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Rappel des indices de ségrégation existants

2.4 Etude quantitative

2.4.1 Rappel des indices de ségrégation existants

Les espaces urbains se retouvent confrontés à des problèmes de ségrégation à plusieurs niveaux (économique, ethnique. . .). Dans ce contexte, de nombreuses mesures de ségré- gation ont ainsi été élaborées pour quantifier le phénomène. Elles sont en fait classés selon 5 dimensions suite à une analyse comparative de celles-ci par Massey et Denton [MD88] : égalité, exposition, concentration, agrégation spatiale, centralisation. Je ne ren- trerais pas dans le détail de chacune des dimensions, une des raisons étant que, selon

l’étude comparative, l’amplitude de la ségrégation est principalement exprimée à travers les dimensions égalité et exposition.

Les indices de ségrégation et dissimilarité introduits par O. D. Duncan et B. Duncan [DB55] en 1955 figurent parmi les premières mesures les plus développées et utilisées. Ces indices se basent sur la définition suivante de l’intégration : les proportions globales des groupes sociaux, c’est-à-dire dans toute la ville, doivent être les mêmes au niveau local, c’est-à-dire dans les quartiers. Par exemple, si une ville comporte 20% de personnes avec une caractéristique X et 80% avec une caractéristique Y (avec X et Y non compatibles), alors dans chaque quartier on doit retrouver 20% de X et 80% de Y . Si tel est le cas, on parle d’une distribution parfaite. Les indices de ségrégation et de dissimilarité mesurent l’éloignement par rapport à la distribution parfaite. Ces mesures nécessitent donc un découpage de la ville en n zones géographiques indexées par i. Plaçons nous dans le cas où il existe plus de deux types de populations (X, Y, Z. . .). Soit alors xi (yi,zi. . .) la taille de la population X (Y , Z. . .) dans la zone i. Soit ti et T = X + Y + Z + . . . respectivement les tailles des populations totales dans la zone i et dans la ville. Avec ces définitions, l’indice de ségrégation S(X) définie pour une population X s’écrit :

S(X) = 1 2 n X i=1 |xi X ti− xi T − X| (2.3)

et varie de 0, quand la ville est intégrée à 1. La valeur de l’indice de ségrégation exprime ainsi la part du groupe X qui devrait déménager afin que la distribution des X soit compatible avec une distribution L’indice de dissimilarité entre deux populations X et

Y , largement employé par les démographes s’exprime de la manière suivante :

ID(X, Y ) = 1 2 n X i=1 |(xi X yi Y )| (2.4)

et varie également de 0 à 1. Sa valeur quantifie la part du groupe X (ou du groupe Y ) qui devrait se déplacer afin que les populations X et Y suivent les mêmes distributions. L’utilisation de ces indices ne peut se faire que de manière nuancée car le découpage influence fortement le résultat. En effet, il apparaît clair que ces indices diminuent avec la taille des zones. De plus, même dans le cas d’une distribution aléatoire des individus, c’est-à-dire une ville complètement intégrée, les deux indices peuvent être élevés si les zones de découpage de la ville sont trop petites. Un point à noter également est que ces indices ne permettent pas d’obtenir une mesure globale de la ségrégation, en effet, il existe un indice de ségrégation par groupe d’individus et un indice de dissimilarité par paires de groupes d’individus. Cette mesure ne semble donc que peu appropriée pour l’étude de la ségrégation du modèle de Schelling en tant que phénomène collectif.

L’indice d’exposition (isolation) introduit par Bell en 1954 [Bel54] est globalement la moyenne pour un groupe donné du nombre de voisins similaires (au sens de Moore) par agents de ce groupe. Il a ensuite été modifié par Bell lui-même de façon à tenir compte des écarts relatifs des populations de chaque groupe. Cet indice se calcule à nouveau pour chaque groupe ce qui rend la perception du phénomène de ségrégation global plus difficile.

2.4 Etude quantitative 23

Pour les raisons évoquées précédemment nous n’utiliserons pas ces mesures. Une cri- tique émise par M. Fossett [Fos05] est que les mesures standards préconisées par Massey et Denton suite à leur analyse comparative sont trop peu utilisées. Les mesures em- ployées sont en fait souvent développées pour le modèle étudié et les conclusions qui en découlent ne peuvent être en réalité que des artéfacts. Au moment de choisir une mesure de ségrégation à employer, il conviendra de définir une mesure suffisamment générale pour pouvoir être applicable à un large éventail de modèles.

Des mesures de ségrégation ont été spécifiquement développées pour les systèmes multi-agents. Pour le modèle de ségrégation, Schelling s’est intéressé à la moyenne sur tous les agents du ratio de voisins similaires et différents, et également au nombre d’agents complètement entourés par des voisins similaires. Des mesures plus poussées ont ensuite été proposées. Parmi celles-ci, figurent la taille de l’interface (somme des nombres de liens différents et des liens agents-lacunes), la taille de la plus grande composante (sa- chant que la taille d’un amas est prise comme la dimension du plus petit carré qui peut contenir l’amas), le nombre d’amas [SW09, PJ07].

Plusieurs des mesures développées se basent sur la densité de voisins similaires. L’in- dice de Freeman [Fre78] se calcule sur les graphes en général. Il compare le nombre de liens entre voisins similaires attendu au nombre de liens entre voisins similaires dans la configuration observée. Le nombre de liens attentendus entre voisins similaires corres- pond au nombre de liens inter-groupes dans le cas où les deux types d’individus sont placés aléatoirement (indépendamment de leur type) sur le graphe. L’indice de Freeman

F I est :

F I = E − O

E , (2.5)

où E et O sont respectivement les nombre de liens inter-groupes attendus et observés dans une configuration. Cet indice peut être négatif, dans ce cas, il est considéré comme étant nul. Un indice proche de 0 indique une répartition proche de l’intégration. Un autre coefficient de ségrégation S (cf. équation (2.6)) introduit dans [LJ03] mesure également la déviation de la configuration observée par rapport à une configuration aléatoire, dite intégrée : S = 1 N2[ X a fa− fai 1 − fai +X b fb− fbi 1 − fbi ], (2.6)

où N2 est le nombre d’individus.,f

aet fai sont les quotients de voisins similaires pour les agents de type a (au sens de Von Neumann, 4 plus proches voisins) sur voisins présents, respectivement dans la configuration observée et dans la configuration aléatoire. fb et

fbi sont définis de la même façon pour les agents de type b. Plus le coefficient est proche de 1, plus on se rapproche d’une ségrégation totale (le nombre de contacts entre vosins différents tend vers 0) L’indice de Freeman et le coefficient de ségrégation S introduit dans [LJ03] peuvent tous deux devenir négatifs.

La configuration aléatoire générée comme repère pour la situation intégrée peut-être biaisée car le système étant fini, on ne peut dans la plupart des cas qu’approcher une distribution complètement uniforme. Une configuration “plus intégrée” peut alors appa- raître lors de simulations. Ces mesures demandent ainsi de calculer le nombre de voisins similaires pour une situation de référence de l’intégration qui n’est pas unique. L’indice de ségrégation observée peut alors varier selon les configurations aléatoires générées. De

plus, pour chaque nouveau paramètre une nouvelle situation de référence pour l’intégra- tion doit être recalculée. Dans la mesure où l’on varie la densité de lacune dans notre cas, il semble plus approprié de définir la ségrégation de manière globale et sans avoir d’ambiguité sur la façon dont est générée une configuration intégrée de référence.