• Aucun résultat trouvé

Le processus de délivrance des autorisations d’exportation en Suisse

III. Le Traité sur le commerce des armes

3.4.1. Le processus de délivrance des autorisations d’exportation en Suisse

13 Les autorisations d’exportation 3.4.

Les autorisations d’exportation sont délivrées par l’autorité nationale compétente après examen des conditions d’exportation fixées par le droit international et par la législation interne de l’Etat exportateur. Nous présenterons brièvement le processus de délivrance des autorisations d’exporter qui prévaut en Suisse (3.4.1). Nous analyserons ensuite les principaux critères d’exportation relatifs au respect des droits de l’homme prévus par les art.

6 et 7 TCA (3.4.2, 3.4.3) ainsi que les dispositions qui leur font écho en droit suisse, à savoir les art. 22 LFMG et 5 al. 1 et 2 OMG103.

3.4.1. Le processus de délivrance des autorisations d’exportation en Suisse

En Suisse, l’exportation de matériel de guerre à un destinataire à l’étranger est soumise à la législation sur le matériel de guerre, à savoir la LFMG, l’OMG et les annexes y relatives.

Grâce au contrôle de la fabrication et du transfert du matériel de guerre, la LFMG vise à assurer un compromis entre le « respect des obligations internationales et des principes de la politique étrangère de la Suisse » d’une part, et « le maintien en Suisse d’une capacité industrielle adaptée aux besoins de sa défense » d’autre part (art. 1 LFMG).

La LFMG prévoit un double régime d’autorisation104 : quiconque veut exporter du matériel de guerre doit disposer à la fois d’une autorisation initiale garantissant que son activité n’est pas contraire aux intérêts du pays (art. 9-11 LFMG) et d’une autorisation spécifique de durée limitée selon son activité (exportation, courtage, transit, transfert de know-how, etc.) (art. 12-25 LFMG). Une exception existe cependant : les entreprises d’armement de la Confédération sont exemptées de l’autorisation initiale (art. 4 LFMG). Le SECO est compétent pour accorder les autorisations d’exportation (art. 13 al. 1 OMG). Il délivre les autorisations initiales après consultation du SRC, et les autorisations spécifiques en accord avec le DFAE ainsi qu’avec d’autres services fédéraux, lorsque cela s’avère nécessaire (art. 14 OMG). En cas de désaccord sur le sort de la demande ou si la portée de la demande sur le plan de la politique extérieure ou de la politique de sécurité est considérable, la demande est soumise au CF (art. 14 al. 4 OMG).

En principe, une autorisation n’est délivrée que pour les exportations de biens militaires à un gouvernement étranger ou à une entreprise travaillant pour un tel gouvernement (art. 18 al. 1 LFMG). Afin d’éviter que le matériel ne soit ensuite transféré vers un autre Etat où il pourrait servir à commettre des violations du droit international ou des droits de l’homme, la LFMG exige une déclaration de non-réexportation (art. 18 al. 1 LFMG, 5a OMG) : l’importateur doit fournir une déclaration écrite par laquelle il s’engage à ne pas réexporter le matériel à un Etat tiers sans l’accord de la Suisse. Cette disposition vise à éviter que les armes exportées depuis la Suisse ne soient ensuite transférées à un pays vers lequel l’exportation directe aurait été interdite, ce qui entraînerait de facto un contournement du droit. Il est toutefois possible de

103 RS 514.511.

104 SECO, Rapport annuel 2016, p. 6.

14

renoncer à la déclaration de non-réexportation lorsque les biens exportés sont des pièces détachées ou des éléments d’assemblage de faible valeur (art. 18 al. 2 LFMG, 5a al. 1 OMG).

Par ailleurs, fait rare dans un droit national, l’OMG prévoit la possibilité pour le SECO d’exiger d’aller vérifier sur place l’application des déclarations de non-réexportation (« post-shipment verification ») (art. 5a al. 3 OMG)105. En 2016, le SECO a effectué des contrôles dans sept Etats ; aucune violation de l’engagement de non-réexportation n’a été constatée106.

3.4.2. L’art. 6 TCA : les interdictions absolues d’exporter

Le modèle de régulation des exportations instauré par le TCA se base sur une évaluation des risques par les Etats. Le critère déterminant afin d’autoriser les exportations d’armes à destination d’un Etat étranger est le degré de connaissance par l’Etat exportateur de l’utilisation future des armes exportées, notamment de leur possible usage afin de commettre des violations du DIH ou du DIDH. L’art. 6 TCA constitue, avec l’art. 7 TCA, le cœur du Traité107. Directement inspirées du système prévu en droit suisse108, ces dispositions prévoient des interdictions absolues d’exporter et, si l’exportation n’est pas interdite sur cette base, une liste d’éléments qui doivent être pris en considération par l’Etat exportateur avant d’autoriser, ou non, un transfert d’armes à l’étranger.

L’art. 6 TCA prohibe le transfert d’armes classiques (art. 2(1) TCA) et de biens couverts par les art. 3 et 4 TCA dans trois hypothèses. Ces interdictions sont absolues et ne souffrent aucune exception109. D’abord, les Etats parties ne doivent pas autoriser les transferts d’armes qui iraient à l’encontre des mesures prises par le CS des NU sur la base du Chapitre VII de la Charte des NU, notamment dans le cas d’un embargo sur les armes (art. 6(1) TCA)110. En tant qu’Etat membre des NU, la Suisse met en œuvre de telles sanctions décidées par le CS des NU à travers la LEmb111, conformément à l’art. 25 LFMG. Ensuite, les transferts d’armes autorisés ne doivent pas être contraires aux obligations internationales de l’Etat en cause (art.

6(2) TCA). Cette disposition ne fait que rappeler que le TCA est complémentaire aux autres instruments ratifiés par les Etats parties, et que les obligations qu’il prévoit s’appliquent en plus des obligations découlant d’autres instruments. La Suisse doit donc appliquer cumulativement les dispositions des différents traités qu’elle a ratifiés (art. 7, 8c et 22 LFMG). Enfin – et c’est là un des points les plus importants et les plus controversés du

105 SECO, Exportations de matériel de guerre en 2016.

106 Les contrôles ont été effectués au Chili, au Kenya, au Koweït, en Oman, au Sénégal, aux Seychelles et en Thaïlande (SECO, Rapport annuel 2016, p. 8).

107 CASEY-MASLEN/GIACCA,The ATT : A Commentary, p. 246.

108 Entretien avec le SECO.

109 CASEY-MASLEN/GIACCA,The ATT : A Commentary, p. 178.

110 A la mi-avril 2017, treize embargos contraignants des NU étaient en force contre la République Centrafricaine, les groupes armés non-étatiques en République démocratique du Congo, l’Erythrée, l’Iran, les groupes armés non étatiques en Irak, les groupes armés non étatiques au Liban, la Libye, la Corée du Nord, la Somalie, le Soudan (région du Darfour), les groupes armés non étatiques au Yémen, les groupes armés Etat Islamique d’Irak et du Levant, le Front el-Nosra, Al-Qaida et les groupes et individus y relatifs ainsi que les Talibans (SIPRI, Arms Embargoes Database).

111 RS 946.231.

15

Traité112 – un Etat partie ne doit pas autoriser de transfert d’armes ou de biens « s’il a connaissance, lors de l’autorisation, que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil ou protégés comme tels, ou d’autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels il est partie » (art. 6(3) TCA).

Le champ d’application de l’art. 6 TCA est large, puisqu’il inclut tout type de transfert au sens de l’art. 2(2) TCA (à savoir l’exportation, l’importation, le transit, le transbordement et le courtage) et, à la différence d’autres dispositions comme les art. 8 à 13 TCA, l’art. 6 TCA a pour objet toutes les catégories d’armes classiques énumérées à l’art. 2(1) TCA ainsi que leurs munitions, pièces et composants (art. 3 et 4 TCA)113.

S’agissant plus particulièrement de l’interdiction posée par l’art. 6(3) TCA, deux conditions cumulatives doivent être remplies. Premièrement, les armes ou les biens pourraient servir à commettre l’un des crimes énumérés (3.4.2.1). Deuxièmement, l’Etat partie a connaissance, au moment de la délivrance de l’autorisation, que les armes ou bien pourraient servir à cette fin (3.4.2.2).

3.4.2.1. L’élément objectif de l’art. 6(3) TCA : les crimes visés

L’art. 6(3) TCA vise les cas dans lesquels les armes ou les biens exportés pourraient servir à commettre l’un des cinq crimes exhaustivement énumérés. L’utilisation du conditionnel indique qu’une violation de l’art. 6(3) TCA ne requiert pas que les armes ou les biens exportés soient effectivement utilisés afin de commettre l’un des crimes mentionnés ; la délivrance de l’autorisation d’exportation en connaissance du risque suffit114. Nous nous limiterons à une présentation des notions de crimes énumérés à l’art. 6(3) TCA, car une étude détaillée des questions relatives à l’interprétation de ces crimes sortirait du cadre du présent travail.

Le Traité prohibe en premier lieu toute autorisation d’exportation si les armes pourraient servir à commettre un génocide, que le risque provienne d’un particulier ou de l’Etat lui-même115. Le TCA ne définit pas la notion de génocide et ne renvoie pas expressément à un traité. A teneur de l’art. 31(3)(c) CVDT, il convient de l’interpréter en tenant compte (notamment) « de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties ». Il semble clair que la notion de « génocide » au sens du TCA doit être interprétée conformément à l’art. II de la Convention pour la prévention et la répression du

112 Ce paragraphe est à l’origine de l’abstention de plusieurs Etats lors du vote d’adoption du Traité, le 2 avril 2013. En particulier, la Russie, le Soudan et le Belarus reprochaient l’absence d’interdiction des transferts aux acteurs non étatiques non autorisés (DA SILVA/NEVILL, The ATT Annotated, p. 89).

113 La question de savoir si l’exportation couvre également les dons et autres transactions à titre non onéreux est controversée. Mais selon le principe de la bonne foi, un Etat partie ne saurait se défausser de ses obligations en ayant recours à des dons d’armes (CASEY-MASLEN/GIACCA,The ATT : A Commentary, p. 246).

114 Ibid., p. 207.

115 Ibid., p. 211.

16

crime de génocide116, c’est-à-dire la commission d’un des actes énumérés dans l’intention de détruire un groupe déterminé. Cette définition a plus tard été reprise à l’art. 6 du Statut de Rome instituant la CPI117 et fait aujourd’hui partie de la coutume118.

En deuxième lieu, le TCA vise les crimes contre l’humanité. Ces crimes sont définis à l’art. 7 du Statut de Rome. Il s’agit de toute une série d’actes (meurtre, extermination, déportation, torture, viol et esclavage sexuel, persécution, disparition forcée, etc.) commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque. La question de savoir si cette définition fait partie du droit international coutumier est controversée119.

Le Traité a également pour objet les violations graves des Conventions de Genève de 1949.

Ces quatre conventions sont le seul instrument auquel l’art. 6(3) se réfère expressément. Est un crime grave au sens des CG le fait de commettre un homicide intentionnel ou des actes de torture contre des personnes protégées (art. 50 CG I120, 51 CG II121), de contraindre un prisonnier de guerre à servir dans les forces armées de la Puissance ennemie (art. 130 CG III122) et de déporter illégalement une partie de la population (art. 147 CG IV123). Ces dispositions ne s’appliquent que dans le cadre d’un CAI124 ; la question de savoir si les violations graves des Conventions de Genève de 1949 couvrent également les violations graves de l’art. 3 commun (qui a pour objet les CANI125) est sujette à débat. Plusieurs Etats comme le Liechtenstein, la Nouvelle-Zélande et la Suisse ont, lors de leur ratification du TCA, fait une déclaration interprétative par laquelle ils déclarent interpréter l’art. 6(3) comme incluant les violations graves de l’art. 3 commun126, confirmant leur interprétation extensive de la notion de violations graves des CG et leur volonté de voir le TCA couvrir un large éventail de crimes.

L’art. 6(3) TCA vise ensuite les attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels. Cette disposition réaffirme le principe coutumier de distinction entre civil et combattant (art. 50(1) PAI) ainsi qu’entre biens de caractère civil et objectifs militaires (art. 52(1) PA I), les attaques dirigées contre les civils et les objets de caractère

116 Cette disposition se lit comme suit : « Aux fins du présent Statut, on entend par crime de génocide l'un quelconque des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel: a) meurtre de membre du groupe ; b) atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe; c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe; e) transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe. »

117 RS 0.312.1 ; DA SILVA/NEVILL, The ATT Annotated, p. 98.

124 C’est-à-dire d’un conflit armé international, d’une occupation ou d’une guerre déclarée qui oppose au moins deux Etats (CASEY-MASLEN/GIACCA,The ATT : A Commentary, p. 230).

125 Soit, a contrario, les conflits armés ne présentant pas de caractère international (art. 3 commun CG).

126 Déclaration interprétative de la Suisse relative au TCA.

17

civil étant prohibées (art. 48 PA I) 127. A défaut de précision supplémentaire, elle doit être comprise comme couvrant tant les CAI que les CANI128.

Enfin, l’art. 6(3) TCA porte sur les autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels l’Etat en cause est partie. L’art. 85 PA I et l’art. 8 du Statut de Rome énumèrent toute une série d’exactions constituant des crimes de guerre, que ce soit dans le cadre d’un CAI ou (dans une moindre mesure) d’un CANI. A contrario, l’art. 6(3) ne mentionne pas les crimes de guerre en droit international coutumier. Cela signifie-t-il qu’ils sont exclus du champ d’application du TCA ? Répondre positivement à cette question reviendrait à limiter la portée du traité vis-à-vis des principaux exportateurs d’armes qui ne sont (à l’heure actuelle) parties ni au Statut de Rome, ni au PA I129. Par ailleurs, de même que pour les violations graves des CG et les attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil, la question de savoir si les crimes de guerres commis dans un CANI sont couverts par l’art. 6(3) TCA reste ouverte. Cependant, selon l’interprétation de la Suisse, les crimes de guerre commis dans les CANI sont inclus dans la notion d’« autres crimes de guerres tels que définis par des accords internationaux », comme le Statut de Rome et le PA I130.

3.4.2.2. L’élément subjectif de l’art. 6(3) TCA : le seuil de connaissance requis Outre l’élément objectif – la possibilité que les armes ou les biens exportés puissent servir à la commission d’un des crimes susmentionnés –, le TCA requiert un élément subjectif, soit la connaissance par l’Etat, lorsqu’il délivre l’autorisation d’exportation, de ce risque. La notion de connaissance du risque, au cœur du TCA, n’est pas définie dans le Traité. Selon DA SILVA

et NEVILL, la notion de connaissance au sens de l’art. 6(3) doit d’abord être distinguée de l’hypothèse couverte par l’art. 7 TCA, à savoir l’existence d’un risque prépondérant que les armes exportées puissent servir à commettre l’une des violations énumérées. Selon cette logique, le seuil d’applicabilité de l’art. 6(3) doit être supérieur à celui de l’art. 7 TCA. Par ailleurs, il convient d’interpréter l’art. 6(3), qui vise l’utilisation future des armes, de façon conforme à la nature préventive du Traité131. Cette disposition concerne les hypothèses dans lesquelles il existe des informations, des raisons ou une base suffisantes de croire que les armes pourraient servir à commettre l’un des crimes mentionnés. A titre d’exemple, il serait contraire à l’objet et au but du Traité d’exclure les cas dans lesquels l’Etat exportateur ne savait pas, mais devait savoir que les armes transférées pourraient servir à commettre l’un des crimes énumérés de la notion de connaissance au sens de l’art. 6(3)132. Ce serait typiquement le cas si les circonstances dans l’Etat importateur sont notoires, si un manquement à la diligence requise devait se produire ou encore si un fonctionnaire de l’Etat avait des doutes raisonnables sur la possibilité que les armes soient utilisées à des fins contraires au Traité

127 DA SILVA/NEVILL, The ATT Annotated, p. 101.

128 Ibid., p. 100.

129 Ibid., p. 102.

130 Déclaration interprétative de la Suisse relative au TCA.

131 CASEY-MASLEN/GIACCA,The ATT : A Commentary, p. 207.

132 DA SILVA/NEVILL, The ATT Annotated, p. 103.

18

mais a fermé les yeux133. La Suisse a déclaré interpréter le terme « connaissance » de la façon suivante : « […] l’Etat partie concerné n’autorisera pas le transfert s’il dispose d’informations fiables donnant des motifs substantiels de croire que les armes ou les biens pourraient servir à commettre les crimes énumérés ».134 L’évaluation du risque se fait selon une approche au cas par cas, le fardeau de cette évaluation incombant à l’Etat exportateur135. Bien que le comportement passé du destinataire des biens puisse constituer un indice, ce sont les renseignements obtenus sur le cas d’espèce qui sont déterminants136.

En résumé, l’art. 6 TCA pose un seuil critique à partir duquel le transfert d’armes classiques est purement et simplement interdit. Si les deux premières conditions – à savoir l’obligation de se conformer aux sanctions édictées par le Conseil de Sécurité des NU et de respecter les obligations internationales des Etats – ne posent pas de problèmes majeurs d’interprétation, celle posée par l’art. 6(3) est plus délicat à appréhender. L’interprétation tant des crimes couverts que celle – cruciale – de la connaissance est sujette à controverse, et il n’existe pas, à l’heure actuelle, de pratique claire à ce sujet.

3.4.2.3. Les art. 22 LFMG et 5 al. 2 OMG

En droit suisse, les conditions d’exportation d’armes sont prévues aux art. 22 LFMG et 5 OMG. L’art. 5 al. 2 OMG fait directement écho à l’art. 6 TCA en ce qu’il prévoit une interdiction d’exporter (a) si le pays de destination est impliqué dans un conflit armé interne ou international ; (b) s’il viole systématiquement et gravement les droits de l’homme ; (d) s’il y a de forts risques que, dans le pays de destination, le matériel de guerre à exporter soit utilisé contre la population civile, ou (e) s’il y a de forts risques que, dans le pays de destination, le matériel de guerre à exporter soit transmis à un destinataire final non souhaité.

L’art. 5 al. 2 OMG – qui vise notamment à limiter les risques d’utilisation de matériel de guerre suisse à des fins de violation du DIH et des droits de l’homme – présente des difficultés d’interprétation. D’abord, la marge d’interprétation laissée au SECO et aux autres organes compétents pour délivrer l’autorisation d’exporter est plus importante qu’il n’y paraît. En 2009, une interprétation faite par le CF de la notion d’Etat « impliqué dans un conflit armé » au sens de l’art. 5 al. 2 let. b OMG avait suscité de vives réactions de la part de la communauté académique137. Plus récemment, et alors qu’en 2015, la Suisse avait suspendu toute exportation d’armes vers l’Arabie saoudite au motif que l’Etat était impliqué dans le conflit au Yémen, le CF y a autorisé en avril 2016 l’exportation de pièces de rechange et de composants de systèmes de défense anti-aérienne ainsi que de munitions, et ce alors que le royaume était toujours impliqué dans le conflit yéménite138. Il semble que sous la pression de

133 Ibid.

134 Déclaration interprétative de la Suisse relative au TCA.

135 CASEY-MASLEN/GIACCA,The ATT : A Commentary, p. 208.

136 Ibid., p. 207.

137 Voir la Lettre ouverte au CF « Interprétation de l’Ordonnance sur le matériel de guerre », signée par 70 professeurs de droit. Voir aussi SASSÒLI, qui dénonce une interprétation « absurde » de la notion de conflit armé et la « manipulation d’une notion centrale du DIH ».

138 BAILAT, La Suisse exportera des armes vers l’Arabie saoudite, en conflit au Yémen.

19

l’industrie de l’armement, le CF ait modifié son interprétation de l’art. 5 al. 2 let. b OMG139. Il conviendrait désormais de l’interpréter comme interdisant les exportations d’armes vers un Etat impliqué dans un conflit armé uniquement lorsque le conflit armé se déroule sur le territoire de l’Etat importateur. Or, l’Arabie saoudite ne serait pas concernée par cette interdiction puisque la coalition internationale dont elle fait partie intervient sur le territoire yéménite140. Une telle interprétation a de quoi laisser perplexe, d’autant plus que les décisions du CF ne sont pas sujettes à recours141.

Enfin, la dernière modification de l’OMG142, entrée en force le 1er novembre 2014, a introduit une exception à l’interdiction d’exporter des armes vers des pays qui violent systématiquement et gravement les droits de l’homme. Suite au dépôt d’une motion143, le CF a en effet ajouté un alinéa 4 à l’art. 5 OMG, qui permet désormais une exportation vers de tels Etats « si le risque est faible que le matériel de guerre à exporter soit utilisé pour commettre des violations graves des droits de l’homme »144. Selon la Commission de la

Enfin, la dernière modification de l’OMG142, entrée en force le 1er novembre 2014, a introduit une exception à l’interdiction d’exporter des armes vers des pays qui violent systématiquement et gravement les droits de l’homme. Suite au dépôt d’une motion143, le CF a en effet ajouté un alinéa 4 à l’art. 5 OMG, qui permet désormais une exportation vers de tels Etats « si le risque est faible que le matériel de guerre à exporter soit utilisé pour commettre des violations graves des droits de l’homme »144. Selon la Commission de la