclinaison, quantité de gaz), détecter des étoiles du disque épais à forte excentricité permettrait d’exclure le modèle de Brook et al. (2005). Pour une telle étude, il va donc falloir pouvoir distinguer les étoiles du disque épais et du halo. En effet, une simple étude des abondances des éléments α ne permet pas de séparer les deux composantes galactiques car elles ont le même rapport [α/Fe] aux basses métallicités, et leurs distribution de vitesse peuvent se superposer. Ainsi, pour pouvoir décomposer les deux populations, un nombre de cibles suffisamment élevé pour obtenir des statistiques plus robustes sur les membres du disque épais est nécessaire. Dans ce domaine là Gaia excèlera, en observervant près de 4 × 108 étoiles du disque épais et 2 × 107 étoiles du halo.

Enfin, une autre étude importante à mener concerne les propriétés du disque épais à différents rayons galactocentriques.

– L’étude des régions externes de la Voie Lactée (R > 10 kpc) va permettre de confirmer, ou pas, l’existence d’un gauchissement (flare) du disque stellaire. En effet, les simulations numériques de Qu et al. (2011) affirment que l’augmentation de l’échelle de hauteur du disque épais dans les régions externes de la Voie Lactée, donne des indications importantes sur la masse totale accrétée par la Galaxie au cours de fusions mineures (Villalobos & Helmi 2008). L’absence de variations serait alors en accord avec le modèle de Bournaud et al. (2009), c’est-à-dire d’un disque épais formé suite à la dispersion d’étoiles et de gaz par les inhomogénéités présentes dans le disque mince initial. Bien qu’aucune prédiction n’ait été faite concernant la migration radiale sur ce sujet, nous pensons qu’un tel scénario ne devrait pas prédire d’augmentation significative de l’échelle de hauteur pour le disque épais à de grands rayons galactiques.

– L’étude des régions internes de la Voie Lactée (R < 5 kpc) va permettre d’étudier la transition entre le disque épais et le bulbe galactique et permettre de comprendre si ces deux populations sont distinctes ou pas. En effet, les scénarios de formation du disque épais par processus internes prévoient que le disque épais est formé soit simultanément au bulbe (Bournaud et al. 2009), soit par migration des étoiles du bulbe vers les régions externes (voir par exemple : Sellwood & Binney 2002; Roškar et al. 2008; Schönrich & Binney 2009b). Dans ce cas, les deux populations seraient identiques et aucune transition ne devrait être visible.

10.3. Perspectives : l’ère de l’archéologie galactique 177

10.3 Perspectives : l’ère de l’archéologie galactique

Les perspectives qui se présentent suite à ces travaux de thèse sont :

1. À court terme : Poursuivre les travaux sur l’étude de la formation du disque épais, en analysant les étoiles d’avant-plan de relevés obtenus en direction de galaxies naines (collaboration avec l’équipe DART). Cette étude va permettre de caractériser les propriétés verticales des structures galactiques à différentes positions dans la Voie Lactée. En combinant ces informations avec le calcul de gradients verticaux en métallicité, les modèles de formation du disque épais vont pouvoir être contraints.

2. À moyen terme : Un contrat post-doctoral de trois années va commencer en novembre à l’Institute of Astronomy de l’université de Cambridge, un des centres de recherche pionniers de l’archéologie galactique. Au cours de ces trois années une partie de la préparation et de l’exploitation des données du grand relevé Gaia-ESO est prévue. Il est également prévu de m’impliquer au cours de ce post-doc à l’analyse d’abondances chimiques de spectres de la mission RAVE. En effet, RAVE obtient ces données dans un domaine de longueurs d’onde et à une résolution spectrale très proches de ceux de Gaia et de ceux sur lesquels j’ai travaillé le long de ce mémoire. De plus, des travaux identiques, concernant les abondances chimiques des étoiles de galaxies naines seront menées. Enfin, la méthode de paramétrisation automatique va continuer à être développée avec l’équipe de Nice (P. de Laverny, A. Recio-Blanco, V. Hill, A. Bijaoui, C.C. Worley) afin de tester de nouveaux algorithmes ou encore de calculer une grille de spectres à dimensions plus élevées (éléments α, rotation des étoiles).

3. À long terme : Bien évidemment le but à long terme est l’exploitation scientifique de Gaia dont la quantité de données ainsi que leur précision astrométrique seront inégalées.

Annexe A