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QUELLES SONT LES RAISONS POUR LESQUELLES LES FIRMES RESPONSABLES SONT PLUS RÉSILIENTES ?

Dans le document Covid-19 | Regards croisés sur la crise (Page 75-77)

Édith Ginglinger

QUELLES SONT LES RAISONS POUR LESQUELLES LES FIRMES RESPONSABLES SONT PLUS RÉSILIENTES ?

La confiance

Une des explications de la surperformance des entreprises responsables est la confiance entre les parties prenantes qu’engendrent les dépenses RSE. Or la confiance est essentielle dans les échanges, et les ralentissements économiques dans le monde sont souvent le résultat d’un manque de confiance réciproque. De la même manière, les engagements RSE peuvent restaurer la confiance des parties prenantes dans leur entreprise, qui se trouve érodée durant les périodes de crise. L’étude référencée en note 3 constate ainsi que les rendements excédentaires durant la crise sont plus élevés pour les entreprises dont le siège social se trouve dans des régions où les individus font plus confiance. Ces résultats suggèrent que l’augmentation du capital social résultant des activités de RSE est importante principalement dans les périodes où la confiance dans les sociétés en général s’est érodée, alors qu’en temps normal, les avantages du capital social sont déjà intégrés dans le prix des actions d’une entreprise.

La fidélité des consommateurs

Si la performance opérationnelle des entreprises responsables est meilleure, comment l’expliquer ? Les entreprises avec les meilleures notes RSE dégagent des marges brutes supérieures à celles qui sont mal notées, et également une croissance du chiffre d’affaires plus importante. Ces résultats suggèrent que les clients sont plus fidèles aux entreprises plus responsables durant les périodes de crise.

3 Les données sont issues de Lins, Servaes et Tamayo (2017), Social capital, trust and firm performance: the value of corporate social responsibility during the financial crisis, Journal of Finance, 72, 1785-1824.

4 Voir Amiraslani, Lins, Servaes et Tamayo (2019), Bond market benefits of corporate social capital, disponible sur www. ssrn.com

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5Servaes et Tamayo (2013), disponible sur ssrn. 6 Voir Lins et al (2017), cité en note 3. 7 Voir Edmans, Li et Zhang (2020), disponible sur ssrn.

8 Voir Kruger, Metzger et Wu (2020), disponible sur ssrn.

Approfondissant la relation entre RSE et consommateurs, une autre recherche considère qu’une condition nécessaire pour que les dépenses liées à la RSE modifient le comportement du consommateur, et donc aient un impact sur la valeur de la firme, est que le consommateur soit conscient du comportement responsable de l’entreprise. Elle montre que les activités liées à la RSE ont un impact sur la valeur des entreprises qui font beaucoup de publicité et qui ont une réputation de « bon citoyen », mesurée par l’appartenance de la firme au classement du magazine « Fortune » des entreprises les plus admirées5. La satisfaction des salariés

La satisfaction des salariés est également un facteur explicatif d’une meilleure résilience durant les crises. Les salariés des entreprises les plus orientées RSE sont plus productifs durant la crise. Dans l’étude précitée, le chiffre d’affaires par salarié des firmes dans le quartile supérieur des notes RSE est de 10 % supérieur à celui des firmes dans le quartile inférieur des notes RSE6. L’appartenance à la liste des « meilleures entreprises où travailler » a

un impact positif sur les performances boursières, mais ce résultat est valide uniquement dans les pays où le marché du travail est flexible7. Enfin, utilisant

des données administratives suédoises, une autre recherche montre que les salariés acceptent des salaires inférieurs de 10 à 20 % pour travailler dans des secteurs plus responsables8. Cet écart est le plus important pour les salariés

les plus qualifiés et croît sur les périodes récentes, les générations Y et Z semblant particulièrement concernées. Les firmes responsables sont ainsi en mesure d’attirer et de fidéliser des talents pour lesquels les motivations non monétaires sont importantes, ce qui pourrait également contribuer à expliquer leur résilience.

CONCLUSION

La plupart des études académiques qui se sont penchées sur les performances des entreprises durant les crises montrent une nette avance des entreprises les plus responsables, tant sur le plan des performances boursières qu’opérationnelles. Les entreprises les plus responsables créent un climat de confiance entre les parties prenantes, qui en présence d’un choc, soutiennent l’entreprise. Les consommateurs s’avèrent plus fidèles et les salariés plus productifs, d’autant que ces derniers sont également plus souvent animés par des motivations non monétaires lorsqu’ils choisissent de travailler pour une entreprise responsable.

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2020 : un retournement majeur ?

Philippe Chalmin

Professeur

d’histoire économique

La crise provoquée en 2020 par la Covid-19 ne peut être analysée comme une simple crise économique et financière comparable à celle de 2008. La thèse soutenue ici est qu’il s’agit d’une crise beaucoup plus profonde de l’ampleur de celles des années trente et des années soixante-dix en termes de retournement des politiques économiques dans l’éternelle alternance entre l’état et le marché. 2020 mettrait ainsi un terme aux « Trente Glorieuses » de la mondialisation heureuse et ouvrirait une nouvelle période de l’histoire économique mondiale.

Confrontés au défi de brosser les grandes lignes de passés plus ou moins lointains, les historiens butent sur les bornes à placer de manière souvent arbitraire pour délimiter des « périodes » à peu près cohérentes. Et ce qui peut être relativement facile pour des espaces géographiques limités tient de la mission presque impossible lorsque l’on essaie de raisonner à l’échelle de la planète.

Notre chronologie classique est avant tout occidentale lorsqu’elle distingue les grandes périodes « antique, médiévale, moderne et contemporaine ». L’histoire contemporaine couvre maintenant plus de deux siècles et au moins deux temps de mondialisation, et autant de replis. Au-delà de l’histoire politique et bien souvent militaire, les économistes se sont eux aussi saisis de l’épineuse question des cycles et ont ainsi immortalisé Kondratieff, Juglar et quelques autres. Mais les divergences d’interprétation demeurent et obscurcissent un peu plus l’analyse historique. Celle-ci a bien sûr du mal à s’extraire des tensions de l’immédiat : que n’a-t-on écrit à chaud sur les ruptures provoquées par le 11 septembre 2001 ou par la crise financière de 2008 ? L’analyse de la crise de 2020, alors qu’elle n’est pas terminée pose le même problème. Sera-t-elle oubliée une fois la pandémie jugulée ? Disparaitra-t-elle en note de bas de page des manuels d’histoire du futur comme cela a été le cas de la grippe espagnole, au bilan pourtant autrement plus lourd ?

Telle n’est pas notre thèse. En employant ce mot – mais hypothèse aurait pu convenir – l’auteur prend le risque de la subjectivité de l’interprétation et accepte à l’avance les critiques et les opinions contradictoires. La crise de 2020 serait à notre sens à l’origine d’une rupture majeure comparable aux deux grands chocs qu’a connu le XXe siècle : la crise dite de 1929 et celle

des années soixante-dix. Ce serait, bien plus que les guerres mondiales, le troisième grand retournement de l’histoire économique – et bien au-delà du monde contemporain – mettant fin aux « Trente Glorieuses » de la deuxième mondialisation. Pour comprendre cette analyse, il faut reprendre une perspective historique.

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