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Les rapports du Traité avec les autres instruments de droit international Le TCA s’inscrit dans la nébuleuse du droit international public, composée de multiples

III. Le Traité sur le commerce des armes

3.5.2. Les rapports du Traité avec les autres instruments de droit international Le TCA s’inscrit dans la nébuleuse du droit international public, composée de multiples

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non discriminatoire (art. 5(1) et (2) TCA). Cela signifie que le Traité doit être appliqué d’une manière qui offre une certaine prévisibilité dans les décisions d’exportation, que les critères d’exportations doivent être examinés de manière impartiale et qu’aucun Etat ne doit être automatiquement ou arbitrairement exclu de la procédure d’examen en vue d’autoriser une exportation d’armes174. Le Traité oblige les Etats à instituer un régime de contrôle national et une autorité de contrôle chargée d’examiner les transferts d’armes et d’assurer l’échange d’informations175.

3.5.1.1. L’exemple de la Suisse

En droit suisse, le TCA est mis en œuvre par la LFMG, par le biais de l’activité du SECO (art. 13 OMG). L’adhésion au TCA n’a nécessité aucune adaptation du droit suisse car ce dernier était déjà conforme au Traité – si ce n’est plus strict que ce dernier176. Le champ d’application matériel de la LFMG est en effet plus large que celui du TCA. Basé sur la liste du WA (art. 2 OMG et Annexe 1), il inclut, par exemple, les grenades à mains (qui ne ressortent pas clairement du champ d’application du TCA) et davantage de véhicules automobiles que le Traité177. Par ailleurs, les critères d’exportation prévus par le droit suisse sont au moins aussi exigeants que ceux fixés par le Traité et le processus généralisé de déclarations de non-réexportation ainsi que les post-shipments verifications permettent, lorsqu’ils sont effectués, un suivi des armes exportées. De son côté, le TCA ne fait qu’encourager la mise en place de ce genre de systèmes dans le but de prévenir le détournement des biens exportés (art. 11(2) TCA). Il s’ensuit que si le droit suisse est respecté, le TCA l’est a fortiori aussi.

3.5.2. Les rapports du Traité avec les autres instruments de droit international Le TCA s’inscrit dans la nébuleuse du droit international public, composée de multiples accords internationaux, de règles coutumières et d’actes de soft law politiquement contraignants. La question des rapports du TCA avec ces autres instruments doit donc être examinée. En premier lieu, il convient de noter que le TCA ne saurait être invoqué pour priver d’effet les accords de coopération en matière de défense conclus entre Etats Parties (art. 26(2) TCA). En second lieu, il ne porte pas préjudice aux autres obligations souscrites par les Etats Parties, pour autant que ces obligations soient en cohérence avec le texte du Traité (art. 26(1) TCA). Par conséquent, les différentes obligations auxquelles les Etats ont souscrit se cumulent et se renforcent mutuellement. Précisons encore que dans son Message, le CF suisse s’est engagé à ce qu’en cas de divergences ou de contradictions entre des dispositions normatives, « la Suisse appliquera les dispositions les plus sévères afin de remplir ses obligations et d’assurer la promotion des objectifs du traité »178. Nous

174 CAONERO/MERREL WETTERWIK, The ATT Annotated, p. 79.

175 FF 2014 1485, p. 1500.

176 Ibid., p. 1499.

177 La catégorie KM 6 de l’Annexe 1 à l’OMG inclut également des véhicules qui ne sont pas blindés, alors qu’ils sont exclus de l’art. 2(1)(b) TCA (Entretien avec le SECO).

178 FF 2014 1485, p. 1490.

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présenterons brièvement les autres accords internationaux auxquels la Suisse est partie et qui interagissent avec le TCA (3.5.2.1.). Nous examinerons également la question du rapport du TCA avec le droit international coutumier (3.5.2.2.) et la soft law à laquelle la Suisse a adhéré (3.5.2.3.).

3.5.2.1. Le droit international conventionnel

En matière d’armement, la Suisse est liée par plusieurs conventions auxquelles, conformément à la tradition helvétique moniste, elle reconnaît une validité immédiate179. La plupart de ces conventions sont des instruments de non-prolifération et de désarmement qui ont pour objet des types d’armes spécifiques comme les armes chimiques (CIAC180) les armes biologiques (CAB181) et les armes nucléaires (TNP182), mais non les armes classiques.

Quant aux traités internationaux qui portent sur les armes conventionnelles (et TCA mis à part), ils n’abordent la question du transfert que de façon limitée et se bornent à couvrir certains types d’armes classiques. A titre d’exemple, la CCAC de 1980183 et ses cinq protocoles interdisent le transfert de certaines mines (art. 8(1) CCAC et son Protocole II). La Convention d’Ottawa184 prohibe, elle, l’emploi, le stockage, la production et le transfert des mines antipersonnel (art. 1(1) Convention d’Ottawa). Enfin, la Convention sur les armes à sous-munitions185 interdit les mêmes activités qui porteraient sur des armes à sous-munitions (art. 1(1) Convention sur les armes à sous-munitions). S’agissant d’ALPC, le Protocole des Nations Unies sur les armes à feu186 additionnel à la Convention contre la criminalité transnationale organisée187 prévoit l’instauration ou le maintien d’un système efficace de licences et de mesures sur le transit international d’ALPC (art. 10(1) Protocole). Enfin, les CG et leurs protocoles additionnels, qui ne sont pas des instruments de désarmement, encadrent l’usage des armes classiques dans les conflits armés par le biais des principes de nécessité militaire, de proportionnalité, de discrimination et de précaution. Ces différents instruments lient la Suisse et peuvent servir à interpréter les dispositions du TCA (art. 31 CVDT).

3.5.2.2. Le droit international coutumier

Contrairement aux règles du droit conventionnel qui ne lient que les Etats qui sont parties à la Convention en question, les principes de droit international coutumier lient tous les Etats, indépendamment du fait qu’ils ont ratifié un traité international en la matière. La coutume est constituée de règles découlant d’une « pratique générale acceptée comme étant le droit »188. Elle naît de la conjonction de deux éléments : la pratique effective et répétée des Etats

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(consuetudo) ainsi que la conviction des sujets de droit que l’accomplissement de tels actes est obligatoire (opinio iuris)189.

A l’heure actuelle, plusieurs règles de DIH coutumier interdisent ou limitent les méthodes et moyens de conduite des hostilités, et par conséquent l’emploi de certaines armes classiques190. Sont interdites les armes qui ne permettent pas de faire la distinction entre la population civile et les combattants, respectivement entre les biens civils et les objectifs militaires191 (principe de distinction192), comme les armes biologiques ou chimiques193. Sont également prohibées les armes qui causent des maux superflus194 (comme les balles qui s’épanouissent et les balles explosives195) ainsi que celles qui rendent la mort inévitable (principe de proportionnalité196). Par ailleurs, les belligérants – qu’ils soient de nature étatique ou non – sont tenus de prendre les précautions nécessaires afin de limiter les conséquences des attaques (principe de précaution197). En revanche, aucune règle coutumière ne traite de la problématique du commerce des armes. A l’heure actuelle, l’interdiction de transférer (et d’employer, de produire et de stocker) les mines antipersonnel ou les armes à munitions prévue par la Convention d’Ottawa et par la Convention sur les armes à sous-munitions ne relève en effet pas (encore ?) du droit international coutumier198. Cela signifie que seuls les Etats parties à ces instruments sont liés par la prohibition de transférer des mines antipersonnel, respectivement des armes à sous-munitions.

Ainsi, à l’exclusion des règles coutumières qui limitent ou interdisent l’usage de certaines armes parce qu’elles sont contraires aux principes humanitaires, aucune règle de droit international coutumier n’a trait au commerce international des armes conventionnelles199. Dans ce contexte, l’adoption du TCA constitue une avancée d’autant plus grande pour les défenseurs du DIH et des droits de l’homme.

3.5.2.3. La soft law

En sus de ses obligations découlant du droit national et du droit international, la Suisse s’est engagée à respecter diverses sources de soft law en matière d’exportation d’armes. A la différence des instruments conventionnels, la soft law n’est pas juridiquement contraignante.

Elle cristallise néanmoins des engagements moraux et politiques par lesquels les Etats sont liés en vertu du principe de la bonne foi200.

189 DAILLIER/FORTEAU/QUOC DINH/PELLET, p. 353.

190 DFAE, Interdiction et limitation de certaines armes classiques.

191 HENCKAERTS/DOSWALD-BECK, Règle 71, pp. 324-333.

192 Art. 51(4) PA I. Voir également HENCKAERTS/DOSWALD-BECK, Règles 1, 7, pp. 3-10, 34-40.

193 Ibid., Règles 73-74, pp. 340-343, 344-349.

194 Ibid., Règle 70, pp. 315-324.

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A titre d’exemple, mentionnons trois instruments que la Suisse s’est engagée à respecter : les Directives relatives aux transferts internationaux d’armes201 (établies par la Commission du désarmement et adoptées par l’AG des NU en 1991) qui invitent les Etats à lutter contre le commerce illicite des armes (point 2) et à élaborer des normes de réglementation harmonisées en matière de transferts d’armes (point 4), le Programme d’action des Nations Unies visant à lutter contre le commerce illicite d’ALPC sous tous ses aspects, de 2001202, ou encore l’Instrument international visant à permettre aux Etats de procéder à l’identification et au traçage rapides et fiables des ALPC de 2005. Outre la soft law émanant des NU, d’autres instruments lient politiquement la Suisse. Le WA est un régime de soft law qui porte à la fois sur les armes conventionnelles et sur les biens à double usage. En promouvant le contrôle et la transparence dans les exportations d’armes classiques et de biens à double usage, le WA a pour objectif de prévenir l’accumulation déstabilisatrice d’armes et d’assurer la sécurité et la stabilité régionales et internationales203. Les exportations de biens à double usage (c’est-à-dire de biens utilisables à des fins tant civiles que militaires [art. 3(b) LCB]) font également l’objet de trois régimes internationaux de soft law. Ces régimes de contrôle ont pour but de prévenir la prolifération d’armes de destruction massive comme les armes chimiques et biologiques (GA), les armes nucléaires (NSG) et les missiles balistiques et aéronefs sans pilote (MTCR)204. Toujours en conformité avec l’objet et le but du TCA, les dispositions de ces différents instruments, qui sont un peu plus complètes et détaillées que celles du Traité, peuvent servent à son interprétation et à sa mise en œuvre205.