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Description du modèle de ségrégation en version ouverte

2.8 Conclusions

3.1.2 Description du modèle de ségrégation en version ouverte

Dans le chapitre précédent, l’écriture de la condition de satisfaction avec des variables de spins a permis de dériver une énergie. A l’inverse pour le système ouvert, l’énergie du modèle de Blume-Emery-Griffiths dicte une façon naturelle d’écrire la condition de satisfaction d’un agent. La version ouverte du modèle de ségrégation de Schelling est détaillée dans cette section. La taille du réseau est toujours finie, la ville n’est pas au- torisée à s’agrandir car le phénomène sur lequel on se focalise est la dynamique des déplacements à l’intérieur d’une zone donnée et non pas la croissance de cette zone.

3.1 Vers un modèle de ségrégation ouvert 55

maintenant l’insatisfaction d’un agent. En ce qui concerne la dynamique, tout agent - qu’il soit satisfait ou pas- peut se déplacer sur un site choisi aléatoirement si son degré de satisfaction devient plus élevé. Un agent peut également quitter la ville si cela lui permet d’augmenter son degré de satisfaction, et de nouveaux agents peuvent entrer dans la ville. Un paramètre D contr`ôle le flux de ces agents qui partent ou entrent dans le réseau, il agit comme un potentiel chimique pour la densité de lacunes. Les paramètres de contrôle sont donc la tolérance T et le “potentiel chimique” D.

Définissons maintenant l’indice d’insatisfaction. Pour un agent à l’intérieur de la ville (réseau), l’indice dépend de l’hétérogénéité de son voisinage et d’une attractivité inhérente à la ville. L’indice d’insatisfaction Idissat pour un voisinage composé de Nd voisins differents et Ns voisins similaires est :

Idissat= Nd− T (Nd+ Ns) + D, (3.2)

où T est la tolérance des agents par rapport à l’hétérogénéité de leur voisinage. Plus l’indice Idissat est petit, plus l’agent est satisfait. Avec les variables de spin introduites précédemment, l’indice d’insatisfaction d’un agent sur un site i s’écrit :

Iidissat = −1 2ci X hji cj 1 2(2T − 1) c 2 i X hji c2j + D c2i, (3.3)

où, les sommes se font sur les 8 voisins les plus proches du site i. Sans perte de généralité, on peut supposer qu’un agent à l’extérieur du réseau a un indice d’insatisfaction nul. Ceci est équivalent à considérer que D est la perte de satisfaction (si D < 0) ou le gain (si

D>0) d’un agent qui quitte la ville en laissant un voisinage inoccupé - ou à l’inverse, D est le gain (si D < 0) ou la perte (si D > 0) d’un agent qui entre dans la ville

avec un voisinage vide. La condition minimale de satisfaction d’un agent se traduit par un indice de d’insatisfaction Idissat négatif. Ainsi D indique à quel point le réseau est accueillant. En effet, une valeur très négative de D rend l’environnement aisément satisfaisant pour les agents (Idissat facilement négatif). Tandis qu’une grande valeur de

D conduit à l’impossibilité de satisfaire les agents (Idissat difficilement négatif), rendant en conséquence l’environnement hostile. D peut alors être vu comme l’attractivité de l’environnement urbain [Koz07], nous l’appelerons “attractivité urbaine” (bien qu’il faut rappeler qu’une valeur positive de D signifie que l’environnement est inhospitalier). Dans un contexte socio-économique, il aurait été plus approprié de prendre le signe opposé pour définir D dans l’équation (3.2) mais le signe est choisi ici de façon à avoir une correspondance directe avec le modèle de Blume-Emery-Griffiths.

Dynamique

Partons d’une configuration aléatoire, chaque agent essaie alors d’augmenter son degré de satisfaction (c.à.d. de diminuer Idissat). Dans ce but, des échanges externes et internes sont envisagés avec des probabilités similaires.

Dans le cas d’un échange externe, un site est choisi aléatoiremenent : si il est inoccupé, l’arrivée d’un agent (un des deux types avec probabilité égale) est testée. L’occupation du site devient effective seulement si l’indice d’insatisfaction Idissat du site de destination

est plus petit que 0 (la valeur de l’indice d’insatisfaction à l’extérieur du réseau). Pour cela, le nombre de voisins similaires Ns et de voisins differents Nd dans le voisinage cible doivent satisfaire l’inégalité suivante :

Nd− T (Nd+ Ns) + D ≤ 0. (3.4) Si le site est occupé par un agent, ce dernier reste sur le site seulement si son voisinage remplit la condition précédente (équation (3.4)) ; autrement l’agent se retire du réseau. Ici, la tolérance T peut être comprise comme la proportion maximale de voisins différents tolérés pour rester dans le réseau quand l’environnement est neutre (ce qui correspond à D = 0).

Dans le cas d’un échange interne, un site vacant et un site occupé sont choisis. L’agent se déplace sur le site vide après comparaison des indices d’insatisfaction associés aux deux sites. Si son voisinage actuel est caractérisé par le couple de voisins similaires et différents (Ns, Nd), et le site de destination potentielle par le couple (Ns0, Nd0), le déplacement a lieu si :

[Nd0 − T (Nd0 + Ns0)] − [Nd− T (Nd+ Ns)] ≤ 0. (3.5) Le paramètre D est absent dans cette différence d’indices, les échanges internes dépendent ainsi seulement de la tolérance T .

Fonction de Lyapunov du système ouvert

Ayant défini le modèle, on montre ici que l’énergie de Blume-Emery-Griffiths est une fonction de Lyapunov du modèle de ségrégation en version ouverte. Dans le cas d’un échange interne, c’est-à-dire d’un agent se déplaçant sur un site vide, la variation d’énergie induite par le déplacement d’un agent ci occupant le site i de voisinage hji vers un site i0 de voisinage hki vacant, s’écrit :

∆EBEG = X hji cicj + K X hji c2ic2j + DBEGc2i X hki cick− K X hki c2ic2k− DBEGc2i (3.6) = 2[−[Nd− T (Nd+ Ns)]hji+ [Nd− T (Nd+ Ns)]hki] (3.7)

= 2(Iidissat0 − Iidissat) (3.8)

si l’on identifie K et 2T − 1. Or, la dynamique exige que le déplacement d’un agent sur un site vide ne se fasse que si la différence entre les indices de d’insatisfaction final et initial Idissat

i0 − Iidissat est négative. Par conséquence, tout déplacement interne entraîne une diminution de l’énergie. Dans le cas d’un échange externe, la variation d’énergie ∆EBEG induite par l’arrivée d’un agent de type ci occupant le site i de voisinage hji sur le site vacant i0 de voisinage hkis’exprime de la façon suivante :

∆EBEG = DBEGc2i X hki cick− K X hki c2ic2k− DBEGc2i (3.9) = 2[[Nd− T (Nd+ Ns)]hki] + DBEGc2i (3.10) = 2Iidissat0 (3.11)

3.1 Vers un modèle de ségrégation ouvert 57

l’indice de d’insatisfaction d’un agent arrivant sur le réseau soit négatif. Donc, l’arrivée d’un agent selon les règles de dynamique conduit à une diminution de l’énergie. Le même type de raisonnement montre que le départ d’un agent selon les règles de la dynamique du système ouvert engendre la baisse de l’énergie. Ainsi, une fonction de Lyapunov du modèle ouvert est l’énergie du modèle de Blume-Emery-Griffiths (équation (3.1) - avec

DBEG remplacé par 2D, on notera cette énergie Es).

Tracé de l’énergie

La façon dont a été développée la dynamique du système ouvert suggère l’équivalence entre la dynamique de température nulle du modèle de Blume-Emery-Griffiths et du modèle traité ici, à l’exception des restrictions cinétiques suivantes : ici les agents rouges ne peuvent devenir bleus et inversement. Il est alors intéressant de comparer l’énergie de Blume-Emery-Griffiths EBEG(K = 2T − 1, DBEG = 2D) à température finie proche de 0 et l’énergie Es = EBEG(K = 2T − 1, DBEG = 2D) mesurée sur les configurations d’équilibre du modèle multi-agent. L’énergie du modèle de type Schelling ouvert décroît

-16

-14

-12

-10

-8

-6

-4

-2

0

2

-4

-3

-2

-1

0

1

2

3

4

hE

s

i,

hE

B E G

i

D

T = 1/5

T = 2/5

T = 3/5

T = 4/5

BEG, T = 1/5

BEG, T = 2/5

BEG, T = 3/5

BEG, T = 4/5

Fig. 3.1: Energies moyennes hEsi et hEBEG(K = 2T − 1, DBEG = 2D)i des modèles de type Schelling et de Blume-Emery-Griffiths (à température finie) en fonction de

D pour différentes valeurs de la tolérance T . Les quantités ont été moyennées

sur 30000 configurations de réseau 100 × 100 après l’équilibre. L’énergie de Blume-Emery-Griffiths a été obtenue en utilisant l’algorithme de Heat Bath à une température proche de 0.

durant toute la dynamique, mais la dynamique contrainte créé des barrières entre des minima locaux. En conséquence, l’énergie n’atteint pas nécessairement son minimum absolu. La figure 3.1 montre la dépendance en D de cette énergie à un point fixe (ou dans le régime stationnaire), pour différentes valeurs de la tolérance T . Sur la même figure, l’energie du modèle de BEG correspondant à la limite de température nulle est également représentée : de faibles différences sont perceptibles entre les mesures de l’énergie des deux modèles. L’analyse thermodynamique ne présentera donc pas grand intérêt ici. La faible différence est reliée à la naissance d’interfaces séparant les agents des différents types, interfaces qui ne sont pas présentes dans les configurations d’équilibre du modèle de Blume-Emery-Griffiths à temprérature nulle. Ce point sera détaillé dans la suite.

3.2 Simulations numériques

Les simulations numériques du modèle en version ouverte ont été effectuées sur des réseaux de dimension L × L (L = 100) avec des conditions aux bords libres. Plusieurs valeurs de la tolérance T et de l’attractivité urbaine D ont été testées. Les configurations initiales sont complètement mélangées, agents et lacunes étant réparties aléatoirement sur le réseau. La dynamique décrite précédemment est appliquée jusqu’à ce que le sys- tème atteigne l’équilibre, c’est-à-dire, quand les quantités calculées ont seulement de très faibles fluctuations ou quand le système est gelé. La figure 3.2 montre les configurations finales pour différentes valeurs de T et D. L’étendue des configurations observables pour

D = −6 D = −2.4 D = −0.8 D = 0 D = 0.7 D = −4.5 D = −0.6 D = 0.5 D = 1.1 D = 1.3 D = −3.5 D = 0.8 D = 1.3 D = 1.7 D = 1.9 D = −2.5 D = 0 D = 2 D = 2.4 D = 2.5 T =15 T =2 5 T =3 5 T =4 5

Fig. 3.2: Configurations finales obtenues pour différentes valeurs des paramètres T et D avec des réseaux 100 × 100. Les pixels gris foncés et gris clairs correspondent aux deux types d’agents alors que les pixels blancs sont des sites vacants.

3.2 Simulations numériques 59

il existe deux phases extrêmes que l’on rencontre à chaque tolérance : une phase saturée et une phase dominée par les lacunes. Pour les valeurs très négatives de D, aucune lacune n’est présente quelque soit la tolérance, le système est saturé. Les agents des deux types sont en contact direct. En effet, le réseau est si accueillant (l’indice d’insatisfaction Idissat est facilement négatif) que les agents préfèrent y rester même avec des voisins différents. A l’inverse, pour les hautes valeurs de D, l’environnement est si inhospitalier (les indices d’insatisfaction Idissat des agents sont positifs) que les agents partent. Entre ces deux états, selon la valeur de la tolérance considérée, des lacunes peuvent apparaître et créer des interfaces qui isolent les deux types d’agents. Les interfaces entre agents rouges et bleus sont ainsi de plusieurs types : le contact peut être direct ou des lacunes peuvent séparer les agents. Les interfaces ont aussi plusieurs formes possibles : anguleuses ou lisses rendant les amas plus ou moins compacts. Une analyse quantitative donnera le do- maine d’existence de ces interfaces. La formation d’interfaces constitue ainsi la principale caractéristique du modèle de ségrégation de Schelling en version ouverte. Ces interfaces n’existent pas dans le modèle de Blume-Emery-Griffiths à une température finie (proche de 0), elles sont à l’origine des faibles différences d’énergie observées sur la figure 3.1.