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2. VERS UN MODELE DE GESTION DES SIGNAUX FAIBLES

2.1. Méthodologie

2.1.3. Une recherche-action

La recherche-action est une des composantes naturelles de notre travail. La présente recherche répond à un appel d’offre, mené par un contrat CIFRE, où les industriels FonCSI et sanofi-aventis se sont engagés à fournir un terrain ; le principe d’une recherche-action était donc inscrit en filigrane dans le contrat de recherche. De plus, il nous est très rapidement apparu que notre présence sur le terrain ne serait pas sans impact sur lui. Comme nous le verrons, même en tentant d’être le plus objectif et transparent possible, notre présence et les travaux que nous avons menés ont trouvé des échos, et des mesures organisationnelles ont été prises sur certains sites.

Dubost (1987) explique que les faits sociaux doivent être étudiés de l’intérieur, in vivo, et il souligne l’importance du feedback rendu à divers degrés aux agents libérateurs (i.e. les acteurs, par opposition aux agents libérant, les chercheurs).

La méthodologie de la recherche-action (Dubost, 1987, Friedberg, 1997, Liu, 1997, Prades, 2001, Jouison, 2007) a été fondée par Kurt Lewin à la suite de ses travaux en psychologie des groupes (Lewin, 1964). Afin de bien cerner ses objectifs, nous avons noté ci-dessous la définition de Liu (1992) :

« […] une démarche de recherche fondamentale dans les sciences de l'homme, qui naît de la rencontre entre une volonté de changement et une intention de recherche. Elle poursuit un objectif dual qui consiste à réussir un projet de changement délibéré et ce faisant, faire avancer les connaissances fondamentales dans les sciences de l'homme. Elle s'appuie sur un travail conjoint entre toutes les personnes concernées ». p.294

« Pour Lewin, le terrain ne peut se limiter à être un champ d’observation, il doit être un laboratoire où le chercheur expérimente en agissant sur certains paramètres et en contrôlant les autres. »

« Le chercheur ou l‘équipe de recherche reste seul maître de la définition de la recherche. »

Eden et Huxham (1999) notent que :

« La recherche-action est une recherche qui résulte de l’implication du chercheur avec les membres d’une organisation sur un sujet qui est un véritable souci pour eux et dans laquelle il y a une intention par les membres de l’organisation de prendre des mesures (« to take action ») basées sur l’intervention. » (p.272)

… et Greenwood et Levin (1978) que :

« La recherche-action en tant que forme de recherche a les caractéristiques fondamentales suivantes: la recherche-action est contextuelle; elle vise à résoudre des problèmes de la vraie vie en situation. La recherche-action est une recherche où participants et chercheurs co-génèrent du savoir à travers des processus collaboratifs dans lesquels les contributions des participants sont prises au sérieux. » (p.251)

Ces deux dernières définitions sont soulignées par Jouison (2007) qui dit que cette recherche se fait « dans une organisation ayant accepté son intervention ». Cette participation des acteurs, cette interaction entre acteurs et chercheur n’est pas toujours évidente, et il faut parfois un appui hiérarchique, comme cela fut le cas pour pouvoir engager notre démarche de recherche. Ensuite, les acteurs ont participé à notre recherche au travers des réponses qu’ils ont apportés lors des premières études de cas, mais aussi beaucoup grâce aux discutions informelles que je pouvais avoir avec eux lors des pauses (café, déjeuner, en rentrant après leur travail, etc.). Sur tous les sites il y eu un retour formel papier, complété de discutions informelles, voir d’une présentation

en Comité de Direction et en réunion CHSCT29. Selon le type de terrain le chercheur doit avoir conscience que l’acceptation de sa présence sur le terrain n’est jamais acquise. Cette acceptation peut être d’autant plus difficile que le climat social ne s’y prête pas, ou encore s’il existe des groupes différents (par exemple des niveaux hiérarchiques) et que le chercheur est introduit par l’un ou l’autre des groupes. La phase de recherche doit donc toujours être préparée mais surtout présentée, voire négociée avec les acteurs avant de commencer effectivement. Les observations du chercheur peuvent bien entendu commencer en même temps que ces premières présentations, mais les données qui sont récoltées au tout début de la démarche ne doivent pas prévaloir dans l’analyse finale car il existera toujours un biais comportemental lié à l’arrivée d’une nouvelle personne n’ayant pas pour vocation la même activité, en l’occurrence le chercheur qui mène sa recherche.

Nous avons également noté la définition de Dubost (1987) qui précise le sens des deux termes recherche et action par :

« la recherche-action comme participation des sujets de la recherche à la conduite de la recherche elle-même, […] il ne s’agit plus d’une recherche sur l’action ou pour l’action […] mais d’une recherche en action avec la collaboration des agents eux- mêmes […]. » p. 72

Si le premier objectif de notre travail est de comprendre les signaux faibles, le second est bien d’en faire évoluer leur gestion. De plus, ces interactions régulières avec les acteurs ont également fait évoluer notre recherche. Gatot (2000) note quant à lui que :

« La recherche-action permet d'expérimenter dans la vie réelle. Ce type de démarche est particulièrement adapté pour des projets qui sont:

o complexes, grâce à la diversité des parties associées à la démarche; cette diversité génère une pluralité des objectifs, des demandes, des ressources et des compétences;

o caractérisés par l'absence d'un corps de connaissances structuré;

o réalisés avec des intervenants qui souhaitent améliorer leurs méthodes grâce à la recherche fondamentale (Liu, 1992). » p. 77

Notre travail remplit bien ces différents critères : Nous verrons dans la partie « 4. Etudes de cas », que le terrain de recherche tire sa complexité de son histoire (ses historiques), des différentes hiérarchies et organisations, des modes de communication, faisant naître des besoins différents de la population en fonction des sites, voire des métiers. Nous verrons aussi qu’il n’y a pas de définition claire des postes et donc des périmètres de responsabilités de chacun et des attentes qu’on pourrait avoir. Et finalement, ce travail de recherche a été initié à la demande de la Direction Centrale HSE de sanofi-aventis.

Finalement concernant la méthodologie de la recherche-action, d’après Dubost (1987) il existe 5 critères à satisfaire simultanément pour pouvoir parler de recherche-action :

1. Il s’agit d’une expérience s’inscrivant dans le monde réel. 2. Cette expérience est engagée sur une échelle restreinte.

3. En tant qu’action délibérée visant un changement effectif au niveau des groupes et zones concernés, elle se définit par des buts qui peuvent être fixés soit par les initiateurs du projet et des instances centrales de pouvoir qui leur donnent une position d’autorité sur la population concernée, soit par l’ensemble ou un sous-ensemble des individus et des groupes.

4. Elle est conçue dès son engagement pour permettre d’en dégager des enseignements susceptibles de généralisation.

5. Elle doit donc accepter certaines disciplines –règles ou dispositifs- permettant l’observation, la récolte d’informations, …

Notre travail se base sur une observation d’un nombre limité d’ateliers de production sanofi-aventis, circonscrits au périmètre France ; la Direction Centrale HSE est à l’origine de ce projet, parmi les visites sur le terrain certaines avaient pour but la mise en place d’un module de formation, et la méthodologie est définie ci-après.

La démarche de la recherche action, mise en place dans le cadre d’une recherche sur les organisations, est sans doute à l’origine de l’organizing de Weick. Dans Weick (1998), il note que l’organizing a pour objectif de se construire avec une variété requise encourageant les erreurs sources d’apprentissage. Pour lui l’organisation est un processus en train de se construire, d’évoluer au fur et à mesure. Cette évolution qui se produit continuellement avec ou sans l’intervention du chercheur peut cependant être canalisée voire dirigée par sa présence. Le chercheur, dans sa démarche de recherche-action ne doit pas avoir pour objectif de faire évoluer l’organisation, mais bien de canaliser cette évolution, et de réaliser une veille conjointement avec les acteurs. Le mot « acteur » y prend finalement tout son sens. Il n’est plus sujet ou acteur passif dans l’organisation évolutive mais devient acteur de cette évolution en comprenant, négociant et réalisant certaines actions de cette recherche.