• Aucun résultat trouvé

Recensements des types prairiaux à l’échelle du massif vosgien

3. Travail de terrain 2017-2019

3.1. Recensements des types prairiaux à l’échelle du massif vosgien

L’objectif de la première phase de terrain était de caractériser la diversité des prairies permanentes, pour pouvoir sélectionner ensuite des prairies représentatives à étudier plus précisément. J’ai attribué un type phytosociologique et un type agronomique à 142 prairies du massif vosgien, permettant d’étudier la diversité des communautés végétales et des pratiques agricoles. Cette phase a été réalisée avec l’aide de trois stagiaires de niveau Master 2 : Gaëlle Imbert, Louise Lobjois et Marc Bisset.

3.1.1. Attribution des types agronomiques, fonctionnels et phytosociologiques

J’ai sélectionné les prairies de façon à recouvrir la diversité des pratiques et des milieux observables sur le massif. Afin de pouvoir s’assurer de la diversité des types prairiaux, j’ai sélectionné les prairies parmi celles déjà étudiées lors des précédentes typologies du massif vosgien. Ainsi, une centaine de prairies avait déjà été suivie pour la réalisation des typologies agronomiques (Bayeur et al., 2013; Collectif, 2006), et une cinquantaine pour le référentiel phytosociologique (Ferrez et al., 2017).

A. Types agronomiques

Lors des précédentes études, 25 types agronomiques ont été identifiés (Bayeur et al., 2013; Collectif, 2006). Il est possible d’attribuer les types agronomiques grâce aux pratiques agricoles (Annexe 3 et Annexe 4). Nous avons donc interrogé les agriculteurs gérant les prairies étudiées à propos de leurs pratiques agricoles (utilisation de la prairie, fertilisation, …), mais nous avons

68 aussi profité de cet entretien pour connaitre leur vision des prairies permanentes en général, leurs attentes vis-à-vis des prairies étudiées, et l’historique de ces dernières.

B. Types phytosociologiques

Afin d’attribuer des types phytosociologiques, des relevés botaniques sont nécessaires. Cependant, la phytosociologie est une science demandant une parfaite maitrise de la botanique en plus de la phytosociologie elle-même. Afin de limiter les erreurs lors de la détermination de la végétation et donc du type phytosociologique, nous avons décidé de développer une clé de détermination simplifiée, se basant uniquement sur les genres floristiques et non les espèces. Pour développer cette clé, j’ai créé un arbre de régression s’appuyant sur les 550 relevés prairiaux réalisés par les Conservatoires Botaniques lors de la création du référentiel phytosociologique, grâce au logiciel R et au package mvpart (R Core Team, 2019; Therneau and Atkinson, 2014). Grâce à une matrice de confusion, j’ai pu vérifier que la clé permet la bonne classification de 80% des prairies, bien que seuls 48 genres botaniques soient nécessaires à la détermination des types. Nous avons donc réalisé des relevés botaniques simplifiés, dont l’objectif était de noter la présence ou l’absence des 48 genres ciblés, afin de déterminer le type phytosociologique de chaque prairie.

Nous avons ainsi pu attribuer un type agronomique et un type phytosociologique à 142 prairies, gérées par 56 agriculteurs. Nous avons observé 20 types phytosociologiques sur les 25 possibles, et les 25 types agronomiques précédemment décrits (Figure 11). De plus, nous avons observé 86 combinaisons entre types phytosociologiques et agronomiques (Tableau 3).

C. Attribution de types fonctionnels

Enfin, j’ai attribué des types fonctionnels aux prairies permanentes du massif vosgien. Cependant, comme cette typologie n’a pas été développée pour le massif vosgien et n’utilise pas toute la diversité botanique, je n’ai pas comparé les types fonctionnels aux types agronomiques et phytosociologiques.

Cruz et al. (2010) ont attribué un type (A, B, b, C et D) à 38 des graminées (Poaceaes) les plus communes des prairies françaises. Ces classes sont basées sur des ensembles de traits foliaires (teneur en matière sèche, surface spécifique, longévité, résistance à la case) et de traits liés à la plante entière (date de floraison, hauteur maximale). Cruz et al. (2010) ont ensuite proposé une méthode permettant d’extrapoler ces types de graminées à la prairie.

J’ai adapté cette méthode afin de limiter le nombre de types ne contenant qu’une seule prairie. Si un type de graminées représente à lui seul plus de 60% de l’abondance des graminées de la prairie, alors la prairie est associée à ce type (ex : 76% de graminées de type A, 3% de B et 21% de C induisent une prairie de type A), comme l’ont proposé Cruz et al. (2010). Sinon, la prairie est définie par les deux principaux types de graminées, par ordre décroissant de leur abondance (ex : 28% de A, 30% de B, 10% de b et 32% de C induisent une prairie de type CB).

69

70 Types phytosociologiques 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 14 16 18 20 25 29 30 31 Ty p es ag ro n o m iq u es Vo sg es du No rd 1 3 2 1 2 3 2 1 1 1 3 1 4 1 2 5 1 1 6 1 2 7 1 1 1 1 1 8 1 9 1 1 1 10 1 1 11 2 1 12 1 3 1 13 3 14 1 1 1 Ty p es ag ro . Ball o n s d es V o sg es 1 2 1 3 2 1 1 1 11 1 1 1 3 3 1 2 2 2 1 4 1 4 1 1 1 1 5 1 2 6 1 1 3 3 1 2 2 7 1 1 2 8 2 1 3 9 1 1 3 2 1 2 1 2 10 2 3 11 1 1 4 1

Tableau 3 Combinaisons entre types phytosociologiques et types agronomiques

Sont mis en avant les types phytosociologiques sans lien avec l’une des typologies agronomiques (gris), les combinaisons sélectionnées pour une études approfondie (vert), et les combinaisons fusionnées car suffisamment proches (bleu, orange et violet).

3.1.2. Combinaisons entre types phytosociologiques et agronomiques

Il n’existe pas de lien exclusif entre un type phytosociologique et un type agronomique (Tableau 3), il est donc possible d’émettre l’hypothèse que les typologies diffèrent dans leurs méthodes et leurs capacités à prédire les propriétés agroécologiques. Il existe donc probablement une méthode meilleure que l’autre, ou une complémentarité entre les méthodes selon les propriétés à prédire.

Il est facilement observable que certains types phytosociologiques ne sont présents que dans une partie du massif : par exemple le type 4 est uniquement présent dans les Vosges du Nord, alors que le type 6 est uniquement présent dans les Ballons des Vosges (Tableau 3). Cette répartition est certainement due aux différences géologiques et topographiques entre ces deux zones du massif vosgien. Enfin, on peut voir que certains types agronomiques ne sont liés qu’à un type phytosociologique (type Vosges du Nord 1 par exemple) et que certains types phytosociologiques ne sont liés qu’à un type agronomique (type phytosociologique 9).

71 3.1.3. Sélection des combinaisons les plus importantes

Grâce à ces résultats, j’ai pu sélectionner 20 combinaisons entre types agronomiques et types phytosociologiques, afin d’étudier plus précisément les liens entre pratique, milieu, végétation et propriétés agroécologiques. Cette sélection a été faite à dire d’expert, en collaboration avec les acteurs du projet d’étude des prairies permanentes du massif. Vingt combinaisons composées de trois prairies, soit 60 prairies, ont été jugées suffisantes pour couvrir la diversité des situations du massif vosgien, tout en permettant un suivi de terrain par une équipe restreinte. J’ai sélectionné des combinaisons dont la fréquence d’apparition était forte à l’échelle du territoire, telles que la combinaison entre type phytosociologique 11 et le type agronomique des Ballons des Vosges 2, qui a été observée 11 fois (Tableau 3). J’ai sélectionné d’autres combinaisons pour leur importance écologique, telle que la combinaison entre le type phytosociologique 1 et le type agronomique des Ballons des Vosges 8 regroupant des prairies de fauche extensives d’intérêt patrimonial majeur ; ou pour leurs enjeux agronomiques comme la combinaison entre type phytosociologique 31 et le type agronomique des Ballons des Vosges 2, typique des prairies d’altitude sous exploitées pouvant permettre d’augmenter l’autonomie fourragère des exploitations agricoles. Les combinaisons sélectionnées sont mises en couleurs dans le Tableau 3.

Enfin, j’ai estimé que certaines associations avaient des compositions botaniques et répondaient à des enjeux écologiques et agronomiques suffisamment proches pour être rassemblées. J’ai ainsi créé une association entre le type phytosociologique 5 et les types agronomiques Ballons des Vosges 8 et 9 ; entre le type phytosociologique 31 et les types agronomiques Ballons des Vosges 5 et 6 ; entre le type phytosociologique 12, le type agronomique Vosges du Nord 12 et les prairies pâturées du type agronomique Ballons des Vosges 3 ; et enfin entre le type phytosociologique 12, le type agronomique Vosges du Nord 13 et les prairies fauchées du type agronomique Ballons des Vosges 3.