• Aucun résultat trouvé

Troisième section

1.2. La notion de répertoire :

1.2.2. Rapport entre les différents répertoires

Ce qui est intéressant d'étudier ici, ce sont les rapports qu‘entretiennent entre eux les différents parlers utilisés. De prime à bord les différents dialectes n'ont pas la même fonction :

1. le "Chleuh" par exemple représente un parler qui marque culturellement et linguistiquement un groupe ethnique bien déterminé. Ce parler est exclusivement oral. Il sert de moyen de communication quotidienne et d'expression à une littérature faite surtout de légendes et de proverbes. Certains récits sont aujourd'hui traduits en arabe algérien. Dans sa relation diglossique avec l'arabe standard enseigné à l'école, le dialecte de Béchar une variété basse194. Il est acquis dans le milieu familial et dans le voisinage. C‘est le

193Que l'arabe est beaucoup plus varié et parlé

122

moyen de communication par excellence dans les contextes socio-informels (famille, quartier, lieux publics (café, restaurants, cybercafé). Au sens courant du terme, le parler de Béchar est beaucoup plus un vernaculaire qu‘une lingua franca qui, elle, est implantée suite à une forme d‘acculturation.

2. L'arabe standard demeure la langue de prestige. Elle est la langue nationale de tous les algériens. C‘est aussi une langue d'identification et d'appartenance culturelle au sein de la communauté arabe. Elle est supranationale par son statut idéologique.

3. Le français est aussi en position privilégiée et considéré comme une langue étrangère. Pendant la décennie 70, le français a connu un changement d'ordre statuaire, il est passé de langue d'enseignement au statut de langue étrangère au même titre que l'anglais, l‘allemand et l'espagnol etc. Aujourd'hui, le français enseigné selon la nouvelle restructuration scolaire connaît une nouvelle structuration195 pédagogique différente aux deux précédentes (hebdomadaire et mensuelle). On est passé de l'organisation pédagogique du travail mensuel (unité didactique) à l‘organisation séquentielle qui débouche sur la réalisation d'un projet. Le français est alors orienté vers d'autres objectifs servant l'enseignement polytechnique. La langue française passe au statut étranger. Il s'agit d'installer et de développer des compétences communicatives. Du coup l'important est n'est plus l'explicitation du système de la langue, mais la capacité d'utiliser cette langue à des fins communicatives dans la vie sociale. Ainsi, l‘objectif est d'enseigner une langue à finalité technique plutôt qu'une culture littéraire, philosophique et autre. Et pourtant dans l'article 25 de l'ordonnance du 16 avril 1976, il est stipulé que :

« l'école fondamentale est chargée de dispenser aux élèves l'enseignement des langues étrangères qui doit leur permettre d'accéder à une documentation simple dans ces langues, à connaître les civilisations étrangères et à développer la compréhension mutuelle entre les peuple » . Par ailleurs, les objectifs de l'enseignement du français dans le moyen visent « à développer chez l'élève, tant à l'oral qu'à l'écrit, l‘expression d'idées et de sentiments personnels au moyen de différents types de discours »196

195

Terme évoqué par Phillipe Mairieu

196

123

2. Description des deux systèmes de langues : l’arabe et le français 2.1. La langue arabe

L‘arabe appartient à la famille des langues sémitiques qui constituaient un groupe de langues parlées depuis l‘antiquité. Etymologiquement, Le terme sémitique provient du mot "Sem", fils de Noé, l‘ancêtre du peuple parlant ce même groupe de langues. Ce terme a été employé pour la première fois à la fin du XVIIIe siècle pour désigner l‘arabe, l‘hébreu et l‘araméen. Au XXe siècle, plusieurs langues, comme l‘éblaïte et l‘ougaritique, ont été découvertes, dans la même zone géographique, et ont été englobées sous le terme de langues sémitiques.

Arbre linguistique des langues sémitiques. Figure 1.197 197 http://www.geneattic.com Langues sémitiques Sémitiques orientales Akkadien Sémitiques occidentales Eblaïte Sémitiques occidentales septentrional es Sémitiques occidentales méridionales

Amorrite Ougaritique Cananéen Araméen Arabe Langues

éthiopiennes Amharique Guèze Hébreu Punique Phénicien Moabite

124

Ainsi comme langue sémitique, l‘arabe se reconnaît par des caractéristiques morphologiques spécifiques et très contrastées par rapport à la langue française appartenant à l‘indo-européen. Ces contrastes ne sont pas seulement d‘ordre morphologie. Pourtant, peu d‘études comparatives qui tiennent compte de l‘arabe standard198

sont trop limitées dans les recherches scientifiques. Ce qui n‘est pas le cas pour le français. Dans le cadre de cette étude, nous nous intéressons aux caractéristiques de l‘arabe enseigné ainsi que l‘impact des variations interlinguales sur l‘apprentissage du français, langue étrangère ou langue seconde. Ainsi, nous proposerons, dans un premier temps, une description des systèmes d‘écriture de la langue arabe, puis celui de la langue française.

Lorsqu‘on évoque la question de l‘enseignement des langues en Algérie où les variantes linguistiques sont une réalité omniprésente pour les élèves, les discussions sur la situation diglossique vont bon train. A l‘école, la première caractéristique à signaler concerne la situation de diglossie ou encore la confrontation de deux langues, français/arabe. La langue d‘enseignement prioritaire est celle à laquelle la communauté s‘identifie culturellement par rapport à son appartenance ethnique, géographique ou encore sa conception politique. L‘enseignement du français est essentiellement lié aux objectifs qui lui sont assignés dans la discipline199. Mais dans les situations de communication ordinaire, les deux langues, l‘arabe et le français, génétiquement et structurellement bien distinctes, sont complémentaires. En plus du berbère qui demeure restreint aux alentours de Béchar, deux registres coexistent en arabe : l‘arabe dialectal dit bas et l‘arabe standard. Ces deux idiomes sont tous deux utilisés dans des circonstances différentes. L‘arabe dialectal, essentiellement oral, est pratiqué dans les conversations quotidiennes. Le terme "dialectal" recouvre plusieurs variantes, qui diffèrent d‘une région à l‘autre (l‘algérois, le " béchari ", le constantinois, l‘oranais, le sahraoui). Alors que l‘arabe dit standard, pratiqué dans les situations officielles et formelles, est la langue de l‘écrit. C‘est aussi la langue des médias locaux ou nationaux, de la culture en général.

Dans le contexte social actuel, l‘analyse du cas linguistique de tout apprenant subissant l‘apprentissage de plusieurs langues laisse voir que ces derniers partagent le même vernaculaire à quelques différences près et que la langue française ne peut être pour eux qu‘une langue étrangère apprise à l‘école. Dans leur relation affective avec les langues, les gens parlent en ce

198

ABU-HAIDAR, L. (1991), «Variabilité et invariance du système vocalique de l’arabestandard ». Thèse N.R. Université de Besançon

199

125

sens d‘une langue de chez « nous » opposée à une langue d‘ailleurs. En fait, dans le contexte social « Béchari » actuel, les dialectes parlés des parents le chleuh du bled, l‘arabe présenté par un vernaculaire du sud-ouest algérien subissent une forme de standardisation importante qui est souvent en corrélation avec les migrations des gens et la durée de leur séjour dans la région, y compris les gens venus du Nord et qui se sont installés définitivement. À ce propos, il est important de souligner que, dès leur arrivée, les parents de nos élèves venant des autres régions intègrent à leur répertoire l‘essentiel du vernaculaire qui leur sert d‘outil de communication pour comprendre et se faire comprendre. Il est vrai que ce vernaculaire porte les traces du français parlé par les colons d‘autrefois et à l‘intérieur duquel des mots et des structures syntaxiques se côtoient, s‘entremêlent et fusionnent.

Aussi, nous avons constaté qu‘au cours des apprentissages, l‘arabe dialectal interfère avec l‘acquisition de l‘arabe enseigné qui est beaucoup plus une langue écrite, mais ne l‘altère pas. Il faut dire qu‘à la différence des autres parlers régionaux, celui du Sud est proche de l‘arabe standard. Ceci va servir de passerelle pédagogique entre les deux langues (l‘arabe dialectal/ l‘arabe standard). Alors, même si la distance, notamment phonologique, entre les deux variétés est perçue comme étant à l‘origine de nombreuses difficultés d‘apprentissage de la lecture et l‘écriture, elle l‘est à un degré moins chez les gens du Sud. Au contraire, le parler des villes métropoles est riche en mots étrangers, il réduit cet écart phonologique entre le parler dialectal et le français .Et les difficultés d‘apprentissage de la lecture sont toujours constatées chez les élèves, mais à un degré moins dans le Nord. Quoi qu‘il en soit, le système linguistique de l‘arabe standard, dont la maîtrise sous-tend l‘acquisition de la lecture sera au centre de notre problématique.

Pour ce qui est des pratiques langagières des élèves, un nombre important d‘apprenants, que nous avons interrogés, ont un profil sociolinguistique beaucoup plus favorable à l‘implantation de l‘arabe que l'anglais ou encore l‘anglais que le français. Cette situation nous amène à être quelque peu pessimistes quant à la promotion du français dans le Sud algérien. En effet, un grand nombre d‘élèves interrogés nous ont affirmé qu‘ils se détachent complètement du français, une fois sortis de la classe. Ajouter à cela ceux qui restent comme même en contact avec la langue. Nous avons enregistré 25 % des usages du français qui ont lieu en d‘autres milieux « éducatifs » et seulement 10 % en milieu familial.Or les personnes qui ont déclaré qu‘ils parlent cette langue avec les membres de leur famille, sont dans leur majoritairement des gens instruits dans les deux langues. Par conséquent, ce qui est considéré comme une pratique langagière familiale ici n‘est qu‘un usage occasionnel et informel de la langue française.

126

Nous pouvons dire au sujet de ces apprenants, que l‘usage de la langue française reste limité ou utilisé seulement en classe et encore moins chez les élèves qui s'expriment entre eux en arabe. Les élèves que nous avons interrogés parlent l‘arabe algérien avec bien entendu ses variantes. C‘est donc dans la manière de gérer leur répertoire linguistique que nous allons tenter de saisir et comprendre la dynamique de la langue arabe comme langue d'enseignement. Dans leur pratique langagière, les élèves font usage de différentes langues. C‘est fait étonnants pour des écoles dont le défit est de promouvoir la langue arabe.

En effet, les particularités étudiées auprès des élèves scolarisés nous permettent d‘affirmer qu‘ils n‘ont pas une pratique courante du français.

A la question : « quelle langue parlez-vous généralement ? », nous remarquons que leur réponse relève d‘un état d‘inconscience qui échappe à la réalité. Ils associent le parler arabe à d‘autres langues comme le français et l‘anglais, quoique ces dernières ne soient pas usitées dans leur quotidien, ni d‘ailleurs dans leurs familles respectives,

Il ressort de cette enquête menée dans les établissements scolaires que les élèves scolarisés n‘ont pas le français comme langue privilégiée de communication, mais la langue vernaculaire couramment utilisée par ces élèves.

Dans les régions du Sud, le français est une langue moins pratiquée dans le quotidien que l‘arabe. Ce qui est frappant, c‘est la tendance beaucoup plus arabophone déclarée dans cette région. Et quand on sait que l‘arabe est la principale langue d‘enseignement dans les écoles, il n‘est pas étonnant que plus de 60 % affirment ne communiquer en français dans leur quotidienneté. Le profil de ces élèves ainsi que leurs pratiques suscitent notre curiosité compte tenu de la spécificité des écoles où ils sont insérés. En effet, l‘arabe est la principale langue d‘enseignement. Le volume horaire consacré à l‘enseignement du français n‘est pas très important surtout dans les trois premiers paliersoù il n‘occupe que 20% du volume horaire des programmes. En plus, ceux qui enseignent en arabe dans les différentes structures scolaires ont le plus souvent de faible compétence en français, leur niveau d‘études ne dépassant pas celui de l‘A1200

.

127