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Rappel de l’objectif général et des principaux résultats

Chapitre 4 : Discussion générale

4.1 Rappel de l’objectif général et des principaux résultats

4.1.1 Objectif général : Mécanismes impliqués dans la reprise. Les trois chapitres

empiriques de la thèse permettent de satisfaire son objectif général, soit de mieux comprendre les mécanismes impliqués dans la reprise d’une tâche dynamique interrompue. La thèse se divise en deux volets : l’un confirmatoire, l’autre exploratoire. Considérant que les modèles explicatifs des interruptions ont surtout été développés pour rendre compte de la reprise d’une tâche statique, le volet confirmatoire a pour but de les mettre à l’épreuve en testant leurs prédictions dans un contexte dynamique. Le modèle théorique le plus exploité jusqu’à présent, soit le modèle MfG, postule que la reprise de toute tâche s’explique par la récupération en mémoire des informations associées à la tâche primaire au retour de l’interruption. Ainsi, le premier volet vise plus précisément à vérifier si la reprise d’une tâche dynamique interrompue peut bel et bien s’expliquer uniquement en termes de processus mnésiques (Objectif 1). Un deuxième modèle théorique plus récent, soit le modèle TC, propose que la reprise d’une tâche dynamique puisse comprendre un processus de reconstruction des informations pertinentes pour l’exécution de la tâche primaire basé sur un balayage visuel de l’environnement. Le premier volet a donc également pour objectif de confirmer l’implication d’une telle reconstruction du contexte de la tâche interrompue dans le recouvrement post-interruption et de caractériser ce processus de reconstruction (Objectif 2).

Le volet exploratoire de la thèse est quant à lui axé sur des concepts qui ne sont pas suffisamment ou même aucunement discutés dans les modèles théoriques actuels. Ces concepts négligés représentent, d’une part, des mécanismes considérés comme étant potentiellement importants pour la reprise d’une tâche dynamique interrompue. Plus précisément, le volet exploratoire a pour but de vérifier si la conscience temporelle et la reconfiguration du schéma d’action peuvent contribuer à la récupération post-interruption dans une situation en constante évolution (Objectif 3). D’autre part, le volet exploratoire vise à approfondir notre compréhension de l’impact de la durée d’une interruption sur le processus de recouvrement d’une tâche dynamique interrompue. À l’heure actuelle, l’explication des conséquences engendrées par le prolongement d’une interruption est basée sur la mémoire et

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n’apparaît pas applicable aux contextes dans lesquels les situations pré- et post-interruption divergent. Le volet exploratoire vise ainsi à documenter l’évolution du rôle qu’occupent les quatre processus et fonctions ciblés (mémoire, balayage visuel, conscience temporelle, reconfiguration du schéma d’action) dans la reprise en fonction de la durée pendant laquelle une tâche évolutive est interrompue (Objectif 4). Avant de discuter des objectifs spécifiques de la thèse à la lumière des résultats obtenus, les sections suivantes consistent en un bref retour sur la justification des choix méthodologiques et sur les résultats des trois chapitres empiriques.

4.1.2 Retour sur le Chapitre 1. Le fait d’avertir un individu de la survenue prochaine

d’une interruption accélère la reprise d’une tâche interrompue, un effet que le modèle MfG attribue à la possibilité d’accroître le niveau d’activation des buts pertinents durant l’intervalle séparant l’avertissement et le début de l’interruption et d’encoder des indices qui faciliteront ultérieurement la réactivation de ces buts (Altmann & Trafton, 2004; Hodgetts & Jones, 2006a; Trafton et coll., 2003). Toutefois, de tels résultats ont jusqu’à présent seulement été observés en contexte statique, où la situation demeure stable en l’absence d’intervention extérieure. Si l’utilité d’un avertissement pré-interruption est réellement attribuable à la possibilité de maintenir les buts fortement activés pendant l’interruption ou de rehausser leur activation une fois l’interruption terminée, la connaissance préalable de l’arrivée imminente d’une interruption ne devrait pas réussir à faciliter la reprise dans une situation évolutive (voir Hodgetts & Jones, 2006a). Afin de vérifier si le recouvrement d’une tâche évolutive dépend seulement de la mémoire, l’expérience présentée dans le Chapitre 1 se veut un test de l’efficacité d’un avertissement précédant l’arrivée d’une tâche interruptive dans une situation où les scènes pré- et post-interruption diffèrent.

Dans l’optique de tester l’impact d’une notification pré-interruption dans un contexte dynamique réaliste, un micromonde simulant une situation de surveillance d’un espace aérien est utilisé. Les scénarios de cette simulation permettent l’insertion de questions interruptives se rapportant à la situation surveillée. Pendant ces interruptions, l’interface associée à la tâche primaire est complètement cachée, mais la situation continue d’évoluer. Un signal sonore précède la moitié des interruptions par 8 s afin d’annoncer la suspension imminente de la tâche primaire. Aucune information n’est toutefois donnée aux participants concernant la

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façon dont ils doivent exploiter cet intervalle temporel. Les résultats de cette première expérience révèlent que la connaissance préalable de l’occurrence d’une interruption facilite la reprise, les premières décisions étant prises plus rapidement au retour d’une interruption anticipée. Cette économie de temps ne se produit pas au détriment de la qualité des premières décisions post-interruptions. L’avertissement s’étant avéré efficace en dépit de la disparité entre les scènes pré- et post-interruption, le processus de reconstruction proposé par le modèle TC devient un candidat intéressant pour expliquer les avantages qu’il apporte.

4.1.3 Retour sur le Chapitre 2. Les résultats du Chapitre 1 suggèrent que la mémoire

n’est pas le seul processus impliqué dans la reprise d’une tâche dynamique interrompue. Sur la base des postulats du modèle TC, il est possible d’émettre l’hypothèse que la reconstruction soit aussi nécessaire à une récupération efficace. Ce processus de reconstruction étant peu détaillé par les auteurs du modèle, le choix des variables appropriées pour tester son existence et ses caractéristiques demeure difficile. En effet, les auteurs proposent que la nature exacte de la reconstruction du contexte d’une tâche primaire puisse varier en fonction de la nature de cette tâche. Ils affirment toutefois que ce processus soit principalement basé sur un balayage visuel de la scène. Ainsi, l’ajout du suivi des mouvements oculaires dans l’expérience du Chapitre 2 permet de mieux comprendre en quoi consiste la reconstruction qui est réputée survenir lors de la récupération post-interruption. Grâce à la plus grande diversité des mesures et des intervalles d’analyse considérés dans cette expérience, il est également possible de vérifier l’impact des avertissements de façon holistique, c’est-à-dire de s’assurer que les bénéfices observés immédiatement après l’interruption ne se produisent pas au détriment de la performance dans d’autres intervalles temporels (voir Lafond, Vachon, Rousseau & Tremblay, 2010; Vallières, Hodgetts, Vachon & Tremblay, 2016).

Afin de répondre à ces questions, l’expérience du Chapitre 2 reprend le devis expérimental utilisé dans le Chapitre 1. Des améliorations significatives lui sont toutefois apportées, notamment via l’enregistrement des mouvements oculaires. En outre, cette nouvelle expérience présente une plus grande équivalence entre les scénarios associés aux conditions expérimentales déjà existantes (avec ou sans avertissement) en plus d’inclure une condition contrôle (sans interruption). Dans le Chapitre 1, les scénarios interrompus pouvaient comprendre jusqu’à deux interruptions, lesquelles pouvaient ou non faire partie de

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la même condition expérimentale. Ces choix avaient été faits dans le but de maximiser le nombre d’interruptions présentées et de minimiser la prévisibilité de la survenue des interruptions en l’absence d’un avertissement. Toutefois, la gestion de la deuxième interruption se produisant dans un même scénario n’est probablement pas équivalente à la gestion de la première interruption. De la même manière, la gestion d’une seconde interruption n’est probablement pas équivalente aux situations dans lesquelles les scénarios comportent une interruption unique. Afin de s’assurer que les différences entre les mesures recueillies autour des interruptions inattendues et anticipées ne soient pas partiellement attribuables aux répercussions que pourrait avoir la présentation rapprochée de deux interruptions à l’intérieur d’un même scénario, tous les scénarios interrompus du Chapitre 2 ne comportent qu’une seule interruption. Enfin, dans l’expérience du Chapitre 2, la collecte des différentes mesures se fait non seulement après, mais aussi immédiatement avant et pendant l’interruption. Il est toutefois à noter qu’à des fins de comparaison entre les deux premiers chapitres, les données concernant le nombre, la durée et la précision des décisions prises dans l’intervalle de 8 s précédant l’interruption ont également été analysées pour le Chapitre 1. Ces nouvelles analyses sont présentées en Annexe.

Les résultats obtenus dans le Chapitre 2 suggèrent d’abord qu’une préparation cognitive se produit immédiatement après la présentation d’un avertissement. De plus, les résultats du second chapitre confirment ceux obtenus dans le Chapitre 1, soit que la possibilité de se préparer à une interruption imminente accélère les premières décisions prises après la suspension de la tâche primaire. Les données oculaires complémentent cette observation en indiquant que la charge cognitive est plus faible et que l’information pertinente est extraite plus rapidement au retour d’une interruption anticipée. La présentation de notifications annonçant l’arrivée d’une interruption n’engendre pas de coûts concernant la précision des décisions prises pendant ou après la suspension de la tâche primaire. En outre, aucune différence significative n’est observée quant à la précision des décisions prises durant l’intervalle séparant l’avertissement et le début de l’interruption. Ce résultat doit malgré tout être interprété avec prudence, car le pourcentage de classifications correctes mesuré avant une interruption anticipée est d’environ 10% inférieur à celui observé dans les scénarios ininterrompus ou interrompus de façon inattendue. Puisque les participants effectuent également moins d’actions se rapportant à leur tâche principale lorsqu’un avertissement leur

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est présenté, il ne peut être conclu hors de tout doute que la possibilité de se préparer mentalement à une interruption n’entraîne que des bénéfices pour l’exécution de la tâche primaire.

4.1.4 Retour sur le Chapitre 3. La mémoire et la reconstruction, qui consiste

principalement en un balayage visuel de l’environnement, sont les deux seuls mécanismes considérés par les modèles théoriques dans l’explication de la reprise d’une tâche interrompue. Toutefois, d’autres mécanismes généralement négligés dans les écrits (soit la conscience temporelle et la reconfiguration du schéma d’action) sont probablement aussi impliqués dans la reprise. De plus, étant donné l’évolution autonome d’une situation dynamique, les mécanismes importants pour une reprise efficace ne sont probablement pas les mêmes après une courte interruption comparativement à une interruption plus longue, à la suite de laquelle le nombre de changements qui doivent être constatés est vraisemblablement plus élevé. En ce sens, l’expérience du Chapitre 3 emploie une approche de différences individuelles pour examiner l’évolution du rôle de la mémoire, du balayage visuel, de la conscience temporelle et de la reconfiguration du schéma d’action dans la reprise en fonction de la durée de l’interruption.

Dans cette expérience, la performance des participants à des tâches visant à refléter les quatre processus et fonctions susmentionnés est mise en relation avec leur capacité à reprendre efficacement une tâche de suivi d’objets multiples interrompue pendant 5, 15 ou 30 s. Pendant chaque interruption, la situation surveillée continue d’évoluer au même rythme que lors de l’intervalle pré-interruption, même si les stimuli à suivre ne sont plus visibles. En présence d’une interruption de 5 s, les scènes pré- et post-interruption sont presque identiques. Cette ressemblance diminue toutefois avec le prolongement de l’interruption, les situations étant très différentes en présence d’une interruption de 30 s. Les résultats suggèrent que même en contexte dynamique, la mémoire est utile pour la reprise, mais surtout lorsque la situation a peu évolué. De la même façon, la conscience temporelle appuie surtout la reprise après une courte interruption. Le balayage visuel et la reconfiguration du schéma d’action semblent quant à eux impliqués dans le recouvrement indépendamment de la durée de l’interruption, la contribution du balayage visuel semblant même augmenter avec l’allongement de la tâche interruptive.

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