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Rappels d’optique impulsionnelle

2.1 Amplification à dérive de fréquence

2.1.3 Rappels d’optique impulsionnelle

En régime impulsionnel, l’évolution temporelle du champ électrique d’une impulsion brève peut s’écrire comme le produit d’une enveloppe (gaussienne, lorenztienne, sécante hyperbolique, etc...) et d’une porteuse oscillant à la fréquenceω0 :

e E(t) = A(t) | {z } Enveloppe · e−iω0t | {z } P orteuse , (2.1)

où eE est le champ complexe, relié au champ physique réel par la relation : E = RehEe i

. Une impulsion brève résulte de la superposition cohérente d’un ensemble de composantes de fréquences dont les amplitudes s’ajoutent de façon constructive. Il en découle une propriété fondamentale en optique impulsionnelle : la dualité temps-fréquence. En effet, de manière très générale le champ électrique peut être aussi bien décrit dans un espace temporel que fréquentiel, comme le produit d’une amplitude et d’un terme de phase :

– domaine temporel : e E(t) = E(t)e e −iΦ(t), (2.2) – domaine fréquentiel : ˜ ε(ω) = |˜ε(ω)| e−iφ(ω). (2.3)

On passe de l’un à l’autre par transformée de Fourier : ˜ ε(ω) = T FhE(t)e i = Z +∞ −∞ e E(t)eiωtdt, (2.4) e E(t) = T F−1[˜ε(ω)] = 1 2π Z +∞ −∞ ˜ ε(ω)e−iωtdω. (2.5)

Afin d’éviter une erreur courante, précisons que les termes de phase temporelle Φ(t) et spectrale φ(ω) ne sont pas reliés par transformée de Fourier : φ(ω) 6= T F [Φ(t)]. Cependant, ils permettent d’introduire deux notions équivalentes valables uniquement lorsque l’on est dans le cas d’une im- pulsion étirée temporellement :

– la fréquence instantanée : ω(t) = −dΦ dt , (2.6) – le retard de groupe : τ (ω) = dφ dω. (2.7)

Le lien entre la durée permise d’une impulsion et la largeur de son spectre fréquentiel à mi- hauteur est donné par la relation temps-fréquence :

∆ω∆t ≥ K (2.8)

où K est un nombre dépendant de la forme temporelle de l’enveloppe de l’impulsion. Lorsque l’égalité est atteinte dans l’équation (2.8), on obtient l’impulsion la plus courte possible pour une largeur spectrale donnée. Ainsi, pour obtenir une impulsion ultrabrève, il est nécessaire de disposer d’un spectre ultralarge. Par exemple à 800nm, un spectre large de 100nm permet potentiellement de générer des impulsions inférieures à 10fs, alors qu’à 1030nm, un spectre de 5nm peut produire des impulsions au plus court de 312fs.

Cependant, pour obtenir cette égalité il faut tenir compte de la phase du champ électrique qui joue un rôle primordial sur le profil temporel de l’impulsion. En effet, en travaillant par exemple dans le domaine fréquentiel et en supposant de faibles variations de phases autour de la fréquence centraleω0, on peut développer la phase spectrale en série de Taylor :

φ(ω) = ∞ X n=0 1 n!  dnφ dωn  ω0 | {z } φ(n) 0) (ω − ω0)n. (2.9)

Il est alors possible de démontrer que chaque terme agit de manière différente sur le profil temporel d’une impulsion. Le terme d’ordre 0 correspond à la phase de la porteuse, le terme linéaire agit sur le retard de l’impulsion, le terme quadratique étire temporellement celle-ci sans la déformer, alors que les termes cubiques et au delà déforment son profil temporel [42, 43].

φ(ω) = φ0 |{z} P orteuse + φ(1)(ω0)(ω − ω0) | {z } Retard + 1 2!φ (2) 0)(ω − ω0)2 | {z } Elargissement temporel + 1 3!φ (3) 0)(ω − ω0)3+ 1 4!φ (4) 0)(ω − ω0)4+ ... | {z }

Def ormation du prof il temporel

En conséquence, pour obtenir une impulsion limitée par transformée de Fourier, il faut annuler tous les termes de phases d’ordre supérieur ou égale à 2. Dans ce cas, l’égalité de l’équation (2.8) est alors atteinte, et la durée de l’impulsion dépend uniquement de la largeur du spectre.

Dans une chaîne laser, deux mécanismes sont principalement à l’origine d’un apport de phase additionnelle indésirable. Premièrement, se trouve la dispersion chromatique des impulsions au cours de la propagation dans les divers matériaux qui constituent la chaîne. Ses effets sont d’autant plus importants que le spectre est large. Cependant, les termes d’ordre 2 et 3 sont facilement com- pensables en utilisant un couple étireur-compresseur convenablement désaccordé [42]. Deuxième- ment, se produisent les non linéarités induites par des intensités crêtes excessives. Elles apportent des termes de phases très difficilement compensables, c’est pourquoi il faut impérativement cher- cher à les éviter. Pour cela, il faut avoir recours à l’amplification à dérive de fréquence dont nous avons décrit le principe dans la partie 2.1.1.

2.1.3.1 Propagation linéaire : effets d’un milieu dispersif homogène

Pour mesurer l’effet de la propagation d’une impulsion dans un matériau dispersif, il faut expri- mer la phase spectrale comme le produit du nombre d’onde par la distance parcourue (en choisissant arbitrairement l’axe z comme axe de propagation) :

φ(ω) = k(ω)z ⇔ φ(n)(ω) = k(n)(ω)z, (2.11) avec : k(n)(ω0) = d nk dωn  ω0 . (2.12)

Les différents ordres de dispersionk(n)

0) se calculent à partir de la relation :

k(ω) = n(ω)ω

c , (2.13)

où l’indicen(ω) est donné par les coefficients de Sellmeier. Le tableau 2.3 présente quelques valeurs numériques de la dispersion chromatique à la longueur d’onde centrale d’émission de l’Ytterbium 1030nm dans trois matériaux utilisés pour réaliser la pompe CPA fibrée. Nous obtenons la valeur de la phase spectrale additionnelle en multipliant ces valeurs par la distance parcourue dans le matériau en question. Les termes d’ordres supérieurs à 4 sont négligés car ils n’influent que très peu sur le profil temporel de l’impulsion.

Matériau ( / ) ( / ) ( / ) Silice fondue 190 411 -504 TGG 1296 818 -245 BK7 244 463 -528 Calcite 444 706 -672

2.1.3.2 Propagation non linéaire : auto-modulation de phase et autres processus

En régime de forte intensité, l’apparition d’un certain nombre de processus non linéaires consti- tue une source importante de phase additionnelle parfois impossible à compenser sauf au moyen de dispositifs très lourds à mettre en oeuvre [44, 45, 46]. Dans les fibres optiques, l’auto-modulation

de phase décrite dans le paragraphe suivant, le mélange à quatre ondes, ainsi que le diffusion Raman stimulée [47] figurent parmi les phénomènes les plus fréquents. Par ailleurs, de plus fortes

puissances crêtes peuvent également conduire à l’auto-focalisation [48], mécanisme déclencheur de la filamentation plasma pouvant générer un spectre extrêmement large couramment appelé « continuum de lumière blanche ». Ce processus très complexe est le résultat du mélange d’un grand nombre d’effets non linéaires.

Auto-modulation de phase : Lorsqu’une impulsion brève se propage dans un matériau, celle-ci

produit une variation locale d’indice proportionnelle à l’intensité du champ l’électrique :

n(t) = n0+ n2I(t), (2.14)

avecn0 l’indice de réfraction linéaire, etn2 l’indice de réfraction non linéaire du deuxième ordre.

Ce phénomène est engendré par un processus non linéaire d’ordre 3 appelé « effet Kerr ». Le chan- gement d’indice qui en résulte induit un terme de phase additionnelΦSP M(t) dans l’expression du

champ électrique : Φ(t) = Φ0(t) + ΦSP M(t) (2.15) où : Φ0(t) = ω0t et ΦSP M(t) = 2π λ0 n2I(t)z (2.16)

Ici, nous n’avons pas pris en compte les effets liées à la dispersion. Il est possible de démontrer par transformée de Fourier que ce terme de phase additionnel produit des changements du spectre en fréquence de l’impulsion. En effet, ces changements se traduisent par un spectre élargi et modulé de manière plus ou moins importante selon l’intensité de l’impulsion et la longueur de matériau traversée.

Afin de quantifier la phase non linéaire accumulée au cours de la propagation dans un matériau de longueurL, on introduit la notion d’intégrale B :

B = 2π

λ Z L

0

n2I(z)dz. (2.17)

AvecI(z) = max [I(z, t)]t. Il a été démontré [49, 50] que si cette grandeur est inférieure à 1, l’impact de l’auto-modulation de phase sur le profil temporel des impulsions est faible. Au contraire, au delà 1, le profil temporel commence à se dégrader fortement.

La littérature scientifique fournit différentes valeurs de l’indice non linéairen2 pour différents

matériaux mesurées expérimentalement. Cependant, il existe un écart important entre ces valeurs selon la méthode de mesure et le régime impulsionnel considéré (nanoseconde, picoseconde, ou sub-picoseconde). Dans notre cas, sur la partie CPA fibrée de la chaine, nous travaillons après éti- rement en régime nanoseconde, en utilisant comme milieux amplificateurs des fibres fabriquées à partir de Silice fondue. La valeur de l’indice non linéaire la plus couramment admise pour ce matériau estn2 = 2.7 × 10−20cm2.W−1[51].

2.1.3.3 Caractérisation temporelle des impulsions : autocorrélation du second ordre

Dans le domaine des impulsions courtes (sub-picoseconde), il n’existe pas d’appareils électro- nique ou de caméras suffisamment rapides pour mesurer directement le profil temporel de ces impulsions. Une méthode possible pour évaluer leur durée, consiste à utiliser un signal d’autocor- rélation [52].

é

é à

é

FIGURE2.4 – Montage optique d’un autocorrélateur multicoup du second ordre en configuration non colinéaire.

A haute cadence, et par conséquent à relativement faible énergie, l’on utilise généralement un autocorrélateur multicoup du second ordre qui fonctionne sur le principe d’un interféromètre (voir figure 2.4). Dans une lame séparatrice, les impulsions à caractériser sont divisés en deux répliques identiques. Chacune d’elles voyage ensuite dans un bras différent de l’interféromètre. La longueur d’un des deux bras est ajustable de façon à faire varier le recouvrement temporel entre ces deux répliques que l’on recombine ensuite dans un cristal non linéaire du second ordre à l’aide d’un dispositif de focalisation (lentille, miroir sphérique ou parabolique). De là, il existe deux configurations possibles. Si les deux faisceaux se recombinent parallèlement dans le cristal, il s’agit d’une d’autocorrélation interférométrique. Le signal généré dans le cristal et ensuite récupéré sur un photodétecteur est du type :

S(τ ) ∝

Z +∞

−∞

|E(t) + E(t − τ )|4dt. (2.18)

A l’inverse, si les faisceaux ne sont pas parallèles, ils se recombinent en se croisant dans le cristal, l’on parle alors d’autocorrélation intensimétrique. Dans ce cas, un troisième faisceau résultant de la corrélation croisée entre les deux faisceaux fondamentaux, est crée. Le signal reçu par la photodiode est du type :

S(τ ) ∝

Z +∞

−∞

I(t)I(t − τ )dt. (2.19)

Dans les deux cas, l’information sur la durée des impulsions contenue dans le signal d’autocorré- lation reste limitée et sujette à une certaine incertitude. En effet, pour remonter à la durée réelle du profil d’intensité des impulsions, il faut appliquer un facteur de déconvolution K à la durée du si- gnal mesuré qui dépend de l’hypothèse formulée sur la forme temporelle de ces impulsions. Dans le cas de notre chaîne laser, nous supposons un profil temporel d’intensité gaussien ou sécante hyper-

bolique carrée. Les facteurs de déconvolution pour ces deux types de profil temporel sont résumés dans de le tableau 2.5 selon la configuration de l’autocorrélateur.

Facteur de déconvolution: 𝐊 =∆𝒕𝒂𝒖𝒕𝒐𝒄𝒐 ∆𝒕𝒓é𝒆𝒍 Gaussienne Sécante hyperbolique carrée Interférométrique 1.56 1.9 Intensimétrique 1.41 1.54

FIGURE2.5 – Facteurs de déconvolution pour des profils d’intensité gaussien et sécante hyperbolique carrée dans le cas d’une configura- tion colinéaire et non colinéaire.

Enfin, la méthode d’autocorrélation ne permet pas d’accéder à l’information sur la phase du champ électrique. Pour cela, le photodétecteur peut par exemple être remplacé par un spectromètre. Le résultat obtenu est une carte bidimensionnelle de l’évolution du spectre de corrélation en fonc- tion du délai entre les deux répliques des l’impulsions à mesurer. Cette carte appelée communément « trace Frequency-Resolved Optical Gating (FROG) » est ensuite analysée par un algorithme itératif qui permet de remonter à l’information complète sur le champ électrique des impulsions, c’est-à-dire leur amplitude et leur phase [53]. Il existe bien entendu d’autres méthodes de caractérisation com- plète du champ électrique comme par exemple le Spectral Phase Interferometry for Direct Electric- field Reconstruction (SPIDER), le Spatially Encoded Arrangement for SPIDER (SEA-SPIDER), le SPectral Interferometry Resolved In Time (SPIRIT) [54, 55], etc... La plupart d’entre elles sont plus complexes que la méthode FROG mais, elles présentent l’avantage de fournir une reconstruction de la phase du champ électrique directe, c’est-à-dire sans passer par un algorithme itératif.

2.1.4 Caractéristiques du signal injecté dans la pompe CPA fibrée : filtrage spectral