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Deuxième section

1.2. La lecture et la classe

3.2.3. Capacités de visualiser et mémoriser les lettres

Les élèves du primaire qui ont une lecture défectueuse sont qualifiés d'apprenants ne sachant pas lire correctement. Un bon nombre d‘entre eux se trouvent confrontés au problème de visualisation des mots. Ils lisent mal les mots qui pourtant contiennent les lettres qu'ils connaissent bien. Et ceci fait bien évidemment perdre le fil conducteur au sens; et là où le bât blesse, c‘est quand ils n'arrivent pas à appréhender le sens. Il s'agit d'apprenants en difficultés d'apprentissage de la lecture. En effet, ces derniers ont une compréhension du langage oral et des capacités de mémoire faibles. Ils lisent sans pratiquement rien comprendre, mais sont capables de répéter ce qu'ils entendent à voix haute. Cette catégorie d‘élèves est assimilée par les chercheurs à celle des enfants dyslexiques qui rencontrent généralement des difficultés d‘identification des mots écrits. Ils ne disposent pas toujours de connaissances linguistiques stables. Ces cas sont considérés comme élèves dyslexiques ayant le déficit sélectif de l‘identification des mots écrits.

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« Activité de lecture et activités associées », 1992. 153

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Notre objectif, ici, est de démonter la relation réciproque établie entre l'acquisition des connaissances phonologiques et l'apprentissage de la lecture. En fait, lorsque nous évoquons le concept de conscience phonologique en lecture nous ne pouvons ne pas revenir et parler des connaissances morphologiques et orthographiques. En effet, elles sont importantes et nécessaires à l‘apprentissage de la lecture. Depuis les années 70, nombreux sont les travaux qui ont manifestement montré l'importance d'asseoir une compétence phonologique pour réussir l'apprentissage de la lecture. Elle est la pierre angulaire dans le processus de la mise en relation de l'écrit et l'oral. A ce propos, Gombert154 explique que l'acquisition des savoirs et savoir-faire qui consistent en la capacité d'identifier les composants phonologiques des unités linguistiques et de les réinvestir de manière intentionnelle est la preuve qu'il y a réellement apprentissage de la lecture.

Nous proposerons une définition de l'expression "conscience phonologique. Le terme graphonologie couvre l'idée de graphème et de phonème. Celui-ci est défini comme la plus petite unité linguistique dépourvue de sens"155.C'est un son du langage humain permettant de distinguer phologiquement les unités porteuses de sens appelées "morphèmes». En effet, les morphèmes sont des unités supérieures aux phonèmes qui eux restent des unités inférieures. Un exemple, le mot "polar" est composé de cinq phonèmes:/p/,/o/,/l/,/a/,/R/ .Cette suite de phonèmes représentent des unités minimales de la deuxième articulation du langage d‘André Martinet156

.Ce sont des unités segmentales et discrètes représentant le système phonétique d'une langue. Le graphème est la transcription graphique du phonème. Reprenons l'exemple du mot "table», lest constitué de cinq graphème représentant chacun une lettre : [t],[a ],[b ],[l ],[e].Une des subtilité de la langue française est que le graphème n'est pas toujours représenté par une seule lettre. C‘est le cas par exemple des sons dont la graphie est composé de plus d'une lettre (ch) ou encore (sch).

Aux deux cas précédents s'ajoute la syllabe. Celle-ci est une unité distinctive de la langue. Elle représente une dimension articulatoire

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Jean-Émile Gombert, « Activités métalinguistiques et acquisition d'une langue », Acquisition et interaction en langue étrangère, 1996.

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Jean Dubois», dictionnaire de linguistique.

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importante ; c'est une suite de sons combinés, articulés et prononcés en une seule émission de voix. Elle peut être facilement isolée sur le plan acoustique. En effet elle est marquée par des traits prosodiques tels que l'intensité, la hauteur et la durée. La syllabe peut être décomposée en deux unités médianes appelées respectivement : l'attaque dite aussi l'amorce et la rime. L‘attaque est la partie initiale de la syllabe représentée par une consonne ou d'un groupe de consonnes, par exemple, dans les mots "succès, star, structure, les syllabes en gras indiquent différentes attaques. Elles sont composées respectivement d'une consonne(CV), de deux consonnes(CCV) ou de trois consonnes(CCCV).La rime est la voyelle qui suit la (les) consonne(s) d'attaque; et les éventuelles consonnes qui la suivent sont appelées coda. Reprenons l'exemple ci-dessus, dans la syllabe l'attaque « struc »,l'attaque est /str/ ,la rime est /u/ et le coda est /c/.L'idée est que, pour pouvoir lire dans un système alphabétique comme le français, il est fondamentalement importantde savoir représenterles phonèmes des mots parlés à l'aide de symboles que sont les graphèmes. Et inversement, il faut savoir décoder les graphèmesdes mots écrits à l'aide de symboles ue sont les phonèmes. Ainsi, l‘appréhension de ce mécanisme de codage ou de décodage par l'apprenant va lui permettre d'utiliser une méthode de lecture phonologique et/ou syllabique. Elle consiste en la traduction d'une séquence de lettres d'une suite de mots en une séquence de sons équivalents. Ce processus d'activation du code phonologique des mots lus est à l'origine de l'activation du code sémantique correspondant et demeure stocké dans le lexique mental de l'élève. Il faudra dire qu'au début de leurs apprentissages du français les arabophones ont des difficultés à surmonter l'obstacle de la compréhension en l'absence de cette connexions entre le code phonologique et le code sémantique des mots qu'ils n'ont pas suffisamment développé au cours de l'acquisition de l'oral. Dans une étude menée par Share157(1995), il a démontré que le processus phonologique utilisé en lecture participerait implicitement à développer une codification orthographique des mots rencontrés dans un texte pendant la lecture. Ici, la méthode est dite phonologique, car l'élève apprend à lire en ayant recours à cette méthode phonologique. Elle est développée à partir de deux procédures à savoir l'adressage et l'assemblage.

La procédure d'adressage ou orthographique, c‘est ce qui est qualifié antérieurement de voie directe. Celle-ci est plus lexicale puisque l'élève

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identifie le mot tout en l'associant à son orthographe emmagasinée dans sa mémoire. La procédure d'assemblage, les mots sont codés à partir de l'association graphie/phonie.

Ainsi nous conviendrons que tout principe alphabétique reposerait sur une procédure d'analyse de la structure du langage parlé. Ainsi, la conscience phonologique est la condition sine qua non, une exigence sans laquelle il ne peut y avoir identification consciente des composants phonologiques des unités linguistiques. Elle va guider l'apprenant dans sa conception des séquences de sons associés à leurs mots (Ici, les unités ne sont pas des mots à sens plein, mais des segments dépourvus de sens, comme les syllabes et les phonèmes) Ainsi, l‘apprenant découvrira en fin de parcours que les phonèmes sont transposés phonétiquement à partir d'un système d'écriture alphabétique composé de graphèmes qui peuvent être monogrammes , "k", "m", "p" ou digramme , "au", "pp", "mm" ou encore trigramme, "eau" ,"aim".

Cette capacité à segmenter les unités lexicales (monèmes) en unités plus petites est importante pour aider l'apprenant à découvrir les correspondances graphiques et phonologiques et de se les approprier. L‘élève du primaire, qui est censé avoir un titre de latéralisation en arabe, dispose donc d'une représentation des sons ou du moins d'un crible phonatoire de la langue première d'enseignement. Et c'est à partir d'une prise de conscience des sons indispensable de la L2, distingués de ceux de L1 que l'élève peut développer les compétences métaphonologiques, condition requise pour apprendre à lire. Ces compétences phonologiques désignent les connaissances acquises par l'apprenant et qui traduisent le comportement du lecteur. C‘est-à-dire qu'il est question ici de notions à partir desquelles l'apprenant réfléchit son acte de lire. Gombert va qualifier ces capacités de connaissances mentalisées et intentionnellement appliquées. Il les oppose d'ailleurs aux connaissances dites "épilinguistiques" qui semblent être effectuées sans contrôle conscient relevant le plus souvent de l'expérience personnelle. Et c‘est souvent cette tendance qui explique un peu l'attitude réticente de nos élèves chaque fois qu‘ils sont appelés à lire un texte.

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Selon Gombert158 toujours, les compétences métalinguistiques permettent l'exécution de la tâche de lecture dans son cadre formelle. En effet, l'élève ne peut réellement apprendre à lire que s'il s'approprie explicitement les structures linguistiques et les manipule intentionnellement.

Dans une perspective comparative Gombert distingue la capacité métaphonologique de la capacité épiphonologique. Selon lui, la première se développe de manière explicite, elle correspond à la «capacité d'identification phonologique et de manipulation délibérée des unités linguistiques »159.La seconde, elle relève de l'expérience langagière, elle s'acquiert de manière implicite du fait que l'apprenant vit régulièrement des situations de communication où tout naturellement il développe ce genre de capacité. Elle servira par la suite de plateforme, sorte de pré-requis, qui, à l'aide des activités d'apprentissage menées en classe, faciliteront l'installation et le développement de compétences linguistiques comme le lexique, la grammaire, la phonétique au servir des tâches en lecture et écriture ou encore à d‘autres plus complexes. Les études menées par Ecalle et Magnan160 soutiennent l'hypothèse selon laquelle les capacités épiphonologiques seraient à la base du développement des capacités métaphonologiques. En effet, l‘observation du comportement des élèves du cycle primaire nous révèle l'absence d'une conscience métaphonologique qui nous montre que ces élèves ne sont que rarement exposés à des situations d'écrits ou d'écriture dans leur vécu quotidien. Du coup, cela va ralentir le processus d'acquisition des connaissances phonologiques implicites. Et inversement, c‘est aussi cela qui explique l'absence d'une capacité épiphonologique.

Les chercheurs en didactique comme Henri Besse, Porquier, Giacobbe, Jorge et d‘autres sont pratiquement tous d'accord pour dire que l'acquisition des connaissances phonologiques est indispensable à l'apprentissage de la lecture. Ils ont pu démontrer que cette conscience phonologique avait un impact sur l'activité de décodage en lecture. En effet, ce n‘est qu'avec des activités spécifiques aux habiletés phonologiques que la capacité des élèves à

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Jean-Émile Gombert, « Activités métalinguistiques et acquisition d'une langue », Acquisition et interaction en

langue étrangère, 1996.

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« Le développement métalinguistique ». Paris : PUF, 1990.

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reconnaître les mots va certes s'améliorer. Morais et al161. distinguent entre discrimination phonologique et conscience phonologique. Cette distinction sépare d‘une part les connaissances implicites et opérationnelles qui servent au fonctionnement de la langue et d‘autre part, les connaissances métaphonologiques, connaissances explicites sur la langue. L‘apparition de ce dernier type de connaissances serait stimulée par l‘enseignement formel de la langue écrite. Ces deux niveaux de connaissances sont intimement liés et ne peuvent fonctionner séparément : les apprentissages implicites sont responsables des automatismes de lecture, alors que les connaissances explicites sont primordiales dans l‘évolution de ces apprentissages.

Cette approche phonologique s‘inspire d‘un modèle de développement métalinguistique plus large162. Dans ce modèle, il existe un ordre développemental qui s‘articule en quatre phases successives :

 La première phase correspond à l‘acquisition des premières habilités linguistiques. A ce stade, les associations entre des formes linguistiques et le contexte pragmatique, dans lequel elles ont été positivement renforcées, sont stockées en mémoire.

 La seconde phase correspond à l‘acquisition de la maîtrise épilinguistique. Elle est initiée par la nécessité de résoudre de nouveaux problèmes de communication, et se traduit par une réorganisation des connaissances linguistiques sous un format multifonctionnel. Ces connaissances demeurent inaccessibles à la conscience.

 La troisième phase correspond à l‘acquisition de la maîtrise métalinguistique qui exige la maîtrise épilinguistique. Celle-ci doit être contrôlée intentionnellement par l‘enfant. Cette phase est tributaire des influences environnementales. Ainsi le prérequis de cette prise de conscience est la maîtrise épilinguistique.

 La quatrième et dernière phase concerne l‘automatisation des métaprocessus ou processus interne. L‘automatisation des processus métalinguistiques résulte de l‘utilisation répétée des traitements linguistiques, qui auparavant exigeaient un contrôle conscient. Les

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Dans ―The relationship between segmental analysis and alphabetic literacy : An interactive view‖.1987

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processus automatiques peuvent être de 2 sortes : les épiprocessus et les processus automatisés. Dans les deux formes, le travail cognitif est inconscient. Mais dans le cas des processus automatisés, ils peuvent être remplacés par des métaprocessus, dont ils sont issus, si un obstacle se présente et gène le déploiement automatique du traitement ou quand le sujet tente de prêter une attention particulière à la réalisation.de la tâche en cours.

Selon Gombert, l‘enfant doit être cognitivement préparé à la maîtrise métaphonologique pour apprendre à lire. Une fois installée, cette compétence métaphonologique permet d‘identifier et de manipuler de façon intentionnelle les composants phonologiques des unités linguistiques. Elle permet la prise de conscience de la structure sub-lexicale de la parole (les syllabes, unités intrasyllabiques, les phonèmes).

L‘essentiel de ce modèle est que la mise en place de la conscience phonologique, qui est une condition à l‘apprentissage de la lecture, dépend à la fois de l‘existence préalable d‘une connaissance implicite du système phonologique et de l‘influence de l‘environnement. L‘enseignement de la lecture pousse l‘enfant à fournir un effort cognitif nécessaire à cette prise de conscience phonologique. A ce niveau, il y a lieu de s‘interroger sur le rôle des connaissances épilinguistiques construites spontanément lors des interactions langagières orales dans un registre qui est différent de celui utilisé dans l‘apprentissage de la lecture.