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2. TROIS ÉLÉMENTS MODULANT LES ACTIVITÉS DE COLLECTION

2.1 La préférence sexuelle

2.1.6 Recension de la prévalence des intérêts sexuels des agresseurs sexuels d’enfants selon le

Après avoir recensé les différentes mesures de la préférence sexuelle, la présente section présente une synthèse des connaissances sur les préférences sexuelles déviantes des hommes. Globalement, il n’existe pas de consensus sur les préférences sexuelles déviantes des agresseurs sexuels en général. Par exemple, certaines études ont démontré que les agresseurs sexuels d’adultes et d’enfants présentaient une variété de profils quant à leurs préférences sexuelles (voir l’étude de Michaud et Proulx, 2009). Nous ferons tout de même une synthèse des préférences observées. Nous apporterons une attention particulière aux préférences sexuelles des agresseurs sexuels d’enfants. Pour ce faire, nous avons divisé la recension selon le sexe, l’âge et le niveau de violence.

Plusieurs distinctions ont été réalisées quant aux préférences sexuelles des pédophiles. La plupart des infractions sexuelles contre des enfants sont commises par des hommes, et la plupart concernent des enfants de sexe féminin (Carlstedt, Forsman, et Soderstrom, 2001). Il n’est pas rare qu’on observe tout de même des préférences pour les garçons, ou encore des abus envers eux. C’est la raison pour laquelle des auteurs comme Freund, Watson et Dickey (1991) vont parler de différenciation érotique de genre (erotic gender differentiation), qu’on définit comme la variation du genre dans le désir sexuel au sein du même groupe d’âge. Dans une étude portant spécialement sur le changement de victime auprès d’agresseurs sexuels adultes et mineurs, Guay et ses collaborateurs (2001) ont découvert qu’environ 10 % des sujets passaient d’un sexe à l’autre. Les études s’étant intéressées au sexe des victimes d’agresseurs sexuels d’enfants suggèrent que 23 % de ceux ayant été accusés de délits auprès de filles avaient aussi abusé des garçons. À l’inverse, ceux ayant été arrêtés pour abus auprès de garçons avaient abusé des filles dans 63 % des cas (Abel, et coll. 1992).

De manière plus générale, dans une revue exhaustive sur le sujet, Freund et Watson (1992) estiment qu’il y aurait 11 pédophiles hétérosexuels pour 1 pédophile homosexuel. De plus, on remarque une plus grande constance dans le choix des victimes chez les pédophiles homosexuels ainsi qu’un comportement sexuel délinquant plus spécialisé (Gebhard, 1965). Ils feraient aussi plus de victimes que ceux abusant des filles (Abel et coll., 1987) et seraient plus enclins à récidiver (Harris et Hanson, 2004). Soulignons aussi que si dans la population en général on observe que de 2 à 4 % des hommes ont des préférences homosexuelles, chez les pédophiles, on trouve des pourcentages allant de 25 à 40 % (Blanchard et coll., 2000).

Dans l’évaluation du type de déviance sexuelle, l’âge préférentiel revêt une importance capitale. Le tableau 1 présente la terminologie associée à la préférence sexuelle en fonction de l’âge. Par exemple, des distinctions ont été faites entre la pédophilie et l’hébéphilie (voir Blanchard et coll. (2008)). Le modèle le plus connu de classification est celui de Tanner. Ainsi, l’objectif du test est de trouver la catégorie d’âge préférentiel correspondant aux catégories : pédophilie (phase 1 prépubère – 10 ans ou moins), hébéphilie (phase 2 – « pubères » selon Tanner, les étapes 2 et 3, généralement âgés de 11 à 14 ans), éphébophilie (fin de l’adolescence – étape 4 de Tanner, généralement âgés de 15 et 16 ans), téléiophilie (« adultes » selon Tanner – étape 5, de l’âge de la maturité physique à celui du déclin physique), et gérontophilie (les personnes âgées) (Tanner, 1990). En explorant les caractéristiques des fantasmes des agresseurs sexuels d’enfants, Looman (1995) a constaté que l’âge moyen des enfants dans les fantasmes sexuels des sujets était de 8,3 ans pour les pédophiles et de 13,5 ans pour les hébéphiles.

Tableau 1. Terminologie associée à la préférence sexuelle quant à l’âge

Préférence Âge

Infantophilie 0-5 ans

Pédophilie 6-12 ans

Pédohébéphilie 6-16 ans

Hébéphilie 12-16 ans

En mesurant les réponses aux stimuli de femmes nues de 3 à 24 ans, les profils suivants ont été observés : les préférences sexuelles indifférenciées, soit la même amplitude de réponse pénienne pour tous les groupes d’âge (22,0 %), les préférences sexuelles pour les femmes adultes (34,1 %), les préférences sexuelles pour les adolescentes et les femmes adultes (19,5 %), les préférences sexuelles pour les filles prépubères (17,1 %) et les préférences sexuelles pour les filles prépubères et les femmes adultes (7,3 %) (Michaud et Proulx, 2009). Cette étude confirme que, d’une part, il est généralement commun chez les agresseurs sexuels d’enfants de s’intéresser aux femmes adultes ( , 2001 et Worling, 2006) et, d’autre part, elle indique aussi que les préférences sexuelles ne pourraient être clairement délimitées. Ainsi, il existerait un type transitionnel qui se caractériserait par une vaste étendue de préférences allant de la prépuberté à la puberté (Freund, Seeley, Marshall, et Glinfort, 1972). Bien que le groupe de pédophiles soit bel et bien établi, un groupe intermédiaire, plus rare, serait aussi apparu. Dans le groupe des pédohébéphiles, il y aura une attirance sexuelle à peu près égale pour les enfants et les adolescents qui serait plus forte que celle que susciteront les personnes physiquement matures (Freund, 1984).

Bien que la préférence qui y est associée ne soit pas considérée comme prévalente, les infantophiles constituent une catégorie ayant intéressé certains chercheurs. Ainsi, on parle d’« infantophilie » dans les cas où les préférences sexuelles iraient de la naissance à cinq ans (Carlstedt et coll., 2009). On qualifierait cette catégorie de plus dangereuse que les autres puisque les personnes qui en feraient partie auraient accès à un plus grand bassin de victimes accessibles, étant donné leur préférence indifférenciée pour le sexe de la victime (Carlstedt et coll., 2009), mais aussi parce que le tort causé serait encore plus grand chez les victimes de cet âge. Comme mentionné précédemment, les préférences sexuelles ne sont pas toujours fixées pour certains individus.

On a observé le phénomène du croisement (crossover), qu’on définit comme le fait de s’engager dans plus d’un type de comportements de délinquance sexuelle selon le lien qui unit la victime et l’agresseur, le sexe ou le groupe d’âge (Levenson, Becker, et Morin, 2008). Plus particulièrement, Levenson et ses collègues (2008) ont émis l’hypothèse que les pédophiles attirés par les très jeunes enfants auraient des préférences moins fixées quant au genre. Cette hypothèse a été vérifiée dans le cadre d’une étude utilisant la pléthysmographie (Freund et coll., 1991). Plus récemment, Seto (2012) affirmait que le sexe et l’âge de la victime ne sont pas complètement indépendants. Ainsi, les individus pédophiles auraient moins tendance à faire une différence entre les garçons et les filles que les téléiophiles puisqu’ils diffèrent moins en termes de taille et de forme, comparativement aux hommes et aux femmes. De plus, ce que Seto appelle le développement sexuel secondaire (seins, pilosité axillaire et pubienne, taille et forme des organes génitaux externes) fournirait également des indices d’âge à un adulte (Seto, 2012). Mentionnons également une analyse de croisement dans un échantillon de 362 agresseurs sexuels ayant commis des crimes de prédation en Floride, aux États-Unis. Les résultats indiquent que la proportion des délinquants sexuels ayant fait des victimes des deux sexes augmente significativement lorsque l’âge de la victime diminue. Les délinquants sexuels ayant fait des victimes d’âge préscolaire étaient plus enclins à avoir abusé des garçons et des filles (Levenson et coll., 2008). Une autre étude a classé 55 individus dans un regroupement ayant des préférences sexuelles déviantes pour des contacts violents et non violents avec des enfants prépubères des deux sexes. (Michaud et Proulx, 2009). On ne connaît toujours pas les raisons de l’attirance pour ce groupe d’âge précis (Freund et coll., 1991; Marshall, 1997).

Par ailleurs, les dernières décennies ont vu l’apparition de contenus hébéphiles avec l’avènement d’Internet. Pourtant, on discutait déjà dans les années 1970 de cette préférence sexuelle. Freund et ses collaborateurs (1972) affirmaient à leur sujet que si on exclut une analyse juridique, et surtout dans le cas de jeunes hommes, les jeunes filles au début de la puberté peuvent ne pas être perçues comme des partenaires inappropriées. Soulignons que des chercheurs ont déjà soumis l’idée que la catégorie des hébéphiles était un groupe bien distinct des autres types d’agresseurs sexuels (Blanchard et coll., 2008).

De nombreuses études se sont intéressées au degré de violence dans les agressions sexuelles. Les études sur la violence chez les pédophiles, beaucoup plus rares que chez les agresseurs de femmes adultes, suggèrent l’importance de distinguer les agresseurs sexuels d’enfants (molesters), qui dominent psychologiquement leur victime, et les violeurs d’enfants (child rapists), qui recourent à la coercition et à la violence (Lanyon, 2001). C’est le degré de violence dans le modus operandi qui distinguerait les deux groupes (Knight, Rosenberg, et Schneider, 1985). Toutefois, la littérature à ce sujet n’est pas très abondante, ou encore, elle ne rapporte pas de préférences sexuelles violentes chez les pédophiles. Par exemple, l’étude de Greenberg et ses collaborateurs (1996) indique que même chez les pédophiles ayant des tendances agressives, on ne pouvait établir de lien significatif entre le degré de violence et leurs crimes.