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5. Présentation des résultats et analyse

5.4. Vécu de la première année : la transition du lycée à l’enseignement supérieur 60

5.4.6. Rapport au travail scolaire

Pour Jellab (2011), « on ne peut sérieusement penser l’expérience scolaire, (…) des étudiants (…), sans interroger leur manière d’étudier, le travail scolaire et les modalités dont ils pensent s’approprier les contenus et les savoirs enseignés » (p.59). Comme les étudiants le relèvent d’ailleurs, un des éléments les plus perturbants pour

eux dans la transition avec le Lycée semble être le changement relatif au travail scolaire.

Les premières difficultés relevées par les étudiants appartiennent à l’organisation liée aux cours. En effet, au début de leur première année, il a tout d’abord été difficile pour certains étudiants, comme Florent et Guillaume, de comprendre comment se fournir les polycopiés des cours enseignés.

« Ouais, à la base c’est un peu spécial, on ne trouve même pas les cours, où sont les polycopiés, une fois c’est sur moodle, une fois sur myunil (…). (…). Mais c’est vrai que pour ça, ça n’est pas hyper facile, parce que tu sors du Lycée ou c’est hyper cadré et puis t’arrives à l’uni où tout est par informatique, tu ne reçois plus un seul courrier et ouais, il faut se débrouiller ! Ca change ! » (Guillaume)

Comme le souligne Coulon (2005) et comme nous le voyons dans l’extrait ci-dessus, le passage à l’enseignement supérieur implique pour les étudiants de devenir acteur de leur organisation. « L’univers [du] lycée se mettait partiellement au service de l’interlocuteur : il lui procurait les informations, les dossiers dont il avait besoin dans sa vie quotidienne. Le changement de règle que l’étudiant découvre dans l’enseignement universitaire l’oblige à adopter une position interlocutive nouvelle, il doit se procurer les éléments du dossier à constituer. Il doit être en position d’acteur principal, (…) » (p.43) et abandonner la passivité permise par le monde du Lycée.

Les secondes difficultés nommées sont relatives à l’organisation du travail. Les étudiants relèvent de grands changements comparativement au Lycée, que cela soit en raison :

- Des travaux pratiques, pour Anne et Diane :

« (…), mais ce qui faisait vraiment peur c’était le bloc pratique, ou vraiment là je savais pas en fait ce qu’on attendait de moi, donc euh (…). Mais ce qui était vraiment dur c’était à côté, c’était justement l’atelier, ou fallait euh…il fallait être dispo tous les soirs, travailler sur ton projet et tout, … ça c’était dur, moralement ! » (Anne)

- De nouvelles méthodes de travail, pour Baptistine et Florent :

« Mais, ouais…il y avait aussi un peu la nouvelle méthode de travail, la nouvelle manière de travailler, de lire des textes pour chaque séminaire en anglais, après de se faire interroger ou…de devoir discuter avec des autres gens, par groupe, que tu ne connaissais pas, ça

me paniquait ! Ca m’a un peu sorti de mon petit Jura, ouais ça m’a lancé là-dedans tu vois ! » (Baptistine)

- Du rythme de travail, pour Cécile, Emilie, Hubert :

« Et puis, ouais ça m’a un petit peu refroidi aussi je pense ! Je n’étais pas très emballée, j’ai vu qu’il y avait beaucoup de cours aussi la semaine et ils nous ont tout de suite mis au parfum avec le travail, donc euh…Je me suis dit que ce n’était plus le Lycée et que ça n’allait pas rigoler ! » (Cécile).

- De la temporalité, pour Guillaume, Ignace et Joël. La disparition des contrôles réguliers et l’anticipation des répétitions d’examens, ont été les éléments les plus compliqués.

« Ouais, alors ce qui a été difficile c’est que, ben au Lycée on avait des contrôles quasiment toutes les semaines, donc on répétait chaque semaine, alors que là à l’Université c’est des examens au mois de juin et c’est à toi de te débrouiller pour travailler régulièrement, donc c’est ça qui était difficile pour moi, me mettre au travail en sachant que ce serait 3 mois plus tard qu’on serait évalué ! » (Joël).

Comme nous le voyons dans les extraits ci-dessus, les étudiants doivent faire face à une nouvelle organisation de leur travail scolaire, qui se rapporte plus généralement à une nouvelle organisation du temps. Coulon (2005) nous parle d’une « « modification du rapport au temps » (p.5), comme Boyer et al., (2001) qui parle eux « d’un moment de dérèglement du cadre temporel » (p.99). En effet, l’année est organisée en semestres, à savoir deux fois quatorze semaines dans l’enseignement supérieur versus trente-neuf semaines de cours27 auparavant.

En parallèle de cette modification du rapport au temps, c’est également à une « modification du rapport aux savoirs » (Coulon, 2005), à laquelle les étudiants doivent faire face. Boyer et al. (2001) avancent un changement en termes de relation pédagogique avec « les cours magistraux en amphithéâtre » (p.99). De plus, les étudiants doivent apprendre à gérer la modification des méthodes d’évaluation avec la disparition des contrôles réguliers et l’apparition d’examens semestriels ou annuels, ce qui implique un rythme et une organisation du travail scolaire différent.

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Avec cette modification du rapport au temps, comme nous le voyons pour Guillaume, Ignace et Joël, c’est qu’ils savent « que plus tard, ils auront un travail à rendre où un examen à passer à la fin du semestre, mais dans l’immédiat, ils ne savent pas ce qu’il faut faire exactement » (Coulon, 2005, p.139-140). Nous pouvons faire ici un lien avec l’affiliation intellectuelle dont parle Coulon, qui est pour lui exigée pour qu’un étudiant puisse survivre à sa première année dans l’enseignement supérieur. En effet, « l’existence du travail intellectuel est implicite et il faut savoir l’identifier. (…). Etre étudiant, c’est acquérir cette compétence qui permet de reconnaître quel type de travail et quelle quantité de travail intellectuel il faut fournir et dans quel délai. » (p.141), affiliation intellectuelle qui semble faire défaut chez les étudiants qui ont des difficultés à travailler régulièrement et par anticipation.