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PATIENTS ET METHODES

B. Etude analytique :

3. Place du lactate dans les infections bactériennes

3.1. Rappels sur le lactate 1. Structure

L’acide lactique et le lactate ne sont pas synonymes, l’acide lactique est un métabolite de la glycolyse ou de la glycogénolyse. En raison de pKa (3,86) très éloigné des valeurs physiologiques de pH que l’on peut rencontrer, l’acide lactique se dissocie complètement en formant l’ion lactate et proton H+ (Figure 17) .[59]

3.1.2. Production

Le lactate est un produit du métabolisme intermédiaire et est dérivé directement du pyruvate.

Dans les conditions saines et de repos, une petite partie de pyruvate est convertie en lactate, catalysée par l’omniprésente LDH. Le NADH est oxydé en NAD⁺ au cours de cette réaction cytosolique réversible et H⁺ est consommé (Figure18). [59]

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Figure 18 : Réaction de conversion du pyruvate en lactate

Dans les conditions d’oxygénation normale, la production de lactate est minime au sein des tissus fonctionnant en aérobiose puisque le pyruvate rentre dans la mitochondrie pour y être complètement oxydé au sein du cycle de Krebs afin de produire de l’ATP. Il est important de noter que l’ATP est formée au cours de la glycolyse. Pour l’oxydation complète d’une molécule de glucose, 2 ATP sont formées au cours de la glycolyse et 36 le sont au sein de la mitochondrie (Figure 19).

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En l’absence d’oxygène la glycolyse anaérobie est donc la seule voie pourvoyeuse d’énergie mais cette production d’énergie a un très faible rendement et se fait au prix d’acide lactique [3]. Quand il y’a un manque d’oxygène cellulaire, le pyruvate et les protons (H+) ne peuvent pas entrer dans la mitochondrie, le cycle de Krebs et les voies de phosphorylation oxydative ralentissent et les réserves de NAD+ s’épuisent. Ainsi, le pyruvate, le H+ et le NADH s’accumulent rapidement dans le cytosol, détournant ainsi le métabolisme du pyruvate vers la formation de lactate par la surexpression de l’activité de la LDH. La formation du lactate est un mécanisme protecteur qui absorbe le pyruvate et H+ et atténue ainsi l’acidose. La conversion du pyruvate en lactate oxyde le NADH et réapprovisionne les réserves de NAD+, alimentant et accélérant la glycolyse, qui satisfait temporairement les besoins énergétiques. Une fois l’apport d’oxygène rétabli, le lactate est reconverti en pyruvate ou en glucose par néoglucogenèse [59].

Ainsi le lactate sanguin peut augmenter au cours de deux principales circonstances :

 En cas d’hypoxie tissulaire puisque le blocage de l’utilisation du pyruvate va aboutir à une augmentation de la production de lactate.

 En cas d’emballement de la glycolyse sans qu’il existe pour autant une hypoxie tissulaire. Ceci a particulièrement été montré au cours de différentes situations telles que le sepsis ou au cours de la perfusion d’adrénaline. Dans ces situations, il semblerait qu’une suractivation de la Na+ K+ ATPase (pompe membranaire qui utilise l’ATP glycolytique pour maintenir le gradient Na+ et K+ entre les milieux intra et extracellulaire) soit à l’origine de cet excès de production de lactate. [3]

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3.1.3. Elimination

Dans les conditions normales, l’organisme élimine une quantité de lactate égale à celle produite permettant un maintien de la lactatémie à un niveau faible [3].

En situation de repos, l’élimination du lactate est assurée principalement par le foie au cours du cycle de Cori (Figure 20). Au cours de cette voie métabolique, moyennant de l’énergie, le lactate est transformé en glucose. Cette voie métabolique se produit dans une moindre mesure au niveau de la corticale rénale. Le lactate est également un substrat énergétique qui peut être oxydé, notamment au niveau musculaire. On sait par exemple qu’au cours de l’exercice musculaire, le lactate produit par les muscles en activité est consommé par les muscles au repos. L’élimination du lactate est un processus très efficace qui aboutit à une demi-vie normale du lactate inférieure à 10 minutes. Dans certaines situations pathologiques, telle que l’insuffisance hépatique au stade terminal, il se produit une accumulation d’acide lactique, aboutissant à une acidose qui fera partie du tableau terminal de l’insuffisance hépatique.[3]

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3.2. Dosage

Le dosage du lactate est utilisé dans l’exploration de certains troubles métaboliques, et participe au diagnostic et au suivi de pathologies responsable d’une hypoxie tissulaire ou de diverses intoxications.[60]

a. Phase pré analytique

Le type de prélèvement : le dosage du lactate peut s’effectuer sur sang

veineux ou sur sang artériel. Il peut également se faire sur sang total mais si la glycolyse n’est pas correctement inhibée, l’augmentation du taux de lactate peut atteindre 30 % en 3 minutes et 70 % en 30 minutes. [60]

Les conditions de prélèvement : le sang veineux doit être prélevé chez un

sujet à jeun, au repos complet depuis 2 heures, sans utiliser de garrot (afin d’éviter une stase veineuse) ou immédiatement après la pose de celui-ci. Les seuls anticoagulants utilisables sont : fluorure/héparine, iodoacétate/héparine ou fluorure/oxalate. Les tubes au citrate de Na doivent être évités car les valeurs de lactate sont diminuées de manière erronée avec cet anticoagulant [59]. Le tube de sang prélevé doit être immédiatement refroidi dans la glace et acheminé au laboratoire pour y être centrifugé à +4°C, les prélèvements ictériques ou hémolysés doivent être rejetés [60]. Dans tous les cas, il faut se référer aux recommandations spécifiques de chaque technique de dosage.

b. Phase analytique

b.1. Méthode enzymatique

Principe : L’enzyme lactate oxydase (LOD) catalyse l’oxydation du

L-lactate en pyruvate et en peroxyde d’hydrogène (H2O2). La LOD est hautement spécifique pour le L-lactate, et ne réagit pas avec le D-lactate ou le pyruvate et

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est exempt de catalase. Le peroxyde d’hydrogène formé est utilisé dans une réaction indicatrice de Trinder pour générer un chromogène dont l’apparition, proportionnelle à la concentration de lactate plasmatique, est mesurée par l’augmentation d’absorbance à 522nm.[63]

Il existe également une méthode enzymatique de dosage du lactate basée sur la réduction du NAD en NADH par la LDH mais elle est moins spécifique que la méthode à la LOD. En présence de NAD, le lactate total (L-lactate et lactate) est oxydé en pyruvate dans une réaction catalysée par la L-LDH et la D-LDH.

b.2. Méthode ampérométrique

Principe : La mesure du lactate sanguin se fait grâce à une électrode

spécifique qui est une cathode d’argent et une anode de platine protégée par une enveloppe où se trouve une membrane multicouche : la couche externe est perméable au lactate, la couche moyenne comprend les enzymes et la couche interne est perméable au peroxyde d’hydrogène (H2O2). Les molécules de lactate traversent la couche externe de la membrane multicouche et sont converties en pyruvate par le lactate oxydase, avec formation de H2O2. L’oxygène de cette réaction est fourni par la couche externe de la membrane et par l’oxydation du H2O2 à l’anode en platine. H2O2 est transporté à travers la membrane interne vers l’anode en platine. Lorsqu’un potentiel est appliqué à la chaine d’électrodes, l’oxydation de H2O2 produit un courant électrique proportionnel à la quantité de lactate. Pour achever le circuit électrique, une réaction de réduction à la cathode convertit l’Ag+ (de l’AgCl) en métal Ag. [63]

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c. Phase post analytique c.1 Valeurs de références

La production quotidienne de lactate est de 1500 à 2000 mmol par 24 heures et aboutit en cas de clairance normale du lactate à une concentration normale plasmatique < 1,5 à 2 mmol/L [61]. La limite supérieure de la plage de référence doit être considérée conjointement avec l’interprétation des paramètres de perfusion du patient [59].

c.2 Variations pathologiques

L’augmentation du lactate n’est pas spécifique à une pathologie donnée. En fonction du mécanisme responsable de l’hyperlactatémie, il est commun de distinguer les causes dysoxiques (type A) des causes non dysoxiques (type B). Ces dernières sont subdivisées en type B1 (secondaire à un désordre métabolique), B2 (induite par des médicaments) et B3 (associée à des défauts génétiques du métabolisme) [64]. Le tableau XVIII résume la classification des hyperlactatémies.

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Tableau XVI : Classification des hyperlactatémies (Modifié selon Woods et Cohen) [64] Type A : Hyperlactatémie associée à une dysoxie cellulaire

 Baisse du transport d’oxygène : dysoxie stagnante (bas débit), dysoxie anémique (baisse de l’hémoglobine), dysoxie hypoxique (baisse de la PaO2)

 Utilisation inefficace de l’oxygène : dysoxie cytopathique (sepsis)  Intoxication au monoxyde de carbone

 Convulsions (dysoxie relative par augmentation de la demande en oxygène)  Exercice intense (dysoxie relative par augmentation de la demande en oxygène)

Type B

B1 : Hyperlactatémie associée à un désordre métabolique

 Stimulation de la glycolyse anaérobique : sepsis, alcalose, hyperglycémie, tumeurs, exercice intense

 Augmentation de la disponibilité en alanine : catabolisme musculaire

 Clairance insuffisante du lactate : hypoperfusion hépatique, insuffisance hépatique, acidose sévère (inhibition de la néoglucogenèse)

B2 : Hyperlactatémie associée à des médicaments/ toxiques

 Bêta-adrénergiques : adrénaline, dobutamine, terbutaline, salbutamol  Propofol

 Biguanides : metformine  Salicylés

 Composés cyanogènes : cyanure, nitroprussiate  Paracétamol

 Cocaïne, métamphétamine

 Antirétroviraux : stavudine, didanosine, zidovudine

 Alcools : éthanol, méthanol, propylène-glycol, éthylène glycol  Sucres : Sorbitol, xylitol, fructose

B3 : Hyperlactatémie associée à une des erreurs innées du métabolisme (déficits enzymatiques)

 Glucose-6-phosphatase (Maladie de Von Gierke)  Pyruvate déshydrogénase

 Pyruvate carboxylase

 Syndrome MELAS (mitochondrial encephalomyopathy, lactic acidosis and stroke-like episodes)

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3.3. Place du lactate dans l’infection bactérienne chez les insuffisants

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