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1- Méthodologie

1.1. Contexte de la recherche

Cette recherche trouve son origine dans un constat clinique issu de la pratique de l'hypnose auprès de sujets présentant un deuil compliqué. La notion de « guérison immédiate » (Michaux, 2007), en une seule séance d'hypnose, auprès d'individus présentant une symptomatologie installée depuis des années soulève de nombreuses interrogations. Ces constats incitent à ne pas se contenter d'une explication par la pensée magique mais à explorer cette dimension pour proposer des hypothèses et modélisations possibles.

La recherche se tient en milieu hospitalier. Nous avons disposé de données qualitatives empiriques issues de la pratique clinique qui ont constitué une base de réflexion et de construction d'hypothèses. Puis nous avons procédé à une passation systématisée de l'auto-questionnaire ICG (Inventory of Complicated Grief ; Prigerson et al., 1995) sur une période de huit semaines lorsque des deuils ont été évoqués au cours des entretiens. Le nombre de questionnaires exploitables est de trente-et-un. Il fallait que les personnes soient informées de la recherche et de leurs droits puis acceptent de participer à cette phase exploratoire. Le document devait être rempli sans omission ni double cotation sur un même item, en renseignant les années de naissance, les dates de passation et de décès afin de respecter les critères temporels des classifications du deuil compliqué. Le critère de temps proposé par Prigerson est de 6 mois après le décès. Il se démarque de ce que le DSM-V détermine, soit une année après la mort du proche.

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Tableau 1. Résultats de l'investigation exploratoire quantitative menée sur huit semaines auprès d'un échantillon de trente-et-un individus déclarant avoir vécu un deuil lors d’une consultation en centre hospitalier (traitement de la douleur chronique et soins palliatifs).

Population (S.P./douleur) N=31

Hommes 9.38 %

Femmes 90.6 %

Âge moyen (années) 55.94 (26- 83)

Score ICG 35.75

Délais de consultation après le décès (en mois)

46.16 (6-210) Taux de scores supérieurs à 25 à l'ICG 81.25 %

Taux de scores inférieurs à 25 à l'ICG 18.75 %

Score le plus élevé : item 6 « Manque de l'autre et désir de le retrouver »

Score le plus bas : item 13 « Évitement des lieux associés au souvenir du défunt »

Cet échantillon caractérise une sélection particulière de population. Les sujets pouvaient être soit des patients identifiés comme douloureux chroniques en traitement, soit des personnes rencontrées en accompagnement de deuil dans le cadre des soins palliatifs. Les expériences de

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deuil sont identifiées sur une base déclarative, qui peut être spontanée ou induite par le professionnel responsable de l'orientation. Le taux de sujets dont les scores dépassent le seuil de 25/76 supposé être significatif du deuil compliqué est extrêmement élevé (81%), ce qui ne correspond pas aux données relevées en population générale (15 à 20%). Chaque individu qui a accepté de participer a été reçu en entretien d'évaluation lorsque son score était supérieur à 25. La médiane de l'ICG à 35/76 implique des profils de deuils compliqués qui sont significatifs mais qui ne relèveraient pas nécessairement d'une sévérité pathologique majeure. L'âge moyen de 56 ans implique une population plutôt jeune par rapport aux problématiques de deuil, suggérant des expériences de perte assez précoces pour certains.

Nous relevons une surreprésentation féminine (90%) qui se détermine par un taux de survie statistiquement plus élevé chez les femmes que chez les hommes, une tendance à consulter et à exprimer des troubles psychopathologiques plus représentée (O.M.S., 2001). Les stratégies d'ajustement basées sur la verbalisation des difficultés et la recherche de soutien social peuvent expliquer partiellement cette représentation. Le taux élevé de complications des deuils traduit un biais de recrutement. Les personnes sont dans un contexte de détresse psychologique qui peut induire une majoration des résultats et des plaintes. Les antécédents de deuils (Maillard et al., 2016) et d'agressions sexuelles, de 34% à 66% (Toomey, 1993), dans la population de patients douloureux chroniques sont généralement surreprésentés. Les suivis de deuil en soins palliatifs impliquent qu'un sujet ait fait la démarche de revenir consulter, parfois plusieurs mois après le décès pour bénéficier d'un soutien. Il identifie lui-même des éléments problématiques consécutifs à la perte et sollicite de l'aide à ce propos. La sélection est donc très orientée. Nous avons demandé aux professionnels que nous appellerons « orientateurs » de respecter des critères d'inclusion et d'exclusion minimalistes tels qu'un décès datant d'au moins 6 mois et avoir plus de 18 ans. La passation du questionnaire s’effectue de deux façons. Soit directement, « par opportunité », par l'expérimentateur lui-même, soit par l'orientateur qui peut indiquer la possibilité d'une rencontre avec le chercheur. Ces critères seront plus précis pour la seconde partie de l'étude. Néanmoins, ce profil de population correspond à la réalité des personnes que nous recevons dans un contexte de soins et nous permet d'accéder à la cible de notre recherche.

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Le recrutement s'est effectué par « convenance », avec une identification de sujets potentiels issus de filières de soins de type « suivis de deuil en soins palliatifs », « consultation d'évaluation et de traitement de la douleur chronique » par l'expérimentateur directement ou des psychologues et médecins informés de la recherche et de ses critères. Puis, pour l'intégration des participants, nous avons procédé à une sélection aléatoire des sujets selon l'ordre d'orientation à raison de un sur trois, soit dix patients sur une trentaine d'orientations. L’homogénéité du groupe était ainsi assurée par une communauté de problématiques autour du deuil et néanmoins une disparité de parcours, d’âges et de conditions socioculturelles par la sélection aléatoire. Nous avions un premier groupe constitué de neuf femmes et un homme, ce qui respectait le ratio observé dans la phase exploratoire. Le sujet masculin est sorti de la recherche et nous avons inclus une nouvelle participante, ce qui donne un groupe homogène de dix sujets féminins. Nous avons limité l'étude qualitative à ces dix participantes en raison de la méthode de traitement des données d'entretien qui requiert un temps long d'exploitation et une rigueur d'analyse. De plus, cette recherche ne bénéficie pas d'appui logistique pour le traitement des données. Enfin, les préconisations pour ce type de méthode qualitative phénoménologique proposent un échantillon restreint de sujets qui n'excèderait pas dix (Smith et al, 2009). Le nombre total d'entretiens est de 159 sur une année, avec une moyenne de 16 entretiens par sujet sur 12 mois. Le nombre total d'éléments de verbatim se rattachant à un traitement thématique est de 5448, regroupés en 15 thèmes majeurs, reliés en 6 hypéronymes.

Les sujets ont été informés du thème et du cadre éthique de la recherche en amont et ont donné un accord de participation. La première présentation reste générale : « Accepteriez-vous de participer à une recherche que nous menons sur le deuil dans le cadre d'une thèse de doctorat en psychologie? Elle est menée à l'hôpital en lien avec l'Université de Bourgogne ». Dans la mesure du possible, le sujet précis de la recherche est spécifié à la fin de la séquence d'étude afin de limiter les biais de désirabilité sociale dans un contexte relationnel émotionnellement investi par les participants. « Notre objectif était de comprendre le sens que pouvait prendre l'expérience hypnotique pour vous dans ce contexte de deuil difficile ». Leur possibilité de rétractation et la notion de libre consentement est alors rappelée. Les participantes qui le souhaitent signent un formulaire de consentement pour leur participation et l'exploitation des données d'entretien dans le cadre de cette recherche. Le cadre éthique de participation à une étude est également explicité, avec notamment l'anonymisation des données.

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1.2. Question de recherche, hypothèses, problématique, objectifs

La question de recherche initiale est formulée ainsi : « quel sens prend l'expérience de l'hypnose pour un sujet présentant un deuil compliqué ?». Nous avons adopté une méthode qualitative phénoménologique et exploratoire qui est peu compatible avec la construction d'hypothèses préalables. En effet, dans cette perspective, des hypothèses devraient plutôt émerger à l'issue du travail qu'en être à l'origine. Néanmoins, nous avons intégré cette démarche méthodologique au cours de notre parcours de recherche, ce qui a modifié nos postulats initiaux. Nous avons évolué d'une démarche de confrontation d'hypothèses à des données cliniques vers une approche plus ouverte et exploratoire qui vient produire de nouveaux postulats.

Ce changement de perspective avant l'engagement du protocole de recherche a rendu caduques les prérequis initiaux. Nous avions formulé en arrière-plan un certain nombre de postulats que nous souhaitions soumettre aux résultats de notre recherche. Ces éléments implicites sont à identifier parce qu'ils peuvent influencer le cours de la recherche par un biais de confirmation, alors que la démarche consiste à recevoir de la façon la plus ouverte possible le discours de chaque sujet. Des prérequis peuvent toujours être présents dans une recherche, il nous semble que l'essentiel soit de les identifier et percevoir la façon dont ils peuvent influencer le cours de l'expérimentation.

Notre problématique initiale s'articulerait ainsi : « Les processus thérapeutiques de l’hypnose dans l’approche de deuils compliqués relèvent-ils d’une fonction rituelle ? ». Et plus spécifiquement au cours de la recherche, nous avons problématisé les paramètres présents ainsi : « Les phénomènes de "guérisons immédiates" observés dans le suivi de deuils compliqués sont-ils attribuables à une fonction de rituel thérapeutique de l'hypnose ? ». Nous postulons que l'hypnose prend fonction de rituel de clôture sous l'influence de différents facteurs, ce qui expliquerait une nette scansion temporelle, un « avant » et un « après » la séance. Nous nous basons sur la compréhension du rituel qui est un marqueur du temps et un opérateur du changement. Une fois le rituel accompli, le sujet qui en est l’objet a changé de statut. Le baptême lui permet d’appartenir à la communauté chrétienne, le mariage construit des statuts

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de mari et femme, l’anniversaire marque une année supplémentaire. Les individus ne sont donc jamais les mêmes avant et après un rituel qui produit une scansion temporelle. Bowen (1993) rappelle la fonction de clôture du rite funéraire. Nous avons donc adopté cette perspective pour tenter de mettre en sens l’action de changement immédiat issue de l’hypnose clinique. Est-il possible que les guérisons instantanées relèvent de rituels de clôture, d’agrégation ?

Les hypothèses générales sont que l'hypnose peut avoir une fonction rituelle dans les deuils compliqués et que cette fonction produit un effet thérapeutique immédiat. Nous postulons également que l'endeuillé qui n'a pas vécu le rite collectif comme signifiant en raison de facteurs spécifiques (état dissociatif majeur, deuil traumatique, absence de corps ou corps mutilé, conflit sur le lieu ou sur les conditions d’inhumation) évolue plus fréquemment sur un registre de deuil compliqué et que l'hypnose pouvait jouer un rôle de clôture.

Nous pouvons opérationnaliser les hypothèses en observant si une scansion temporelle nette se produit au décours de la séance, avec une réduction ou une levée symptomatique complète. Les facteurs « temporalité » et « changement » peuvent permettre d'appréhender cette notion. L'hypothèse d'une oblitération des rites funéraires qui impacterait le processus de deuil requiert une approche rétrospective de la part du sujet et peut s'opérationnaliser par la présence de pensées et images intrusives des funérailles avec culpabilité intense. Le contenu idéatif est alors centré autour de thématiques spécifiques : « je n’ai pas pu faire ce qu’il voulait » ; « je n’ai pas été capable de respecter ses souhaits » ; « il doit m’en vouloir de ne pas l’avoir amené là où il voulait » ; « je m’en veux... je crois que je le bloque en gardant les cendres ». Comme l’illustrent ces extraits de verbatim, les contenus portent sur l’incapacité, l’impuissance, la culpabilité, l’indignité.

Les objectifs de la recherche sont de cerner plus précisément les apports et le mode de fonctionnement de l'hypnose dans les différentes manifestations du processus de deuil compliqué. Nous souhaitons également identifier les facteurs thérapeutiques associés (effet de contexte et d’attente du sujet, relation thérapeutique, structure rituelle et reprise des croyances) ainsi que des paramètres pouvant rendre le rite funéraire communautaire inopérant voire

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accentuer l’évolution vers un deuil compliqué. Cette construction initiale a influencé l'élaboration de notre guide d'entretien semi-structuré. Nous nous intéressons également au recueil d’une phénoménologie du trouble du deuil persistant dans sa diversité d’expressions cliniques.

1.3. Méthode

Notre objectif est de comprendre le sens que prend l'expérience hypnotique pour un sujet présentant un deuil persistant. Nous cherchons à explorer les éléments subjectifs associés à une approche telle que l'hypnose dans un contexte donné. Les dimensions exploratoires et expérientielles requièrent une approche de type qualitatif pour rendre compte de contenus spécifiques. L’action de la recherche vise à modifier des phénomènes, ici expérientiels, tout en identifiant des contenus. Il s'agit donc d'une « recherche-action » de type existentielle, à visée exploratoire, longitudinale, sur une année. Nous avons déterminé cette durée, douze mois, afin d’apprécier la durabilité d’éventuels changements et de différencier ce qui relève d’une dynamique psychique propre d’un simple effet suggestif éphémère. Le groupe restreint de participants correspond aux préconisations de la méthode d'analyse (Smith et al, 2009). Il concerne dix femmes, âgées de 25 à 74 ans, endeuillées depuis plus de six mois et présentant un score supérieur à 25/76 à l'ICG. Nous sélectionnons notre population d’abord par convenance puis sur un mode aléatoire. L'évaluation préalable de l'aspect prolongé du deuil se fait par la passation du questionnaire ICG, puis d'un entretien semi-structuré. Ce dernier fera l'objet d'une analyse thématique et phénoménologique interprétative. L'écoute du sujet et de son expérience du deuil se déroule sur trois séances complètes. Elles permettent de récolter un nombre important d'informations sur le vécu de chaque endeuillée mais également d'installer une alliance thérapeutique nécessaire à la pratique de l'hypnose. C'est donc à la quatrième séance que nous proposons d'expérimenter le dispositif hypnotique. Il s'est révélé nécessaire, en raison de paramètres conjoncturels ou relationnels, de prolonger cette phase préliminaire pour quatre sujets sur dix. Le nombre de séances supplémentaires variait de deux à quatre. Les trois entretiens qui suivaient la séance d'hypnose ont fait l'objet d'un traitement thématique et phénoménologique, puis essentiellement thématique pour les suivantes. Nous avons décidé de

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n'effectuer qu'une séance afin d'apprécier les paramètres rituels, de « guérison immédiate » et ce qui les sous-tendaient s'ils se produisaient au cours de notre recherche.

La « Recherche-Action » désigne une recherche théorique empirique (Fernandez & Pedinielli, 2006). Elle est écologique, c’est-à-dire se déroulant in vivo dans un contexte institutionnel d’exercice réel. Comme le précisent Fernandez et Pedinielli (2006), « elle a comme intention de modeler, d’infléchir ou de transformer la réalité économique, éducative, sociale, politique, psychologique ou religieuse […] La R-A est une action de recherche et une recherche d’action.». Nous avons respecté les contraintes d’organisation liées à l’espace délimité et au temps déterminé. Les acteurs de la recherche sont les usagers de terrain et les professionnels y intervenant.

Notre contexte d’intervention se démarque néanmoins de celui que l’on peut observer dans un cadre entrepreneurial par exemple. Nous nous inspirons plus volontiers du processus de recherche-action à dominante existentielle théorisée par barbier (1995). « Il s’agit de recherches dans lesquelles il y a une action délibérée de transformation de la réalité ; recherches ayant un double objectif : transformer la réalité et produire des connaissances concernant ces transformations » (Hugon & Seibel, 1988). Cette approche est donc écologique et phénoménologique, s’ancrant l’environnement « naturel » et la dimension subjective. Ses référents privilégiés, mais non exclusifs, sont la psychosociologie clinique, l’anthropologie et l’analyse institutionnelle. Elle aspire à dépasser les axes scientifiques habituels pour intégrer la philosophie, l’art et les données multiculturelles. Son objet principal est l’approche « situations limites » telles que la mort et les mourants, la maladie, la naissance. Elle propose une action de compréhension du sens d’un événement et de ses transformations. Elle inscrit le chercheur dans une réalité psychosociale.

De fait, la recherche-Action-Existentielle (R-A-E) élabore un cadre de pratique clinique expérimentale qui tente d’appréhender le sens de ce qui a été fait et de ce qui peut l’être à présent. Notre recherche trouve une inscription naturelle dans son environnement clinique et correspond à notre conception du rôle du psychologue qui articule différentes dimensions

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autour d’un sujet pour comprendre ce qui se déroule, proposer et mettre en œuvre des dynamiques de changement. Cette approche développée par Barbier (1995) engage une philosophie de recherche très dynamique entre pratique et théorisation. La R-A-E situe le chercheur entre implication et complexité requérant un positionnement à la fois rigoureux et méthodique, dans le choix de ses outils, des évaluations régulières, mais aussi intuitif et créatif. En ce sens, Barbier insiste sur les caractéristiques d’une triple écoute, « scientifique, philosophique et mythopoétique » qui puisse englober la multiréférentialité classique en sciences humaines (Barbier, 1995). L’auteur rappelle que la finalité du processus est « l’adaptation relative de soi au monde », c’est-à-dire permettre au sujet un changement d’attitude par rapport au principe de réalité qui s’impose à lui. Ces transformations s’opèreraient au niveau des représentations, des sensations, des émotions, des cognitions et des valeurs.

Les concepts structurant le positionnement du chercheur sont décrits comme des « notions-carrefours » par l’auteur. Il mentionne ainsi « l’écoute sensible », d’inspiration rogérienne, de l’univers affectif, imaginaire et cognitif d’un sujet pour comprendre leurs attitudes, comportements et « système de valeurs, de symboles, de mythes » (Barbier, 1995). Selon lui, la méthode se décline par un repérage et une contractualisation autour d’un problème, puis une planification et des réalisations avec rétroactions et enfin une théorisation, une évaluation et une publication.

1.4. Instruments d'évaluation, d’intervention et d'analyse

Nous avons organisé la recherche autour d'un certain nombre d'outils. Nous avons utilisé « l'Inventory of Complicated Grief » (ICG) pour la primo-détection de sujets concernés, puis l'entretien semi-directif pour évaluer la nature de l'expérience de deuil, une séance d'hypnose structurée et le recueil et l'analyse de données par « l'Interpretative Phenomenological Analysis ».

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1.4.a. Inventory of complicated grief (I.C.G.)

La passation de l'ICG se fait lors de la phase de sélection de la population. Ceci constitue une première étape, nécessaire mais non suffisante, pour caractériser la pertinence de l’inclusion d’un participant. En cas de score supérieur à 25, les sujets qui l’acceptent seront reçus pour un entretien clinique. Nous avons sélectionné comme questionnaire d'évaluation de complication du deuil l'ICG (Inventory of complicated grief, Prigerson et al., 1995) qui a été largement employé dans la recherche empirique. L'ambition de cet auto-questionnaire est de mesurer les symptômes d'une entité « deuil compliqué », distincte de la dépression et de l'anxiété. Il est également question de différencier ce qui relève d'un processus de deuil normal d'un deuil compliqué. La dimension symptomatique concerne l'incapacité à accepter la réalité de la perte, les pensées et souvenirs intrusifs liés au défunt qui altèrent le fonctionnement quotidien, le désir et le manque. Nous retrouvons également la recherche ou l'évitement de situations rappelant le défunt, l'altération du fonctionnement social (confiance, intérêt, jalousie), le sentiment de solitude et de vacuité. Enfin, le recueil symptomatique inclut l'identification aux symptômes du défunt, les perceptions sensorielles, les sentiments d'injustice, d'amertume, d'envie.

L'ICG est composé de 19 items dont une partie relevant des manifestations considérées comme sévères. L'échelle de fréquence est en 5 points : jamais (0), rarement (1), quelques fois (2), souvent (3), toujours (4). Les affirmations formulées à la première personne sont appréciées par les sujets qui les cotent sur ce gradient de fréquence de 0 (jamais) à 4 (toujours), selon le ressenti au moment de la passation de l'échelle. L'addition des scores fournit un score total qui ne peut excéder 76. Les auteurs établissent un seuil discriminant supérieur à un score de 25, à partir duquel un deuil compliqué peut être envisagé. Les études de Prigerson et son équipe (1995) montrent une forte validité interne (alpha de Cronbach : .94) et une fiabilité entre deux passations sur 6 mois (.80). L'échelle permet d'apprécier l'évolution de la qualité de vie, des

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