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5. Présentation des résultats et analyse

5.6. Séquences et motifs de choix

5.6.1. Anticipation des choix, capacité de projection et influence parentale

les parcours individuels ? En quoi le soutien offert par les parents, en lien avec leur niveau d’éducation et les capitaux - culturels, économiques et sociaux - dont ils bénéficient, ont-t-il un impact dans la transition entre le gymnase et l’enseignement supérieur ?

Certains étudiants parlent de suite logique entre le lycée et l’enseignement supérieur. En ce sens, l’anticipation des choix d’orientation favorise-t-elle la persévérance dans les études ? Les étudiants qui anticipent leur orientation et qui font preuve de capacité de projection sur le long terme sont-ils également ceux qui bénéficient du soutien le plus important de la part de leurs parents ? En début de première année dans l’enseignement supérieur, est-ce que les étudiants qui se projettent sur la temporalité la plus longue sont aussi ceux qui ont le plus anticipé leur orientation dans le supérieur ?

En s’intéressant à l’anticipation des choix d’orientation et à son impact sur la persévérance dans les études, en lien avec le niveau scolaire et social des parents, ainsi que le soutien offert à leurs enfants, le tableau ci-dessous permet de déterminer le moment auquel les étudiants ont décidé d’entreprendre des études supérieures, ainsi que leur but en débutant leur première année. Cela permet également de voir si un fort soutien parental est un facteur favorisant la durée dans les études.

Etudiants Origine sociale Niveau d’éducation des parents

Rôle(s) des parents durant la scolarité

Quand a décidé d’étudier dans le supérieur

But en entrant en 1ère année

Issue de la 1ère année Anne Père : employé

Mère : femme au foyer

Père : arrêt de l’école obligatoire en 8ème année Mère : Ecole de commerce

Soutien affectif et d’aide à la décision (conseil, rétroaction)

« inconsciemment, avait toujours visé des hautes études

Etre la dernière étape de ses études

Réussite

Baptistine Père : employé Mère : cheffe ergothérapeute

Père : formation aide-soignant et aide-infirmier Mère : école

d’ergothérapeute

Soutien affectif et d’aide à la décision (encouragements, discussion, conseil) Soutien financier

En entrant au Lycée Arrêter ou survivre Echec ! mauvaise orientation

Cécile Père : directeur technique Mère : femme au foyer

Père : EPFL Mère : CFC

Soutien affectif et d’aide à la décision (encouragements, conseil).

Soutien financier

A l’école secondaire Réussir Réussite

Diane Père : contremaître Mère : enseignante

Père : arrêt de l’école en primaire

Mère : HEP

Soutien affectif et d’aide à la décision (encouragements, discussion)

Soutien financier

En décidant d’aller au Lycée Obtenir son diplôme Abandon !

mauvaise orientation

Emilie Père : ingénieur Mère : laborantine

Père : ingénieur (voie universitaire)

Mère : vétérinaire (voie universitaire)

Soutien affectif et d’aide à la décision (conseil)

Soutien financier

Logique de faire l’université car ses parents et sa sœur l’ont fait, donc depuis toujours.

Passer sa 1ère année Echec ! médecine (dans les mœurs, considéré que la 1ère année se fait sur 2 ans)

Florent Père : indépendant Mère : employée

Père : CFC

Mère : Ecole de commerce

Soutien instrumental Soutien financier

En entrant au Lycée (car il ne voyait pas les autres possibilités existantes)

Passer sa 1ère année Echec ! pour 0.1 points

Guillaume Père : cantonnier Mère : enseignante

Père : CFC Mère : HEP

Soutien affectif et d’aide à la décision (encouragements, discussion).

Soutien financier

A l’école secondaire Obtenir son Bachelor Réussite

Hubert Père : employé Mère : aide-soignante

Père : école obligatoire Mère : école obligatoire

Pas de mention dans l’entretien. Pendant le Lycée, mais « c’était toujours une idée qui émergeait ».

Passer sa 1ère année Réussite

Ignace Père : directeur Mère : employée

Père : licence à l’Université Mère : licence à l’EPFL

Soutien affectif et d’aide à la décision (encouragements, discussion)

Soutien financier

A la fin du Lycée Obtenir son diplôme Echec

Joël Père : directeur Mère : employée

Père : école « de banque » Mère : école obligatoire

Soutien affectif et d’aide à la décision (rétroaction) Soutien instrumental.

Soutien financier

Pendant le Lycée Approfondir ses connaissances

Les quatre étudiants qui ont réussi leur première année à l’université ont choisi d’entreprendre des études supérieures très tôt dans leur cursus scolaire. En effet, Cécile et Guillaume ont déjà décidé de suivre des études supérieures lorsqu’ils étaient à l’école secondaire. Alors que pour Anne et Hubert, l’idée de faire des hautes études était un projet qu’ils avaient à l’esprit. En termes de projection dans leurs études en début d’année, ces étudiants se voyaient déjà durer sur le long terme. Au niveau de l’origine sociale, ces étudiants font partie des classes moyennes inférieures, de la classe moyenne et de la classe supérieure. Toutefois, le niveau scolaire atteint par les parents ne semble pas être une prérogative à la réussite. En effet, seul le père de Cécile avait suivi un enseignement du supérieur ; les autres parents ont obtenu un CFC et un diplôme de la HEP et certains parents n’ont pas terminé leur scolarité obligatoire ou l’ont juste terminée. Au contraire, le soutien offert par les parents à leurs enfants semble avoir plus d’influence sur la capacité d’anticipation du projet d’étude et sur la réussite que les deux variables précédentes. Ces étudiants, hormis Hubert qui n’en a pas parlé durant l’entretien et qui semble plutôt avoir effectué ses choix d’orientation seul, ont pu bénéficier de la part de leurs parents, d’un « soutien affectif et d’aide à la décision » (Bourdon et al., 2012), notamment par le biais de conseils, d’encouragements, de discussion et de rétroaction.

Pour Baptistine et Diane, même si le choix de s’orienter dans le supérieur est apparu très tôt dans leur parcours scolaire, leur première année s’est soldée par un échec et par un abandon. Mais, pour elles, nous pouvons plutôt les interpréter en termes « d’erreur d’orientation » dans le choix de la filière d’études, car leur « deuxième » première année s’est terminée par une réussite. En début d’année, l’une comme l’autre n’arrivaient pas à se projeter, puisque l’une souhaitait « arrêter ou survivre » (Baptistine), alors que l’autre souhaitait découvrir un domaine d’étude. Ces étudiantes sont toutes deux issues de classe moyenne et leurs parents possèdent une formation de niveau CFC, HEP ou dans le domaine médical. Toutefois, le soutien reçu par leurs parents, tels qu’un soutien financier ainsi qu’un soutien « affectif et d’aide à la décision » (Bourdon et al., 2012), par le biais d’encouragements, de discussions et de conseils, semble avoir eu beaucoup d’impact. Le choix de leur orientation a beaucoup été discuté avec leurs parents, notamment chez Diane qui a choisi l’architecture par influence paternelle, puis sa seconde orientation par influence maternelle. Quant à

Baptistine, elle a beaucoup échangé avec sa mère, qui l’a notamment soutenue dans son projet d’entreprendre des études en histoire de l’art lors de sa réorientation.

Pour Emilie et Florent, le choix de s’orienter vers le supérieur est également apparu de manière précoce dans leur cursus. Toutefois, leurs échecs en première année sont relatifs, puisque Florent a échoué son année pour un dixième de point et qu’Emilie a connu un échec en médecine, filière où le passage de la première année sur deux ans est plutôt la norme. En termes de projection en début d’année, chacun souhaitait réussir sa première année. A nouveau, l’appartenance à des familles de classe moyenne à supérieure et le fait que les parents aient suivi des hautes études et des études de niveau CFC ou commercial ne semble pas avoir d’impact sur la réussite, puisque ces deux étudiants ont échoué leur première année. Au niveau du soutien offert, nous retrouvons pour chacun le soutien financier. Pour Emilie le soutien « affectif et d’aide à la décision » (Bourdon et al., 2012), tels que les conseils et pour Florent, un soutien « instrumental ». A nouveau, le soutien semble avoir plus d’impact que l’origine sociale, car leurs parents les ont beaucoup encouragé en vue d’un redoublement et de la poursuite d’une deuxième « première année ».

Ignace et Joël ont décidé de poursuivre dans le supérieur plus tardivement que les autres étudiants, lorsqu’ils étaient au Lycée, où même durant la fin de cette période ; leur première année s’est soldée par un échec. Leur but en débutant leurs études se situait à long terme pour Ignace (obtenir son diplôme) et était très général pour Joël (approfondir ses connaissances). A nouveau, l’origine sociale des parents de classe moyenne à supérieure et le niveau scolaire atteint - qui est très élevé notamment pour Ignace, puisque ses deux parents ont obtenu une licence - ne suffisent pas comme variables pouvant conditionner la réussite. En termes de soutien, leurs parents leur ont offert un soutien financier, un soutien « affectif et d’aide à la décision » (Bourdon et al., 2012), par le biais d’encouragements, de discussions et de rétroaction. Les parents d’Hubert lui ont également apporté un soutien instrumental. Nous voyons encore une fois que le soutien parental peut aider à favoriser la transition vers le supérieur, mais qu’il ne conditionne pas non plus la réussite de la première année.

Anticiper son parcours scolaire, notamment dans le choix d’effectuer des études supérieures, ainsi que la capacité à se projeter sur le long terme en début de première année, semblent être des facteurs pouvant avoir de l’influence sur l’issue positive de la première année. Toutefois, cette tendance doit être appliquée avec modération et d’autres variables telles que la présence aux cours, le travail scolaire régulier ou encore l’intérêt pour les études suivies sont d’autres facteurs tout aussi importants dans la réussite de la première année.

Au contraire, le niveau scolaire atteint et l’origine sociale des parents ne semblent pas être des variables conditionnant la réussite ou l’échec des étudiants en première année. Nous pouvons toutefois postuler que ces deux variables ont plus d’impact dans la construction du parcours scolaire, puisque de nombreux étudiants de l’échantillon, dont les parents ont suivi des études supérieures, ont mentionné à plusieurs reprises avoir été conseillé et/ou aidé dans le choix des filières et dans les explications du monde universitaire ou polytechnique. A contrario, les étudiants dont les parents n’ont pas effectué d’études de l’enseignement supérieur ont également mentionné l’incapacité de leurs parents à leur décrire un monde inconnu et le manque occasionné par cette absence de description.

Au sujet du soutien offert par les parents, celui-ci semble avoir tendance à favoriser l’anticipation de construction du projet scolaire et la réussite. Mais tout comme l’anticipation, cette tendance doit être appliquée avec prudence, puisque d’autres variables, telles que le travail scolaire, semblent avoir plus d’impact dans la réussite de la première année.